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La Cité Ravagée
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La Cité Ravagée

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Dagra grogna, marcha jusqu'à l'entrée et regarda au dehors dans la pluie.

"Un ermite ?" se demanda Jalis. "Y en a-t-il d'autres au fond de la mine ?"

"Un imbécile, en tout cas", dit Oriken. "Qu'est-ce qui lui a pris ?"

"Nous avons envahi son habitation." Dagra continuait de leur tourner le dos. "Il ne faisait que se protéger."

Jalis secoua la tête. "Nous ne l'avons pas menacé," dit-elle à Dagra.

"Nous devrions le brûler."

Oriken lança les mains en l'air. "Excellente idée. Je vais aller chercher du bois pour faire du feu. Hein, c'est pas ce qui manque, en plus, il ne pleut pas une goutte."

"Très bien !" Dagra se tourna vers eux. "Au moins, tirons-le plus vers l'intérieur, si nous devons rester un peu."

"Ouais, ça je peux le faire," dit Oriken en essayant de masquer son sarcasme.

Dagra le fixa du regard puis, après quelques instants, fit un bref signe de la tête.

Oriken attrapa l'ermite par les poignets et tira le corps vers l'intérieur du tunnel, tout en restant sur ses gardes. L'obscurité était totale, mais les entrées de mine, il les connaissait bien. Cinquante pas plus loin, le tunnel faisait un angle ; il laissa le corps dans le coin. Pendant près d'une minute, il se tint debout là à regarder dans les ténèbres, des pensées tentant de se former à l’orée des émotions qu'il ressentait.

"Orik !" La voix de Jalis retentit dans le tunnel. "Tu vas bien ?"

"Ça va," dit-il. Il jeta un dernier regard vers les ténèbres et se retourna pour rejoindre ses amis.

"Tu n'avais pas besoin de partir si loin," dit Dagra alors qu'Oriken approchait de l'entrée.

"Je ne suis pas allé loin. J'étais juste en train de penser."

"Tu choisis de ces endroits, toi, pour faire de l'introspection," fit Jalis. "Dans une mine abandonnée, dans le noir, à côté d'un cadavre."

"Un peu de respect s'il te plaît, jeune fille," intervint Dagra. "Cet homme était vivant il y a encore quelques minutes."

"C'est lui qui nous a attaqués," dit Jalis, "pas nous. Tu t'es défendu. Tu n'as rien à te reprocher."

"Je n'avais pas à le tuer."

"Non, mais tu ne pouvais pas savoir s'il était dangereux, ni même s’il était humain, après il aurait été trop tard. Ne te blâme pas pour ça. Nous avons encore du chemin à faire et nous devons rester aussi affûtés que nos armes."

Dagra marmonna une sorte de reconnaissance. "J'aimerais que cette satanée pluie s'arrête, qu'on puisse s'en aller."

Jalis sourit. "Voilà qui est mieux."

Oriken s'assit par terre, le dos contre le mur.

Jalis s'assit à nouveau près de lui, les jambes croisées. "Quelque chose qui ne va pas ?"

"Non, rien."

Elle étudia son visage. "Eh, c'est à moi que tu parles. Je peux voir ton âme."

Il ricana. "Ah pas de souci, je n'en ai pas."

Dagra les rejoignit. "Tu n'es pas obligé de croire aux Dyades pour avoir une âme," dit-il. "Tout le monde en a une. Même toi."

"Ouais, peut-être." Oriken tourna les yeux vers les ténèbres de la mine.

"Oui, tout à fait," insista Dagra.

"Je ne crois en aucun de tes dieux, Dag. Tu le sais. Ni aux Dyades. Ni au Liés. Ni à aucun d'entre eux."

"Eh bien, peut-être qu'ils croient en toi."

"Oh, par pitié !" Oriken se remit sur pied et lui lança un regard noir. "Tu ne peux pas arrêter avec ça, juste pour une fois ?"

Jalis se leva et se plaça entre eux. "Je ne sais pas comment vous avez fait pour rester amis toutes ces années," dit-elle, les rabrouant tous les deux d'un regard sévère.

Dagra agita la main avec mépris. "Ouais, moi non plus."

"Moi, je sais," dit Oriken. "Je dois..." puis il décida de ravaler ses mots et de garder le silence.

Dagra tourna lentement la tête. Il posa sur Oriken un regard sinistre. "Ne t'arrête pas là," dit-il calmement. "Tu penses encore que tu me dois quelque chose ? Ce que j'ai fait pour toi, je l'ai fait trop tard. J'avais eu une chance, je ne l'ai pas saisie. Tu ne me dois rien."

