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LUI. C’est moi qui r?gle.
ELLE. Pas besoin de l’appeler, j’y vais. (Elle va vers la sortie.)
LUI. Mais vous allez revenir?
ELLE. Et vous, vous attendrez?
LUI. Vous doutez de moi?
ELLE. Et vous de moi?
LUI. Oui.
ELLE. Et vous faites bien.
La femme sort et son absence semble assez longue ? l’homme. Il l’attend avec une certaine inquiеtude, ne la quittant pas du regard. La femme revient.
LUI. Pourquoi ces chuchotements avec le gar?on?
ELLE. (Avec une pointe de moquerie.). Nous rеcitions des vers. Vous ?tes jaloux?
LUI. Peut-?tre.
ELLE. Bon, eh bien, je suis pr?te.
LUI. (Il fait quelques pas, mais soudain s’arr?te.). Tout ? coup j’ai un peu peur.
ELLE. Moi aussi.
LUI. De qui avez-vous peur? De moi?
ELLE. Non. De moi.
LUI. Et moi, de moi. Mais on y va?
ELLE. On y va.
FIN DE ACTE I
ACTE II
Une chambre d’h?tel. L’Homme et la Femme entrent. Tous les deux se sentent quelque peu g?nеs.
LUI. Eh bien, la chambre vous pla?t?
ELLE. Comment dire… Dans un h?tel, f?t-il un bon h?tel, il y a toujours ce c?tе standard, aseptisе. Une table, un sanitaire, un lit… On ne s’y sent jamais comme chez soi.
LUI. Si je comprends bien, il vous arrive souvent d’aller dans les h?tels. Profession oblige.
ELLE. ?a se peut. Et alors?
LUI. Rien.
ELLE. Alors pourquoi poser des questions oiseuses?
Pause.
L’homme veut enlacer la femme. Elle s’еcarte.
LUI. Qu’est-ce que tu as?
ELLE. Rien.
LUI. Je ne comprends pas, ne sommes-nous pas convenus de tout?
ELLE. Nous ne sommes convenus de rien du tout. Vous m’avez priеe de venir, je suis l?.
LUI. J’esp?re que tu n’essaieras pas de me faire croire que je suis le deuxi?me.
ELLE. S?rement pas.
LUI. Tiens, tiens! Et tu en as eu beaucoup?
ELLE. Suffisamment.
LUI. Donc, tu as de l’expеrience?
ELLE. Pas peu.
LUI. Tu m’en feras profiter?
ELLE. Nous nous tutoyons ? nouveau?
LUI. Au lit, on ne se vouvoie pas.
ELLE. Nous ne sommes pas encore au lit.
LUI. Mais nous allons y ?tre. (Il veut l’enlacer.)
ELLE. (S’еcartant tr?s s?chement.). Vous avez dеcidе que puisque j’ai еtе d’accord pour venir ici, on pouvait ne pas se g?ner avec moi?
LUI. Inutile de faire croire que vous ?tes montеe, ? la nuit tombеe, dans la chambre d’un homme pour boire le thе avec lui.
ELLE. Certes, pas pour boire le thе. Nous boirons le champagne.
LUI. Cessez de plaisanter. O? le trouverai-je ? prеsent? (Il essaie ? nouveau d’enlacer la femme.)
ELLE. (Ne rеagissant pas du tout ? ses еtreintes. Le ton froid :). Ne jouez pas la passion.
LUI. Mais je ne la joue pas. Ce n’est pas la passion mais la curiositе qui pousse un homme vers une nouvelle femme.
ELLE. (S?chement.). Contentez-vous de satisfaire votre curiositе sans l’aide de vos mains. Posez-moi, par exemple, des questions et je rеpondrai.
LUI. Alors, vous ?tes venue seulement pour parler? Ici, dans cette chambre?
ELLE. Naturellement. Selon vous, il vaut mieux discuter dehors dans le froid, le vent et la pluie? (Et comme il la tient toujours enlacеe, elle continue.) Si vous ne me rel?chez pas immеdiatement, je m’en vais tout de suite.
L’homme rel?che la femme. Pause.
LUI. Si ces caprices doivent se poursuivre, pourquoi donc ?tes-vous venue?
ELLE. Peut-?tre, parce que je me sentais seule. Comme vous.
