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La Pire Espèce
La Pire Espèce
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La Pire Espèce

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Une bande d’élèves de dernière année a même acheté un énorme costume de poule, l’a encerclée dans la cour et a essayé de le lui faire enfiler de force.

Cette fois-là a été la deuxième bagarre que Matthew a déclenchée pour elle : il avait séché le cours de maths et était descendu dans la cour pour fumer ; puis, il l’avait vue, entourée par des gens. Sans attendre, il les avait fait fuir.

Peut-être que c’est pour ça qu’il lui plaît encore un peu.

« Merci » lui avait-elle dit, embarrassée par la scène à laquelle il avait assistée.

« De rien » Matthew s’était allumé une cigarette et l’avait regardée. « Ces gens sont de vrais nazes. N’aie pas peur d’eux et envoie-les se faire foutre, comme ça ils arrêteront » .

Peut-être qu’il lui plaît aussi parce qu’il est direct et franc.

Ses mots lui avaient remonté le morale, mais pas au point d’arriver à se retrouver face à face avec Grace et l’insulter comme elle le mérite. Au fond, elle ne sait même pas si ça l’aurait soulagée. Probablement que si elle l’avait affrontée, ça aurait été pire après, et ils auraient continué à la persécuter indéfiniment.

C’est pourquoi, elle a laissé tomber. Car c’est vraiment ce qu’elle veut. Laisser tout tomber et se laisser aller.

C’est trop dur d’aller de l’avant. Le diplôme lui semble un objectif irréalisable et lointain. Elle n’a plus envie d’attendre. Elle veut seulement se débarrasser de ses problèmes et être tranquille.

Au fond, elle est convaincue du fait que, dans la vie, très peu de personnes réalisent leurs aspirations avant de mourir. Elle, elle ne fait pas partie de ceux-là. C’est clair.

Elle pourrait changer d’école, ou de ville, mais elle a déjà essayé avec ses parents, et elle s’est sentie plus mal qu’avant. Elle est fatiguée de fuir. Elle est fatiguée de recommencer. On ne peut pas vraiment commencer quelque chose de nouveau si l’on reste la même personne, celle que l’on a toujours été. Elle est fatiguée d’elle-même. Elle est fatiguée de tout. Donc, elle a choisi de rester et de changer. Finalement, on peut dire ça comme ça.

Un changement vraiment radical.

Qu’elle a décidé la veille au soir.

Une soirée infernale.

Sa grand-mère devait organiser le cocktail pour l’inauguration d’un nouveau bar et elle lui avait demandé de l’aider. Juliette ne savait pas que le bar serait le Goah, et elle ne savait pas ce qu’était le Goah. Elle pensait que c’était un de ces cercles privés habituels pour des gens respectables. Au contraire, ce n’était pas privé, ce n’était pas fermé et ce n’était pas un endroit distingué.

Elle se présente en tant que serveuse et, avec horreur, elle se retrouve avec la moitié des élèves de l’école. En théorie, ils ne devraient pas être là, car il faut avoir vingt-et-un ans pour pouvoir entrer dans une fête où l’on sert de l’alcool, mais la sécurité laisse à désirer : Juliette remarque qu’il suffit de montrer une fausse carte d’identité pour passer. Malheureusement pour elle.

Son premier réflexe est de se réfugier dans la cuisine pour s’y cacher, ce qu’elle fait mais cela est de courte durée : sa grand-mère la trouve, la sort de sa cachette et lui tend les plateaux avec les canapés et les apéritifs à servir. Sa grand-mère n’a pas connaissance de ses problèmes sociaux, et elle, elle en a trop honte pour lui en parler. En plus, ce n’est ni le moment ni l’endroit approprié : elles sont là pour travailler, non pour se faire des confidences.

Juliette fait des efforts : elle met en place le buffet, passe entre les tables et essaie de se tenir éloignée de la piste de danse, espérant ainsi ne pas être reconnue.

Puis, elle passe à côté de la mauvaise personne et son intention de faire profil bas part en fumée. Grace, très élégante et très maquillée pour la soirée, la remarque, un éclair foudroyant jaillit alors de ses petits yeux glacials. Elle se tourne vers une amie pour bavasser sur elle et pousse le vice jusqu’à la montrer du doigt. Juliette cherche tout de suite à se noyer dans la masse, pour éviter les ennuis, mais elle ne peut s’empêcher de voir les deux rire d’elle et de jeter un oeil autour.