Imbécile ! Oriken se réprimanda lui-même. Tu ne pouvais pas la fermer. "Écoute, Dag, je suis désolé. Ce n'était pas ce que je pensais—"

"Ce n'était pas ce que tu pensais," se moqua Dagra. "Tu ne pensais pas. C'est bien ça, ton problème, Oriken. Tu ne penses jamais." Avec un soupir, il se rassit par terre.

Oriken le regarda mais Dagra garda le silence et ses yeux fixés sur le mur d'en face, ses doigts enserrant le pendentif de son collier. Quand Oriken se tourna vers Jalis, celle-ci le regardait avec calme. Se retenant d'allumer un rouleau de tobah, il secoua la tête et partit errer dans les ténèbres. L'atmosphère entre Dag et lui n'avait pas été si tendue depuis longtemps. Cet endroit semblait les atteindre tous les deux.

Chapitre Quatre

Pierres des Temps Passés

"Les filles, qu'est-ce que vous allez faire aujourd'hui ?"

Eriqwyn étouffa un soupir et avala la dernière cuillerée de soupe pour faire taire la réponse désinvolte qu’elle faillit adresser à sa mère.

De l'autre côté de la table, sa sœur lui lança un coup d'œil. "J'imagine que ce sera un jour comme les autres," dit Adri. "Nous sommes contentes que tu sois avec nous pour le petit-déjeuner, Mère. Tu as bien dormi ?"

Leur mère fit un bref hochement de tête envers Adri, puis ses yeux prirent une expression vide et elle se pencha vers sa nourriture.

"La voilà repartie dans son monde," murmura Eriqwyn.

Adri se racla la gorge. "Comment s'en sortent les jeunes chasseurs à leur entraînement ?"

"La plupart sont prometteurs mais ils ont encore du chemin à faire, et ils ne seront chasseurs que lorsque je l'aurai décidé ainsi."

Adri lui lança un regard ferme. "Ma sœur, en tant que chef de cette communauté, voilà une décision qui passera par moi."

Eriqwyn pencha la tête en signe de déférence. "Bien sûr. Mais, dis-moi une chose, Adri. En tant que Première Gardienne, recruter les stagiaires relève de ma responsabilité mais, au nom de la lande verte de la déesse, pourquoi as-tu insisté pour enrôler Demelza ?"

"Ah, oui. Demelza." Adri eut un petit sourire forcé. "Ton aversion pour cette fille est évidente, je sais que tu ne l'aurais jamais acceptée, autrement. J'avoue qu'il y a quelque chose en elle qui me met également mal à l'aise mais elle est inoffensive et je crois qu'elle a du potentiel."

"Wayland et toi lui trouvez quelque chose que je ne vois vraiment pas," dit Eriqwyn. "Sa progression est lente et son manque d'attention est flagrant."

Adri posa sa cuillère dans son bol vide. "Ça ne veut pas dire qu'elle ne peut pas apprendre. Elle vit seule, Eri. Elle s'est montrée autonome depuis la mort de la vieille Ina. Je l'ai vue revenir au village avec des lapins, des faisans et des paniers remplis de crabes. Une fois, je l'ai vue tirer un nargut adulte jusqu'à sa cabane."

"Eh bien, je ne sais pas comment elle a fait pour les attraper sans filet, sans piège et sans savoir se servir d’une flèche. Ce qu'elle semble capable d'accomplir n'a rien à voir avec les talents que j'ai pu observer. Je ne pense pas qu'elle a ce qu'il faut." Eriqwyn haussa des épaules. "Peu importe. Wayland en est responsable. Si quelqu'un peut en faire un chasseur, c'est bien lui. Il aime bien Demelza et sa patience est sans égale."

"Wayland est un Gardien émérite. Tout comme Linisa." Adri se leva de sa chaise et se pencha par-dessus la table pour prendre le bol d'Eriqwyn. "À vous trois, vous êtes sans doute l'équipe de Gardiens la plus compétente que le village ait jamais connue. Le Ruisseau du Vairon est bien protégé."

"C'est bon de l'entendre dire, ma sœur." Mais protégée de quoi donc ? Tandis qu'Adri quittait pièce, Eriqwyn se leva et jeta un coup d'œil à sa mère. "Je sors cueillir des fleurs, Maman," dit-elle, s'en voulant de prononcer ces mots plus par moquerie que par gentillesse.

Sa mère leva les yeux vers elle et croisa son regard. Malgré les années passées prisonnière de ses souvenirs, pendant un court instant, le fantôme de la femme qu'elle avait été apparut dans ses yeux. "D'accord, ma chérie," dit-elle avec un léger sourire. "Amuse-toi bien."

S'amuser. Eriqwyn médita sur ce mot tout en quittant la pièce. Comme si la vie se résumait, comme avant, à sauter à la corde et cueillir des fleurs. J'ai grandi, Mère. Adri aussi. Ça fait longtemps qu'on a oublié ce que c'est de s'amuser.

