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Bel-Ami / Милый друг
Bel-Ami / Милый друг
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Bel-Ami / Милый друг

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Et il offrit son bras avec gravitе.

Ils dеjeun?rent face ? face, se regardant et se souriant sans cesse, occupеs uniquement d'eux, tout enveloppеs par le charme si doux d'une tendresse qui commence. Ils mangeaient sans savoir quoi. Il sentit un pied, un petit pied, qui r?dait sous la table. Il le prit entre les siens et l'y garda, le serrant de toute sa force.

La bonne allait, venait, apportait et enlevait les plats d'un air nonchalant, sans para?tre rien remarquer.

Quand ils eurent fini de manger, ils rentr?rent dans le salon et reprirent leur place sur le canapе, c?te ? c?te.

Peu ? peu, il se serrait contre elle, essayant de l'еtreindre. Mais elle le repoussait avec calme:

– Prenez garde, on pourrait entrer.

Il murmura:

– Quand pourrai-je vous voir bien seule pour vous dire comme je vous aime?

Elle se pencha vers son oreille, et pronon?a tout bas:

– J'irai vous faire une petite visite chez vous un de ces jours.

Il se sentit rougir:

– C'est que… chez moi… c'est… c'est bien modeste…

Elle sourit:

– ?a ne fait rien. C'est vous que j'irai voir et non pas l'appartement.

Alors il la pressa pour savoir quand elle viendrait. Elle fixa un jour еloignе de la semaine suivante, et il la supplia d'avancer la date, avec des paroles balbutiеes, des yeux luisants, en lui maniant et lui broyant les mains, le visage rouge, enfiеvrе, ravagе de dеsir, de ce dеsir impеtueux qui suit les repas en t?te-?-t?te.

Elle s'amusait de le voir l'implorer avec cette ardeur, et cеdait un jour de temps en temps. Mais il rеpеtait:

– Demain… dites… demain.

Elle y consentit ? la fin:

– Oui. Demain. Cinq heures.

Il poussa un long soupir de joie; et ils caus?rent presque tranquillement, avec des allures d'intimitе, comme s'ils se fussent connus depuis vingt ans.

Un coup de timbre les fit tressaillir; et, d'une secousse, ils s'еloign?rent l'un de l'autre.

Elle murmura:

– Ce doit ?tre Laurine.

L'enfant parut, puis s'arr?ta interdite, puis courut vers Duroy en battant des mains, transportеe de plaisir en l'apercevant, et elle cria:

– Ah! Bel-Ami!

Mme de Marelle se mit ? rire:

– Tiens! Bel-Ami! Laurine vous a baptisе! C'est un bon petit nom d'amitiе pour vous, ?a; moi aussi je vous appellerai Bel-Ami!

Il avait pris sur ses genoux la fillette, et il dut jouer avec elle ? tous les petits jeux qu'il lui avait appris.

Il se leva ? trois heures moins vingt minutes, pour se rendre au journal; et, sur l'escalier, par la porte entr'ouverte, il murmura encore du bout des l?vres:

– Demain. Cinq heures.

La jeune femme rеpondit: «Oui», d'un sourire, et disparut.

D?s qu'il eut fini sa besogne journali?re, il songea ? la fa?on dont il arrangerait sa chambre pour recevoir sa ma?tresse et dissimuler le mieux possible la pauvretе du local. Il eut l'idеe d'еpingler sur les murs de menus bibelots japonais, et il acheta pour cinq francs toute une collection de crеpons, de petits еventails et de petits еcrans, dont il cacha les taches trop visibles du papier. Il appliqua sur les vitres de la fen?tre des images transparentes reprеsentant des bateaux sur des rivi?res, des vols d'oiseaux ? travers des ciels rouges, des dames multicolores sur des balcons et des processions de petits bonshommes noirs dans les plaines remplies de neige.

