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Bel-Ami / Милый друг
Bel-Ami / Милый друг
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Bel-Ami / Милый друг

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Une foule еnorme encombrait le promenoir. Ils eurent grand'peine ? passer ? travers la cohue des hommes et des r?deuses. Ils atteignirent enfin leur case et s'install?rent, enfermеs entre l'orchestre immobile et le remous de la galerie.

Mais Mme de Marelle ne regardait gu?re la sc?ne, uniquement prеoccupеe des filles qui circulaient derri?re son dos; et elle se retournait sans cesse pour les voir, avec une envie de les toucher, de palper leur corsage, leurs joues, leurs cheveux, pour savoir comment c'еtait fait, ces ?tres-l?.

Elle dit soudain:

– Il y en a une grosse brune qui nous regarde tout le temps. J'ai cru tout ? l'heure qu'elle allait nous parler. L'as-tu vue?

Il rеpondit:

– Non. Tu dois te tromper.

Mais il l'avait aper?ue depuis longtemps dеj?. C'еtait Rachel qui r?dait autour d'eux avec une col?re dans les yeux et des mots violents sur les l?vres.

Duroy l'avait fr?lеe tout ? l'heure en traversant la foule, et elle lui avait dit «Bonjour» tout bas avec un clignement d'Cil qui signifiait: «Je comprends.» Mais il n'avait point rеpondu ? cette gentillesse dans la crainte d'?tre vu par sa ma?tresse, et il avait passе froidement, le front haut, la l?vre dеdaigneuse. La fille, qu'une jalousie inconsciente aiguillonnait dеj?, revint sur ses pas, le fr?la de nouveau et pronon?a d'une voix plus forte: «Bonjour, Georges.»

Il n'avait encore rien rеpondu. Alors elle s'еtait obstinеe ? ?tre reconnue, saluеe, et elle revenait sans cesse derri?re la loge, attendant un moment favorable.

D?s qu'elle s'aper?ut que Mme de Marelle la regardait, elle toucha du bout du doigt l'еpaule de Duroy:

– Bonjour. Tu vas bien?

Mais il ne se retourna pas.

Elle reprit:

– Eh bien? es-tu devenu sourd depuis jeudi?

Il ne rеpondit point, affectant un air de mеpris qui l'emp?chait de se compromettre, m?me par un mot, avec cette dr?lesse.

Elle se mit ? rire, d'un rire de rage, et dit:

– Te voil? donc muet? Madame t'a peut-?tre mordu la langue?

Il fit un geste furieux, et d'une voix exaspеrеe:

– Qui est-ce qui vous permet de parler? Filez ou je vous fais arr?ter.

Alors, le regard enflammе, la gorge gonflеe, elle gueula:

– Ah! c'est comme ?a! Va donc, mufle! Quand on couche avec une femme on la salue au moins. C'est pas une raison parce que t'es avec une autre pour ne pas me reconna?tre aujourd'hui. Si tu m'avais seulement fait un signe quand j'ai passе contre toi, tout ? l'heure, je t'aurais laissе tranquille. Mais t'as voulu faire le fier, attends, va! Je vais te servir, moi! Ah! tu ne me dis seulement pas bonjour quand je te rencontre…

Elle aurait criе longtemps, mais Mme de Marelle avait ouvert la porte de la loge, et elle se sauvait, ? travers la foule, cherchant еperdument la sortie.

Duroy s'еtait еlancе derri?re elle et s'effor?ait de la rejoindre.

Alors Rachel, les voyant fuir, hurla, triomphante:

– Arr?tez-la! Arr?tez-la! Elle m'a volе mon amant.

Des rires coururent dans le public. Deux messieurs, pour plaisanter, saisirent par les еpaules la fugitive et voulurent l'emmener en cherchant ? l'embrasser. Mais Duroy l'ayant rattrapеe la dеgagea violemment et l'entra?na dans la rue.

Elle s'еlan?a dans un fiacre vide arr?tе devant l'еtablissement. Il y sauta derri?re elle, et comme le cocher demandait: «O? faut-il aller, bourgeois?» il rеpondit. «O? vous voudrez.»

La voiture se mit en route lentement, secouеe par les pavеs. Clotilde, en proie ? une sorte de crise nerveuse, les mains sur sa face, еtouffait, suffoquait; et Duroy ne savait que faire ni que dire.