Alors qu'Eriqwyn marchait le long de l’Allée du Mausolée, son arc à la main, un bourdonnement de voix lui parvenait depuis les portes ouvertes des habitations qui bordaient la rue. La chaleur et l'odeur du métal emplissaient l'air quand elle passa devant la forge. Tan, le plus jeune des deux forgerons, leva la tête et la salua d'un geste de la main. Sans interrompre sa foulée, Eriqwyn répondit d'un bref hochement de tête et poursuivit le long de la rue.

Quand elle parvint à la pointe sud du village, une silhouette émergea de derrière une maison. Reconnaissant Shade, Eriqwyn serra les dents. Sa chevelure sombre et lustrée tombait sur les épaules de la femme. Le tissu de sa longue robe et des panneaux se croisant sur sa poitrine était plaqué sur son corps par la brise chaude.

Shade s'arrêta près d'une poutre en bois et souleva une main pour la poser doucement sur le bois lisse. "Bonjour Eri," ronronna-t-elle. Ses yeux bruns scintillaient dans le soleil du matin.

Eriqwyn tenta de passer devant elle mais Shade lui toucha l'épaule et elle s'arrêta. "Qu'est-ce que tu veux ?" dit Eriqwyn d'un ton cassant.

Shade sourit. "Que d'hostilité. Tu sais que j'aime ça chez une femme. Ça fait longtemps que je ne t'ai pas vue, Eri. Est-ce que tu m'évites ?"

"Je n'ai pas à t'éviter," dit Eriqwyn d'un ton acerbe. "Et ne m'appelle pas Eri. Nous ne sommes pas proches."

"C'est d'autant plus triste." La voix de Shade débordait de sensualité, tout comme son apparence. "Comment préférerais-tu que je t'appelle ? Première Gardienne ?"

"Ce serait acceptable."

"Tant de formalités," la sermonna Shade. "Je pensais que nous avions dépassé cela. Après ce que nous avons partagé, je dirais que toi et moi sommes plus... intimes que la plupart des gens du Ruisseau du Vairon." Ses yeux étaient fixés sur le corps d'Eriqwyn.

Eriqwyn jeta un regard dans la rue pour s'assurer que personne ne les entendrait. "Il n'y a pas d'intimité entre toi et moi," dit-elle avec force. "Et si jamais il y en avait eu, elle n'existe plus depuis longtemps. Je sais ce que tu es, Shade. Une pierre précieuse, belle mais froide."

Shade s'approcha d'une démarche chaloupée. Ses doigts glissèrent depuis l'épaule d'Eriqwyn et le long de son bras. "Ai-je l'air froide ?" Elle se tint plus près. "Ou plutôt chaude ? Te souviens-tu de ça, Eri ? Tu devrais venir me rendre visite un jour, je pourrais te rappeler comme je peux être agréable à la vue et au toucher."

Agacée, Eriqwyn lui lança un regard noir et se dégagea de sa main. "Tu t'adresses à moi avec le respect qui est dû à ma position."

"Oh," dit Shade avec un sourire séduisant, "mais je respecte tout à fait ta position." Elle glissa le bout de sa langue entre ses dents. "Toutes tes positions."

Eriqwyn l'écarta de son chemin et partit en trombe.

"À bientôt !" lui lança Shade.

Avançant dans l'herbe encore détrempée de la pluie de la veille, Dagra saisit son pendentif Avato entre les mains et murmura une prière aux Dyades et aux prophètes. À l'ouest, une chaîne de collines emplissait l'horizon, laissant par endroit deviner l'océan au-delà. À l'est, des roseaux et des herbes marécageuses se dessinaient à travers la lande brumeuse, comme de minuscules clochers d'églises, tandis que des essaims fantomatiques de lucioles flottaient au-dessus du voile blanc.

Ils avaient longé le marais jusqu'à la fin de la journée précédente et, quand il fit finalement place à une terre plus ferme un peu plus au sud, Jalis annonça une pause pour la nuit et ils avaient dormi à la belle étoile. Depuis le lever du jour, ils avaient gardé un rythme régulier, espérant venir à bout de ce vaste marais pour pouvoir retourner à l'intérieur des terres et rejoindre la Route du Royaume. Alors que la première heure du matin se fondait dans la deuxième, puis la troisième, Dagra avait cette impression de plus en plus oppressante qu'une présence emplissait la lande.