Son logis, grand tout juste pour y dormir et s'y asseoir, eut bient?t l'air de l'intеrieur d'une lanterne de papier peint. Il jugea l'effet satisfaisant, et il passa la soirеe ? coller sur le plafond des oiseaux dеcoupеs dans des feuilles coloriеes qui lui restaient.

Puis il se coucha, bercе par le sifflet des trains.

Il rentra de bonne heure le lendemain, portant un sac de g?teaux et une bouteille de mad?re achetеe chez l'еpicier. Il dut ressortir pour se procurer deux assiettes et deux verres; et il disposa cette collation sur sa table de toilette, dont le bois sale fut cachе par une serviette, la cuvette et le pot ? l'eau еtant dissimulеs par-dessous.

Puis il attendit.

Elle arriva vers cinq heures un quart, et, sеduite par le papillotement colorе des dessins, elle s'еcria:

– Tiens, c'est gentil chez vous. Mais il y a bien du monde dans l'escalier.

Il l'avait prise dans ses bras, et il baisait ses cheveux avec emportement, entre le front et le chapeau, ? travers le voile.

Une heure et demie plus tard, il la reconduisit ? la station de fiacres de la rue de Rome. Lorsqu'elle fut dans la voiture, il murmura:

– Mardi, ? la m?me heure.

Elle dit:

– ? la m?me heure, mardi.

Et, comme la nuit еtait venue, elle attira sa t?te dans la porti?re et le baisa sur les l?vres. Puis, le cocher ayant fouettе sa b?te, elle cria: «Adieu, Bel-Ami!» et le vieux coupе s'en alla au trot fatiguе d'un cheval blanc.

Pendant trois semaines, Duroy re?ut ainsi Mme de Marelle tous les deux ou trois jours, tant?t le matin, tant?t le soir.

Comme il l'attendait un apr?s-midi, un grand bruit dans l'escalier l'attira sur sa porte. Un enfant hurlait. Une voix furieuse, celle d'un homme, cria:

– Qu'est-ce qu'il a encore ? gueuler, ce bougre-l??

La voix glapissante et exaspеrеe d'une femme rеpondit:

– C'est c'te sale cocotte qui vient chez l'journalisse d'en haut qu'a renversе Nicolas sur l'palier. Comme si on devrait laisser entrer des roulures comme ?a qui n'font seulement pas attention aux еfants dans les escaliers!

Duroy, еperdu, se recula, car il entendait un rapide fr?lement de jupes et un pas prеcipitе gravissant l'еtage au-dessous de lui.

On frappa bient?t ? sa porte, qu'il venait de refermer. Il ouvrit, et Mme de Marelle se jeta dans la chambre, essoufflеe, affolеe, balbutiant:

– As-tu entendu?

Il fit semblant de ne rien savoir.

– Non, quoi?

– Comme ils m'ont insultеe?

– Qui ?a?

– Les misеrables qui habitent au-dessous.

– Mais non, qu'est-ce qu'il y a, dis-moi?

Elle se mit ? sangloter sans pouvoir prononcer un mot.

Il dut la dеcoiffer, la dеlacer, l'еtendre sur le lit, lui tapoter les tempes avec un linge mouillе: elle suffoquait; puis, quand son еmotion se fut un peu calmеe, toute sa col?re indignеe еclata.

Elle voulait qu'il descend?t tout de suite, qu'il se batt?t, qu'il les tu?t.

Il rеpеtait:

– Mais ce sont des ouvriers, des rustres. Songe qu'il faudrait aller en justice, que tu pourrais ?tre reconnue, arr?tеe, perdue. On ne se commet pas avec des gens comme ?a.

Elle passa ? une autre idеe:

– Comment ferons-nous, maintenant? Moi, je ne peux pas rentrer ici.

Il rеpondit:

– C'est bien simple, je vais dеmеnager.

Elle murmura:

– Oui, mais ce sera long.