LUI. Qu’est-ce qu’une belle-de-nuit comme toi peut conna?tre de la solitude? De la vraie solitude, quand tu n’as personne ? qui adresser la parole, ? qui te confier, personne pour te comprendre et te rеpondre? Quand tu te sens seul m?me entourе de gens, m?me si ? tes c?tеs dort un ?tre supposе proche mais en vеritе еtranger.
La femme ne rеpond pas. Pause.
LUI. Alors quoi, nous allons longtemps nous regarder comme ?a?
ELLE. Calmez-vous et asseyez-vous.
LUI. Je ne te comprends pas.
ELLE. En revanche, moi je vous comprends tr?s bien. Vous n’?tes tout simplement pas s?r de vous et vous ne savez pas comment vous y prendre. Vous ?tes tout le temps ballotе entre votre timiditе et un sans-g?ne que vous prenez pour de l’audace.
LUI. C’est juste, pardon.
ELLE. Et si vous ne vous conduisez pas comme il faut, je partirai tout de suite.
LUI. Qu’est-ce que c’est que ce nouveau jeu?
ELLE. La continuation de l’ancien. Seulement, comme au football, apr?s la pause, nous changeons de camp. Au restaurant, c’est moi qui vous sollicitais et maintenant c’est votre tour. Montrez-moi comment vous vous y prenez.
LUI. Pour dire vrai, je ne sais pas du tout m’y prendre.
ELLE. Je l’avais dеj? remarquе.
Pause.
LUI. Avec vous, j’ai un peu de difficultе ? relancer la conversation. Vous ne m’avez m?me pas dit comment vous vous appelez.
ELLE. Si vous voulez, appelez-moi Constance. Ou Nadine. Ou Aimеe.
LUI. Et en rеalitе?
ELLE. (Sans rеpondre ? la question, elle s’approche de la fen?tre.). Quel sale temps dehors…
LUI. (Il s’approche d’elle et regarde aussi par la fen?tre.). Oui, il fait froid et c’est inconfortable… Il y a quelque chose qui coince dans notre rencontre.
ELLE. Ne vous dеsolez pas, nous avons toute une nuit devant nous. Tout peut changer.
LUI. Vous le promettez?
ELLE. Je l’esp?re. Tout dеpend de vous.
LUI. Et pourquoi ne me demandez-vous pas mon nom?
ELLE. Parce que je le connais.
LUI. (Stupеfait.). Comment ?a?
ELLE. Comme ?a. Je ne sais pas, cependant, comment je dois vous appeler. Il est un peu t?t pour vous appeler Serge, et « Monsieur Odintsov » me para?t trop formel.
LUI. Prenons un juste milieu. Vous pouvez m’appeler Serguе?.
ELLE. J’esp?re mеriter le droit de vous appeler de fa?on plus intime.
LUI. Mais, tout de m?me, comment connaissez-vous mon nom? (Apr?s un temps de rеflexion :) Peut-?tre, en bas, ? l’accueil?
ELLE. Peu importe. Je le connais, voil? tout.
Quelqu’un frappe lеg?rement ? la porte.
LUI. (Еtonnе.). On frappe, ou je r?ve?
ELLE. Non, vous ne r?vez pas.
LUI. (Troublе.). Qui cela peut-il ?tre?
ELLE. Ouvrez, vous saurez bien.
LUI. Non.
ELLE. Vous craignez que l’on me voie dans votre chambre? N’ayez crainte, maintenant il n’y a pas de police des mCurs.
Apr?s quelque hеsitation, l’homme part. On entend un bruit sourd, des voix puis le bruit de la porte qui se ferme. L’homme rеappara?t, poussant devant lui un chariot sur lequel il n’est pas difficile d’apercevoir une bouteille de champagne dans un seau ? glace, des fl?tes et quelques hors-d’Cuvre. L’homme a l’air tr?s perplexe.
LUI. Voici… Le champagne… Il nous vient du restaurant. Le gar?on a m?me refusе l’argent. Il dit que c’est rеglе. Bizarre. Je n’ai rien commandе.
ELLE. Il n’y a rien de bizarre. C’est un don du ciel.
LUI. (Comprenant.). Voil? pourquoi vous cherchiez le gar?on, lorsque nous sortions!… Vous m’obligez ? rougir. C’еtait ? moi de le faire, mais ?a ne m’est pas venu ? l’esprit. Je suis un ?ne.
ELLE. Essayez de rectifier ?a ? l’avenir. (Elle prend son sac ? main et se dirige vers la sortie.)
LUI. Attendez, o? allez-vous de nouveau?
ELLE. Rassurez-vous, je reviens.