Ce n'était pas les grands espaces qui le tracassaient, ni la possibilité d'un danger physique ; il était un sabreur après tout, et si les choses prenaient un tour qu'il n'aimait pas, il pouvait s'en retourner. Ce qui le troublait, c'était l'atmosphère impie qui s'était fait ressentir dès leur entrée dans les Terres Mortes, et qui n'avait fait que s'alourdir. Il pouvait à peine percevoir la présence des Dyades ici à l'intérieur du Plateau de Scapa. Son seul espoir était qu'Aveia entendit encore ses prières et que son compagnon Svey'Drommelach l'écoutât aussi depuis le Royaume des Esprits ; c'était déconcertant et, Dagra l'admit à regret, ironique que ses espoirs l'emportaient sur ses prières dans ce lieu où les Dyades n'avaient jamais régné, ce lieu qui était le domaine d'une déesse primitive que l'on ne vénérait plus depuis longtemps.

"Avant le Soulèvement," dit Dagra, plus à lui-même qu'à ses camarades, "ils ont arrêté de brûler les morts. Ils se contentaient de les enterrer et de les laisser se putréfier." Il frissonna. "Pratique impie."

"Les choses étaient semblables dans l'Arkh avant l'émergence des Dyades," dit Jalis. "Dans certaines contrées, les gens enterrent leurs mort sans les brûler, dans ces endroits où ils préfèrent vénérer les Liés et les Non-Liés aux Dyades."

"Quelle que soit la coutume, ça ne m'a jamais vraiment posé de problème," commenta Oriken. "Ce qui t'arrive après ta mort t'importe-t-il autant ?"

"Les morts devraient être brûlés et leurs cendres devraient être dispersées dans le vent," insista Dagra. "On devrait laisser les os retourner à la terre et l'esprit dans les airs." Ajoutant une suite à sa prière en silence, il lâcha son pendentif et regarda au-delà de Jalis vers les hautes terres de l'ouest. À ce moment-là, il aperçut le coin supérieur d'une construction en pierre entre les collines lointaines.

Jalis l'avait également aperçue. Elle s'arrêta et posa son bardas au sol. "C'est un château ?"

"J'en doute," dit Oriken. "Trop petit."

"Ça a l'air plus grand que ce ringfort qu'on avait vu aux abords." Dagra fronça les sourcils en observant ce bloc gris qui était aussi haut qu'il était large. "Pas de fenêtre au niveau inférieur. Qui voudrait bien vivre dans un tel endroit ?"

"Je ne crois pas que ça ait été construit pour son confort," dit Oriken. "C'est plus probablement une ancienne garnison."

"Hmm." Jalis avait la carte dans sa main et elle planta son doigt dessus. "C'est là. La Citadelle Valekha." Elle étudia la carte. "Ça veut dire qu'on est à mi-chemin de Lachyla, enfin un peu moins."

"Presque le point de non-retour", marmonna Dagra. "Quand la destination est plus proche que le point de départ, ce qui est raisonnable, c'est d'aller de l'avant."

Oriken dit en soulevant un sourcil. "Est-ce de l'enthousiasme que j'entends ?"

Dagra ronchonna. "De la détermination, plutôt."

"Attendez." Jalis fixa la forteresse du regard tout en rangeant sa carte et en réajustant son sac sur l'épaule. "J'ai cru voir un mouvement."

"Oui, c'est bien ce que tu as vu," dit Dagra tout en repartant le long du marais. "C'est la traînée de poussière que je laisse derrière moi. Allez, on s'en va de cet endroit."

"Dag a raison," dit Oriken tout en se dépêchant de le rattraper. "On ne sait pas ce qu'il y a là-bas, mais ce n'est pas notre destination. Après les cravants et l'ermite qu'on a rencontrés, je ne suis franchement pas curieux.

Jalis hocha la tête. "D'accord."

Une fois bien éloignés de la forteresse, Dagra lança un regard méfiant par-dessus son épaule.La Citadelle Valekha. Pourquoi avaient-ils des noms aussi sinistres à l'époque ? À mesure qu'ils continuaient, la silhouette de la forteresse se réduisit derrière les collines au-delà desquelles une bande scintillait à l'horizon : le soleil se reflétait sur l'océan. "Il y avait longtemps que je n'avais vu l'Océan Echilan," dit-il avec nostalgie.

"Ouais." Oriken soupira, puis partit d'un grand rire. "Tu te souviens quand on est allés jusqu'au bout du Mont Sentinelle ?"

Dagra hocha la tête. "On est allé par-dessus les contreforts pour voir aussi loin que possible au-dessus de l'eau ?"

"On ne pouvait grimper plus haut."

"Et il n'y avait rien que ces satanées vagues à perte de vue."

Oriken rit. "C'est vrai. C'était la fin un peu décevante d'une aventure autrement géniale. Tes grands-parents étaient morts d'inquiétude."

"Ils ne m'avaient plus quittés pendant toute une semaine. Oui, je me souviens."