« Bien, peut-être qu’elles trouveront une autre distraction » suppose Juliette, se retirant dans les toilettes réservés au personnel pour faire une pause.

Elle voudrait que, parmi cette foule, Matt et Will soient là eux aussi. Will est un idiot, mais il n’est pas aussi méchant que Grace. Et elle, elle aurait vraiment besoin d’amis.

Elle soupire, elle reste assise sur la cuvette des toilettes le plus longtemps qu’il lui est permis, puis finit par ouvrir la porte pour sortir.

Elle se cogne la tête contre la poitrine de quelqu’un. Sous l’effet de surprise, elle sursaute et manque de trébucher en arrière. Une main la retient par le bras, l’empêchant de tomber.

« Tout va bien ? » demande une voix masculine.

Juliette lève les yeux. Devant elle, il y a un garçon, grand, avec les cheveux frisés et les yeux verts les plus incroyables qu’elle n’ait jamais vus. Il porte un coûteux costume Haute Couture qui lui va à merveille. Et il lui sourit.

« Oui, b-bien sûr... » bredouille Juliette, perturbée par cette rencontre et par sa beauté.

« Je ne voulais pas t’effrayer, je crois que je suis entré dans les mauvaises toilettes » le garçon sourit, absolument pas gêné.

« Ceux des hommes sont... sont dans le couloir, à droite » explique Juliette, elle se rend compte alors qu’elle a le souffle coupé.

« Merci » le garçon s’approche d’elle. « Mais, maintenant, ça ne m’intéresse plus. Ici, c’est beaucoup mieux » .

Juliette, avec le peu de cerveau qui lui reste encore actif, se demande de quoi il peut bien parler. Mais le reste du cerveau, bloqué, lui suggère que cela n’a pas d’importance, si elle peut continuer de regarder une chose aussi merveilleuse.

« Tu es beaucoup mieux » précise le mec, tout en lui caressant une joue.

« Je suis mieux.... que les toilettes ? »

Le garçon sourit.

« Ce n’est pas ce que je voulais dire » il se penche vers elle. « Tu es mieux que toutes celles qui sont là-dehors » précise-t-il.

Et il l’embrasse. Son premier, vrai baiser. Celui de Matthew était insignifiant en comparaison. Elle reste immobile et se raidit quand elle sent une langue étrangère pénétrer dans sa bouche.

« Excuse-moi » il se retire un instant et affiche une expression moqueuse. « Je suis trop franc ? »

Il ne lui laisse pas le temps de répondre et l’embrasse à nouveau.

Cette fois, Juliette est plus préparée et moins tendue. Finalement, elle se rend compte qu’embrasser lui plaît.

Waouh, c’est très fort. De quelle planète vient ce magnifique inconnu ? Les extra-terrestres ont débarqué sur terre et elle ne s’en est pas rendu compte ? Dans tous les cas, c’est incroyable. Elle veut se jeter à corps perdu dans ce qu’elle est en train de faire. Qu’ils sont en train de faire.

Il trouve le bas de son chemisier et glisse sa main en-dessous. Au contact de sa peau, Juliette frissonne. Elle se laisse plaquer contre le bord du lavabo et ne proteste pas quand cette même main remonte le long de son dos tout en la caressant jusqu’à tomber sur la fermeture de son soutien-gorge.

« Mon dieu ! » l’exclamation d’une voix qu’elle connaît bien réveille brusquement Juliette.

Le garçon, sans précipitation, se décale de quelques centimètres. Juste assez pour voir le visage de sa grand-mère, scandalisée et furieuse, se dessiner sur le pas de la porte.

« Sors tout de suite d’ici et retourne travailler ! » lui ordonne-t-elle, les mains posées sur les hanches.

Juliette baisse la tête et suit sa grand-mère dehors, jusqu’au comptoir du bar.

« Je ne veux plus jamais te voir dans ce genre de situation ! » lui réprimande-t-elle.

« J’étais... J’étais seulement avec un garçon, mamie » Juliette s’étonne elle-même de ce qu’elle vient de dire. Elle n’y est pas habituée.


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