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LUI. J’attendrai l’avion ? l’aеroport. De toute fa?on, je ne m’endormirai pas. (Il prend son porte-documents, y jette sa cravate, son rasoir еlectrique et ses autres rares affaires.)
ELLE. Tu pars comme ?a? Sans aucune hеsitation?
LUI. Je pars comme ?a.
Pause.
LUI. Supposons que je reste et que je fasse l’amour avec toi. Peut-?tre que ?a me plaira. Peut-?tre, cela еveillera-t-il en moi quelque chose de plus que la sympathie. Et ensuite, tu te mettras ? rire, tu prendras ton carnet, tu noteras et diras : « C’est bon, tu es dans la liste. Numеro cent. Tu peux y aller. » C’est bien ?a, non?
La femme se tait.
LUI. Non, je ne changerai pas mon programme. Tu te fais une fiertе maintenant de ce que c’est toujours toi qui quittes, eh bien! cette fois-ci c’est toi qu’on quitte.
ELLE. Ce n’est pas grave, je survivrai. J’ai dеj? connu ?a. Et puis, nous ne nous quittons pas. Nous nous sеparons simplement, faute d’avoir pu nous rencontrer.
LUI. Tant mieux. (L’homme fait claquer son porte-documents, fait quelques pas vers la sortie, mais s’arr?te.) Je veux seulement demander… Comment es-tu au courant, quand m?me, de ce qui s’est dit ? la confеrence?
ELLE. C’est la seule chose qui te tracasse en ce moment?
LUI. Non, mais… Tu n’es pas obligеe de le dire.
ELLE. J’y ai participе en tant qu’interpr?te. Quand tu lisais ton rapport, je le traduisais instantanеment en fran?ais, et quand les Fran?ais ou les Espagnols lisaient leurs rapports, je les traduisais en russe.
LUI. Voil? donc pourquoi ta voix m’est famili?re!
ELLE. Oui, tu l’as entendue dans les еcouteurs. Tu vois, que tout est simple.
LUI. Mais la traduction simultanеe, qui plus est, de textes spеcialisеs, exige un haut degrе de qualification.
ELLE. Oui. Et pour ?a, on me paie bien. Tu voulais savoir comment je gagnais ma vie et combien je touchais, maintenant tu le sais. Au fait, ton rapport m’a beaucoup intеressеe.
LUI. Tu y as compris quelque chose?
ELLE. Figure-toi qu’? l’universitе nous avons aussi еtudiе la psychologie, si bien que j’ai m?me trouvе intеressant de t’еcouter. Ce n’est pas pour rien que sur Internet il y a des milliers de liens vers ton nom.
LUI. Je vois que tu t’еtais bien prеparеe.
ELLE. « Connais-toi et connais ton ennemi, ainsi cent fois tu vaincras dans cent batailles ». C’est un aphorisme chinois. Mais je n’ai pas vaincu.
LUI. Et tu le voulais?
ELLE. Beaucoup. Toute la soirеe j’ai craint qu’? tout moment tu ne te l?ves et partes et je m’effor?ais de te retenir par tous les moyens. Au moins cinq minutes encore, une minute… Voil? pourquoi tant?t je jouais les prostituеes, tant?t je simulais la femme honn?te, avec des mani?res tant?t exquises, tant?t vulgaires. J’enflammais ta curiositе, t’app?tais, minaudais, faisais l’intеressante pourvu seulement que tu ne partes pas. Pourvu que tu ne partes pas…
LUI. (Apr?s avoir gardе le silence.). Oui, notre rencontre n’a pas еtе des plus faciles. Tu avais raison. (Il prend la clе.) Allons.
ELLE. (Sans bouger de sa place.). Tu pars quand m?me?
LUI. Et toi aussi tu pars. (Il fait tourner sa clе accrochеe ? un porte-clе.) Je dois fermer la porte ? clе.
ELLE. Tu veux me mettre ? la rue sous la pluie?
LUI. Tu ne peux pas rester ici. Je dois rendre la clе.
ELLE. Ne t’en fais pas pour moi. Va. Je vais ranger, puis je fermerai la porte et je rapporterai ta clе.
LUI. Et pour aller o? en pleine nuit?
ELLE. ?a te tracasse? J’occupe la chambre contigu? avec la tienne, mais tu ne l’avais m?me pas remarquе. Et moi, je voulais tellement que tu m’adresses la parole!
LUI. Tous ces quatre jours, nous еtions ? c?tе l’un de l’autre?
ELLE. Oui, et maintenant la confеrence est achevеe et demain soir, moi aussi, je prends l’avion. Plus exactement, aujourd’hui dеj?.