Puis, tout d'un coup, elle imagina une combinaison, et, rassеrеnеe brusquement:

– Non, еcoute, j'ai trouvе, laisse-moi faire, ne t'occupe de rien. Je t'enverrai un petit bleu demain matin.

Elle appelait des «petits bleus» les tеlеgrammes fermеs circulant dans Paris.

Elle souriait maintenant, ravie de son invention, qu'elle ne voulait pas rеvеler; et elle fit mille folies d'amour.

Elle еtait bien еmue cependant, en redescendant l'escalier, et elle s'appuyait de toute sa force sur le bras de son amant, tant elle sentait flеchir ses jambes.

Ils ne rencontr?rent personne.

Comme il se levait tard, il еtait encore au lit, le lendemain vers onze heures, quand le facteur du tеlеgraphe lui apporta le petit bleu promis.

Duroy l'ouvrit et lut:

«Rendez-vous tant?t, cinq heures, rue de Constantinople, 127. Tu te feras ouvrir l'appartement louе par Mme Duroy.

«Clo t'embrasse.»

? cinq heures prеcises, il entrait chez le concierge d'une grande maison meublеe et demandait:

– C'est ici que Mme Duroy a louе un appartement?

– Oui, monsieur.

– Voulez-vous m'y conduire, s'il vous pla?t.

L'homme, habituе sans doute aux situations dеlicates o? la prudence est nеcessaire, le regardait dans les yeux, puis, choisissant dans la longue file de clefs:

– Vous ?tes bien M. Duroy?

– Mais oui, parfaitement.

Et il ouvrit un petit logement composе de deux pi?ces et situе au rez-de-chaussеe, en face de la loge.

Le salon, tapissе de papier ramagе, assez frais, possеdait un meuble d'acajou recouvert en reps verd?tre ? dessins jaunes, et un maigre tapis ? fleurs, si mince que le pied sentait le bois par-dessous.

La chambre ? coucher еtait si exigu? que le lit l'emplissait aux trois quarts. Il tenait le fond, allant d'un mur ? l'autre, un grand lit de maison meublеe, enveloppе de rideaux bleus et lourds, еgalement en reps, et еcrasе sous un еdredon de soie rouge maculе de taches suspectes.

Duroy, inquiet et mеcontent, pensait: «?a va me co?ter un argent fou, ce logis-l?. Il va falloir que j'emprunte encore. C'est idiot, ce qu'elle a fait.»

La porte s'ouvrit, et Clotilde se prеcipita en coup de vent, avec un grand bruit de robe, les bras ouverts. Elle еtait enchantеe:

– Est-ce gentil, dis, est-ce gentil? Et pas ? monter, c'est sur la rue, au rez-de-chaussеe! On peut entrer et sortir par la fen?tre sans que le concierge vous voie. Comme nous nous aimerons, l? dedans!

Il l'embrassait froidement, n'osant faire la question qui lui venait aux l?vres.

Elle avait posе un gros paquet sur le guеridon, au milieu de la pi?ce. Elle l'ouvrit et en tira un savon, une bouteille d'eau de Lubin, une еponge, une bo?te d'еpingles ? cheveux, un tire-bouchon et un petit fer ? friser pour rajuster les m?ches de son front qu'elle dеfaisait toutes les fois.

Et elle joua ? l'installation, cherchant la place de chaque chose, s'amusant еnormеment.

Elle parlait tout en ouvrant les tiroirs:

– Il faudra que j'apporte un peu de linge, pour pouvoir en changer ? l'occasion. Ce sera tr?s commode. Si je re?ois une averse, par hasard, en faisant des courses, je viendrai me sеcher ici. Nous aurons chacun notre clef, outre celle laissеe dans la loge pour le cas o? nous oublierions les n?tres. J'ai louе pour trois mois, ? ton nom, bien entendu, puisque je ne pouvais donner le mien.

Alors il demanda:

– Tu me diras quand il faudra payer?

Elle rеpondit simplement: