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Lumière Nocturne
Lumière Nocturne
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Lumière Nocturne

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— Appelez-la et dites-lui de ne pas venir ici cette nuit, ordonna Steven au prêtre. Il poussa le téléphone vers le vieillard et croisa les bras avec patience afin de s'assurer que le prêtre allait exécuter sa demande.

Le vieil homme serra les lèvres. S'il appelait chez la jeune fille et que son père décrochait en premier, Jewel aurait de gros ennuis et finirait sûrement face contre terre quelque part dans une allée. Sa propre condition de prêtre ne pouvait lui garantir plus de sécurité.

— Elle ne vient pas, dit-il d'un ton hésitant, avant de répéter ces paroles avec plus de fermeté en jetant un coup d’œil à l'horloge suspendue au mur. Elle serait déjà ici en ce moment si elle était vraiment en chemin.

Dans la poitrine de Steven se mêlèrent la déception de ne pas voir Jewel ainsi que la satisfaction de la savoir en sécurité. Ressentant le besoin d'une distraction, il se leva et remit la chaise dans le sens où il l'avait trouvée.

— Je reviendrai pour vous annoncer quand nous aurons terminé.

— Attendez ! héla le prêtre alors que Steven ouvrait la porte. Si vous tombiez sur elle...

— Je l'enverrai vers vous directement », promit Steven avant de s'éloigner.

En refermant la porte, Steven secoua la tête et longea le hall. Cet étage était propre et il devait aller voir Nick avant que quelque chose n'arrive. Alors qu'il descendait les marches, il regarda autour de lui mais ne vit Nick nulle part.

« Parfait, où diable es-tu allé ? » maugréa Steven avant de se mettre à regarder derrière les portes closes.

Il trouva à son tour la porte entrouverte menant à la cave et aurait pu se donner des gifles lorsqu'il comprit la logique de Nick.

« Des endroits sombres, le sous-sol… MEC !

S'appliquant à faire beaucoup de bruit, Steven descendit les marches et plissa le nez face aux relents de chaleur humide.

— Putain, ça pue ici.

Il s’avança vers une autre porte ouverte et la franchit. Nick se tenait devant la chaudière, sa porte ouverte en grand et tisonnant quelque chose dans le feu avec une barre en acier.

— Tu as trouvé quelque chose d'intéressant ? demanda Steven.

Pour toute réponse, Nick retira le tisonnier du feu avec les restes d'un crâne calciné qui pendait à son bout par le trou de l'orbite.

— Je crois que l'on peut affirmer sans risque que certains des humains sur la liste des disparus ne seront pas retrouvés de sitôt.

— Je crois que cette église est le repaire idéal pour que certains membres de la mafia locale y règlent leurs comptes, précisa Steven.

— Dans une église catholique ? demanda Nick. Il n'y a donc plus rien de sacré aujourd'hui ?

Steven haussa les épaules.

— Comme certains le disent si bien, rien de plus sûr que la mort et les taxes.

Nick laissa le crâne retomber dans la chaudière et referma la porte.

— Ou dans notre cas, que la fourrure et les petits chats.

Les deux hommes laissèrent échapper un petit grognement amusé avant que Steven ne retrouve un peu de son sérieux.

— Bon, redevenons sérieux.

Ils se séparèrent, chacun faisant son enquête de chaque côté de la pièce jusqu'à ce que Steven aperçoive quelque chose derrière l'énorme poubelle pleine de planches en bois.

— Eh Nick, file-moi un coup de main.

Nick s'approcha et aida Steven à bouger la poubelle sur le côté juste assez pour avoir un bon aperçu de ce qu'elle cachait, et qui n'était pas loin. Un petit tunnel exigu avait été creusé dans la pierre et plongeait dans le sol. Les ténèbres y étaient compactes et les deux félins parvinrent difficilement à observer ce qu'elles cachaient.

— Allons y jeter un coup d’œil, lança Nick avant de se pencher en avant pour introduire sa fine carcasse dans l'ouverture.

Steven tendit le bras vers Nick et le retint par le bras en secouant la tête.

— Non, nous repartons d'ici et renseignons Warren et Quinn sur ce que nous venons de trouver. Un couguar a disparu et, d'après moi, ce n'est pas un couguar de trop. Je ne veux pas non plus ajouter un jaguar à la liste.

— Mince alors, répliqua Nick en souriant et en serrant contre lui un Steven choqué. Toi... commença-t-il en reniflant de façon exagérée et en continuant d'une voix tremblante : Toi, on peut dire que tu tiens vraiment à moi.

Steven repoussa brutalement Nick, envoyant valser le jaguar contre le mur.

— Abruti, rouspéta-t-il pendant que Nick éclatait de rire.

— Sortons d'ici.

Au moment où ils atteignirent le haut des marches, Steven était convaincu que Nick avait perdu l'esprit quelque part en chemin. L'église était mortellement calme, et Steven regarda en direction du hall qui menait au bureau à l'étage, là où le prêtre attendait.

— Attend-moi là une minute, dit Steven. Je dois dire un mot au prêtre. »

Nick haussa les épaules et s'adossa à l'un des bancs pour patienter.

« Salut, Steven. lança une voix qui surgit de nulle part.

Nick sursauta et Steven laissa échapper un cri de surprise avant de trébucher et de s'écrouler au sol. Nick cligna des yeux en voyant sortir de l'obscurité un homme aux cheveux noirs qui souriait d'un air dément à Steven.

— Merde, Dean ! hurla Steven en se relevant du sol. Arrête d'essayer de me donner les chocottes.

Dean sourit d'un air diabolique et s'adossa à l'un des piliers près des bancs et croisa les bras sur sa poitrine.

— Malheureusement, je n'ai même pas eu besoin de le faire.

— Va te faire foutre ! gronda Steven. Je vais aller parler au prêtre. Je reviens.

— Je voulais bien m'assurer que tu étais revenu rendre la robe d'enfant de chœur que tu as empruntée, le taquina Dean. Je détesterais le spectacle d'un pauvre garçon réduit à ne pas pouvoir s'habiller pour la messe. »

Steven se figea lorsque Dean prononça ces paroles et fit volte-face pour fusiller du regard le déchu.

« Une robe d'enfant de chœur ? intervint Nick en haussant tellement ses sourcils qu'ils atteignirent presque la naissance de ses cheveux. Tu as porté une robe d'enfant de chœur ?

— Je me suis transformé, c'était une urgence. Il fallait que je sauve cette fille des griffes d'un foutu vampire, se défendit Steven.

— Ouais, lança gaiement Dean. Cette même fille devant laquelle tu t'es fait démonter.

— Comme si on ne t'avait jamais mis minable, toi, répartit Steven.

Dean fit une pause et réfléchit un moment.

— Non, je ne me suis jamais fait botter le cul, mais pilonner, plutôt.

— Argh ! » fit Steven, en levant les bras au ciel et partant déambuler dans un autre couloir.

Nick regarda Dean,

« Une petite idée de l'endroit où il a caché la robe ?

— Sous son lit, répondit Dean.

Nick eut un petit sourire moqueur.

— C'est un excellent élément de chantage, merci à toi.

— Tout à fait, j'aime le voir embarrassé… ça, et aussi le fait qu'il semble penser que je vais à chaque fois lui botter les fesses ou un truc dans le genre.

— Espèce de sadique, le taquina Nick en gloussant.

— Je suis un déchu, expliqua Dean. Il nous en faut peu pour nous amuser. »

Steven se dirigea vers le bureau du prêtre et leva une main pour toquer à sa porte quand il entendit des voix de l'autre côté. L'une d'elle qu'il reconnut être celle du prêtre, et l'autre, une voix féminine. Baissant sa main, il colla son oreille contre la porte pour mieux écouter ce qui s'y disait.