LUI. Alors… (Apr?s hеsitation.) Et puis, non… Au revoir.
ELLE. Un moment!
LUI. (S’arr?tant.). Quoi encore?
ELLE. (D’un ton libеrе.). Rien de particulier. Je veux simplement te raconter une anecdote en guise d’adieux. Puisqu’il faut te distraire, allons jusqu’au bout. Un homme, еpuisе et p?le, arrive chez son mеdecin : « Docteur, toutes les nuits le m?me cauchemar m’assaille. Une voix me dit en boucle quelque chose en italien, s?rement, quelque chose de tr?s important. Je fais des efforts pour comprendre, mais c’est peine perdue. ?a me plonge dans une telle inquiеtude que je me rеveille et que je ne peux plus me rendormir ». ? Et vous comprenez l’italien? ? demande le mеdecin. ? Justement, non, ? rеpond le patient. ? Alors, la seule chose que je puisse vous conseiller, ? dit le mеdecin, c’est d’apprendre l’italien. Alors vous comprendrez ce que vous dit la voix et, peut-?tre, serez-vous rassurе. Deux mois ont passе et le mеdecin rencontre son patient, par hasard, dans la rue, joyeux, resplendissant et le teint colorе. ? Alors, vous avez appris l’italien? ? demande le docteur. Le patient rеpond : ? Non, je dors avec une interpr?te.
LUI. Pourquoi est-ce que tu me racontes ?a? pour me relancer?
ELLE. (Moqueuse.). Pour que tu saches que tu es passе ? c?tе d’une rare possibilitе de te dеfaire de ta dеpression. (Avec cruautе :) Et maintenant, va-t’en, va-t’en au plus vite. Je suis tr?s fatiguеe.
L’homme marche lentement vers la sortie et s’arr?te ? la porte.
LUI. Probable, qu’on ne se verra plus. Mais ?a ne peut pas ?tre autrement… Tu dois me comprendre…
La femme ne rеpond pas.
LUI. Adieu. (Il sort.)
La femme, seule, reste longtemps assise et immobile. Puis, lentement, elle еteint les deux bougies, l’une d’abord, puis l’autre. ? travers la fen?tre pеn?trent les premi?res clartеs d’un matin d’automne maussade. Elle se l?ve, s’assoit, se rel?ve, puis machinalement dеbarrasse la table.
? l’embrasure de la porte appara?t l’homme.
LUI. C’est encore moi.
ELLE. (Pas encore revenue de ses mеditations, sur un ton distant :). Vous avez oubliе quelque chose?
LUI. Oui. Heu… non. Dis-moi, tout ce que tu as dit sur toi, tu l’as inventе?
ELLE. Et si je rеponds non?
LUI. Tu as raison, ce n’est pas important… Tu sais, ? peine еtais-je sorti que j’avais compris tout de suite… si je laissais passer cette occasion, je le regretterais toute ma vie… Il y a en toi… J’ai du mal ? expliquer…
ELLE. Je ne vous comprends pas bien.
LUI. Moi-m?me je ne comprends pas. ?a fait si longtemps que je n’ai pas еprouvе ?a. Je pensais que jamais plus je ne l’еprouverais… C’est pourquoi j’ai eu peur. Toi et moi, c’est comme deux papillons attirеs par un feu… Bien que nous sachions comment cela peut se terminer. Mais ?a m’est еgal. S’il faut aller au feu, eh bien, soit!
ELLE. (Avec douceur.). Tout doux. Assieds-toi.
Il s’assoit.
ELLE. Et maintenant, dis-moi, pourquoi tu es quand m?me revenu.
LUI. Tu ne comprends pas? (Il prend en souriant la bouteille de champagne.) Il nous reste ? finir le champagne.
FIN
Aimer a perdre la mеmoire
Любовь до потери памяти
Comеdie en deux actes
? PROPOS
Un homme souffrant d’amnеsie se prеsente dans le cabinet d’un mеdecin pour avoir son aide. Le mеdecin essaie de dеceler les sympt?mes et les causes de la maladie, mais en vain : les rеponses du patient sont tellement contradictoires qu’il est impossible d’obtenir quelque chose de sensе. Heureusement, il rеussit ? faire venir la femme du malade. Elle rеpond ? toutes les questions avec clartе et assurance, mais il ressort de ses affirmations que le docteur aussi souffre d’amnеsie. La situation s’embrouille davantage encore lorsqu’appara?t une autre femme dеclarant aussi qu’elle est l’еpouse du patient. La situation tourne ? l’absurditе totale. Le docteur devient presque fou. Cette comеdie dynamique et burlesque, vive et sans temps mort, conna?t un dеnouement inattendu. La pi?ce est mise en sc?ne dans de nombreux thе?tres de Russie et d’autres pays. 3 hommes, 2 femmes. Intеrieur.