Jewel allait et venait dans le bureau en essayant de rester concentrée mais c'était difficile. Ce qui lui vint en premier à l'esprit quand elle arriva dans le bureau fut qu'elle avait été agressée par des vampires et avait vu cet homme nu, ou métamorphe... peu importe ce qu'il était. Elle venait de passer les cinq dernières minutes à répondre aux questions du prêtre au sujet de l'autre nuit mais à ce moment-là, elle avait des problèmes bien plus graves.

« Tu ne devrais pas venir ici au beau milieu de la nuit, dit le prêtre. C'est dangereux. Et si ton père ou ton fiancé t'attrapait ?

Jewel marcha droit sur son bureau et tapa quasiment du plat de la main dessus.

— Non, ce sont eux qui rendent tout cela dangereux... escalader ma fenêtre et passer la ligne de surveillance des gardes armés qui me retiennent prisonnière, pour ensuite essayer d'y retourner furtivement sans être prise sur le fait.

— Ton père essaie simplement de te protéger.

Il essayait de la calmer mais il savait bien qu'elle disait la vérité. Son père venait chaque semaine se confesser... pour se laver du sang qu'il avait sur les mains et sur sa conscience.

— Non, il veut me forcer à me marier avec son associé pour rembourser une dette ! Une dette avec laquelle je n'ai rien à voir. N'existe-t-il pas une loi contre l'esclavage, dans ce pays ?

— Mais lorsque toi et Anthony êtes venus ici même pour une rencontre, tu disais que tu l'aimais de tout ton cœur, souligna le prêtre. Ce n'est pas le genre de choses au sujet duquel on peut mentir. C'est une honte aux yeux de Dieu.

— Oui, eh bien, ces deux gardes du corps qui se tenaient derrière nos chaises...vous vous en souvenez ? Celui qui était derrière moi enfonçait la pointe de son flingue dans mon dos. Je ne pourrais jamais aimer un barbare égotiste et brutal comme Anthony. Il a juré de me tuer moi et mon père si je n'allais pas jusqu'au mariage. Et un peu plus tôt das la soirée, quand j'ai essayé de dire à mon père que je ne voulais rien avoir à faire avec Anthony, il m'a giflée si fort que je peux dire avec exactitude la position des étoiles aujourd'hui, étant donné que je pouvais les compter. »

Jewel et le prêtre sursautèrent lorsque la porte du bureau s'ouvrit si brusquement qu'elle alla claquer contre le mur attenant, faisant tomber quelques tableaux et une croix en or qui y étaient accrochés.

Steven se tenait sur le seuil, les fusillant tous deux du regard. Cependant, la sombre ecchymose sur la joue de Jewel fit voir rouge à Steven.

« Il faut que vous m'accompagniez tous les deux, dit-il.

Les genoux de Jewel commencèrent à la lâcher quand elle vit cet homme mystérieux toujours vivant. Elle l'avait tant de fois imaginé tué par les vampires depuis qu'elle l'avait fui. Plusieurs fois même avait-elle regretté de s'être enfuie, jusqu'aux larmes. Maintenant qu'elle pouvait à nouveau respirer avec facilité, elle avait envie de hurler.

Pourquoi, à chaque fois qu'elle venait parler au prêtre en privé, y avait-il toujours une urgence ? Elle avait moins peur de ce métamorphe que de son fiancé armé, et jusqu'à ce qu'elle entende une alarme d'incendie ou voit une face à crocs, elle n'irait nulle part.

— Pas cette fois-ci, lui répliqua-t-elle en croisant les bras sur sa poitrine.

— Je ne peux pas laisser comme ça l'église sans surveillance, se mit à argumenter le vieillard, mais Steven le coupa aussitôt.

Il s'approcha délibérément à grands pas du bureau en rétorquant :

— Avez-vous passé un marché avec le diable en personne et décidé de donner votre paroisse en pâture aux vampires ? Est-ce vous qui brûlez leurs corps dans votre chaudière ?

Lorsque le prêtre ouvrit la bouche mais que rien n'en sortit, Steven continua :

— Ou alors est-ce les pécheurs que vous sermonnez qui ont commis tous ces meurtres dans votre cave et creusé un tunnel pour s'échapper ?

— Oh Seigneur, lâcha le vieillard en jetant un regard sombre à Steven. Si je quitte l'église, combien de temps s'écoulera-t-il avant que je ne puisse revenir ?

— Donnez-moi votre numéro de téléphone. Je vous rappellerai dans une ou deux heures. Ne revenez pas avant que nous ayons tiré toute cette histoire au clair. »

Il poussa un soupir de soulagement en comprenant que ses arguments l'avaient emporté lorsque le vieil homme entreprit de vider ses tiroirs des affaires qu'il estimait assez importantes pour être emmenées avec lui.

Jewel essaya de rester parfaitement calme tout en se rapprochant progressivement de la porte du bureau toujours ouverte. La liberté... pourquoi fallait-il toujours qu'elle se retrouve à fuir des cinglés ?

« Ne me poussez pas à vous courir après, maugréa Steven entre ses dents en tournant brusquement la tête pour planter son regard dans celui de Jewel. J'ai dit qu'il pouvait y aller... pas vous.

Jewel resta bouche bée, figée en plein mouvement. Comment osait-il lui donner des ordres ? Elle serra les dents en réalisant qu'elle lui avait obéi inconsciemment. Elle leva le menton avec un air de défi en tirant une conclusion. Dès qu'elle s'en irait, elle continuerait de fuir... tous les autres, y compris son père.

— Qu'allez-vous faire d'elle ? interrogea le prêtre d'un air indigné.

— Je vais faire ce que vous ne pouvez faire... la protéger », tonna Steven qui ne voulait pas se battre sur ce point.

La vue de l'ecchymose sur la joue de Jewel l'avait fait littéralement sortir de ses gonds, et il serait damné plutôt que de la ramener à l'homme qui avait levé la main sur elle.

« Je n'ai besoin de personne pour me protéger », répliqua Jewel, qui tournait les talons pour prendre congé mais s'arrêta net à la vue des deux hommes à l'expression menaçante qui se tenaient dans l'entrée.

Dean avait senti la détresse de Steven dans l'escalier, et maintenant qu'il regardait la jeune femme qui en était responsable, il comprenait mieux ce que ressentait Steven. En lisant dans son âme, celui-ci surprit un regard fugitif de cet ange de la mort insaisissable.

« Tu as tort, rétorqua-t-il, se déplaçant si vite que même les deux métamorphes ne parvinrent pas à le suivre des yeux. Tu as besoin de quelqu'un qui veille sur toi. »

Jewel réprima un cri lorsque l'homme posa la paume de sa main tout contre sa joue douloureuse et que ses yeux devinrent couleur mercure. La main froide qui serrait depuis si longtemps son cœur de ses doigts de glace fondit comme neige au soleil. Tout à coup, elle se remémora des émotions dont elle avait oublié l'existence... la chaleur, le sentiment de sécurité... l'amour.

Le prêtre recula contre son bureau lorsque grandit l'ombre d'une paire d'ailes se déployant au sommet de l'échine de l'inconnu, dans une lumière étincelante, avant de disparaître.

« Je serai en bas », annonça Dean alors que le vent s'engouffrait dans l'espace qu'il venait de quitter.

Steven ne savait pas pourquoi Dean avait choisi ce moment précis pour dévoiler son pouvoir mais il lui était reconnaissant de l'avoir fait. La joue de Jewel était guérie et le prêtre semblait touché par une vision de la lumière divine.

« Nous devons partir... tout de suite », dit Nick du pas de la porte.

Steven attrapa la main de Jewel et se dirigea vers la porte, heureux de voir qu'elle était tellement sous le choc de ce qu'elle venait de voir qu'elle ne riposta pas sur le moment.