Personnages
LE DOCTEUR
MICHEL
JEANNE
IR?NE
L’HOMME
L’?ge des personnages n’est pas d’une importance dеcisive. Il est fort probable qu’ils aient la quarantaine, le Docteur et l’Homme еtant un peu plus (ou beaucoup plus) ?gеs.
ACTE I
Le cabinet d’un Docteur richement meublе, rappelant un salon еlеgant plut?t qu’une salle mеdicale stеrile. Dans un confortable fauteuil, derri?re son bureau, s’est installе le Docteur en personne, un homme dans la fleur de l’?ge bien habillе, qui en impose et tr?s s?r de lui. Entre un Visiteur.
LE VISITEUR. Docteur, je souffre d’amnеsie.
LE DOCTEUR. Depuis quand ?
LE VISITEUR. « Depuis quand quoi » ?
LE DOCTEUR. Depuis quand souffrez-vous d’amnеsie ?
LE VISITEUR. (Mettant son esprit ? la torture.) Je ne m’en souviens pas.
LE DOCTEUR. Bien. Je veux dire : c’est tr?s mauvais. Mais rien n’est irrеparable. L’essentiel est que vous soyez venu voir le bon mеdecin. Celui qui vous guеrira. Des mеdecins qui soignent, on n’en trouve pas tant que ?a. Et qui guеrissent, pas du tout. Еtablissons, comme il se doit, une fiche mеdicale. (Il commence ? entrer les donnеes dans l’ordinateur.) Et donc, vous souffrez d’amnеsie.
LE VISITEUR. Comment le savez-vous ?
LE DOCTEUR. Vous venez juste de me le dire vous-m?me.
LE VISITEUR. Ah, oui ? C’est tr?s regrettable. En fait, je le cache pour ne pas me crеer d’ennuis.
LE DOCTEUR. Ne vous inquiеtez pas, cela restera entre nous. Secret professionnel. Votre nom ?
LE VISITEUR. Mon nom ? (Mettant son esprit ? la torture.) J’ai oubliе.
LE DOCTEUR. (Rassurant.) Ne vous inquiеtez pas, ce n’est pas catastrophique. Avez-vous sur vous votre carte d’identitе ou un document attestant de votre identitе ?
LE VISITEUR. Oui, bien s?r. (Il fouille dans ses poches.) J’ai peur de l’avoir laissеe ? la maison.
LE DOCTEUR. En toute honn?tetе, vous ne me facilitez pas la t?che.
LE VISITEUR. J’ignore moi-m?me comment c’est advenu. Je me souviens que mon nom est tr?s courant.
LE DOCTEUR. T?chons de nous souvenir. Nicolas, peut-?tre ?
LE VISITEUR. (Incertain.) Peut-?tre.
LE DOCTEUR. Ou Serge ?
LE VISITEUR. Je ne sais pas.
LE DOCTEUR. Et votre nom de famille ? Oubliе aussi ?
LE VISITEUR. Et le nom de famille aussi. Mais ne vous inquiеtez pas. Je dois avoir sur moi une note avec mon nom et mon adresse. Ma femme me glisse toujours cette note dans la poche, quand je sors. (Il cherche dans ses poches et trouve un petit papier. Triomphant.) Tenez, vous voyez ? Vous allez savoir comment je m’appelle.
LE DOCTEUR. (Il dеplie et lit la note.) Voyons voir… Un numеro de tеlеphone… Et un nom, l?. « Ir?ne ». (Perplexe.) Mais ce n’est pas votre prеnom !
LE VISITEUR. Vous ?tes s?r ?
LE DOCTEUR. Et vous non ? Vous ?tes un homme, enfin !
LE VISITEUR. Comment le savez-vous ? Je vous l’ai dit ?
LE DOCTEUR. Vous ne le savez pas vous-m?me ?
LE VISITEUR. Que je suis un homme ? Si vous l’affirmez, je vous crois. (Il rеflеchit.) Si Ir?ne n’est pas mon prеnom, alors de qui est-ce le prеnom ?
LE DOCTEUR. (Commen?ant ? s’еnerver.) C’est justement ce que je voulais vous demander.
LE VISITEUR. Probablement, est-ce le prеnom de ma femme.
LE DOCTEUR. Que signifie « probablement » ? Vous ne vous rappelez pas le prеnom de votre femme ?