? la fin, comme il l'entendait pleurer, il bеgaya.:

– Еcoute, Clo, ma petite Clo, laisse-moi t'expliquer! Ce n'est pas ma faute… J'ai connu cette femme-l? autrefois… dans les premiers temps…

Elle dеgagea brusquement son visage, et, saisie par une rage de femme amoureuse et trahie, une rage furieuse qui lui rendit la parole, elle balbutia, par phrases rapides, hachеes, en haletant:

– Ah!.. misеrable… misеrable… quel gueux tu fais!.. Est-ce possible?.. quelle honte!.. Oh! mon Dieu!.. quelle honte!..

Puis, s'emportant de plus en plus, ? mesure que les idеes s'еclaircissaient en elle et que les arguments lui venaient:

– C'est avec mon argent que tu la payais, n'est-ce pas? Et je lui donnais de l'argent… pour cette fille… Oh! le misеrable!..

Elle sembla chercher, pendant quelques secondes, un autre mot plus fort qui ne venait point, puis soudain, elle expectora, avec le mouvement qu'on fait pour cracher:

– Oh!.. cochon… cochon… cochon… Tu la payais avec mon argent… cochon… cochon!..

Elle ne trouvait plus autre chose et rеpеtait:

– Cochon… cochon…

Tout ? coup, elle se pencha dehors, et, saisissant le cocher par sa manche:

– Arr?tez!

Puis, ouvrant la porti?re, elle sauta dans la rue.

Georges voulut la suivre, mais elle cria: «Je te dеfends de descendre», d'une voix si forte que les passants se mass?rent autour d'elle; et Duroy ne bougea point par crainte d'un scandale.

Alors elle tira sa bourse de sa poche et chercha de la monnaie ? la lueur de la lanterne, puis ayant pris deux francs cinquante elle les mit dans les mains du cocher, en lui disant d'un ton vibrant:

– Tenez… voil? votre heure… C'est moi qui paye… – Et reconduisez-moi ce salop-l? rue Boursault, aux Batignolles.

Une gaietе s'еleva dans le groupe qui l'entourait. Un monsieur dit: «Bravo, la petite!» et un jeune voyou arr?tе entre les roues du fiacre, enfon?ant sa t?te dans la porti?re ouverte, cria avec un accent suraigu: «Bonsoir, Bibi».

Puis la voiture se remit en marche, poursuivie par des rires.

VI

Georges Duroy eut le rеveil triste, le lendemain.

Il s'habilla lentement, puis s'assit devant sa fen?tre et se mit ? rеflеchir. Il se sentait, dans tout le corps, une esp?ce de courbature, comme s'il avait re?u, la veille, une volеe de coups de b?ton.

Enfin, la nеcessitе de trouver de l'argent l'aiguillonna et il se rendit chez Forestier.

Son ami le re?ut, les pieds au feu, dans son cabinet.

– Qu'est-ce qui t'a fait lever si t?t?

– Une affaire tr?s grave. J'ai une dette d'honneur.

– De jeu?

Il hеsita, puis avoua:

– De jeu.

– Grosse?

– Cinq cents francs!

Il n'en devait que deux cent quatre-vingts.

Forestier, sceptique, demanda:

– ? qui dois-tu ?a?

Duroy ne put pas rеpondre tout de suite.

– … Mais ?… ?… ? un Monsieur de Carleville.

– Ah! Et o? demeure-t-il?

– Rue… rue…

Forestier se mit ? rire:

– Rue du cherche-midi ? quatorze heures, n'est-ce pas? Je connais ce monsieur-l?, mon cher. Si tu veux vingt francs, j'ai encore ?a ? ta disposition, mais pas davantage.

Duroy accepta la pi?ce d'or.

Puis il alla de porte en porte, chez toutes les personnes qu'il connaissait, et il finit par rеunir, vers cinq heures, quatre-vingts francs.

Comme il lui en fallait trouver encore deux cents, il prit son parti rеsolument, et, gardant ce qu'il avait recueilli, il murmura: «Zut, je ne vais pas me faire de bile pour cette garce-l?. Je la paierai quand je pourrai.»

Pendant quinze jours il vеcut d'une vie еconome, rеglеe et chaste, l'esprit plein de rеsolutions еnergiques. Puis il fut pris d'un grand dеsir d'amour. Il lui semblait que plusieurs annеes s'еtaient еcoulеes depuis qu'il n'avait tenu une femme dans ses bras, et, comme le matelot qui s'affole en revoyant la terre, toutes les jupes rencontrеes le faisaient frissonner.

Alors il retourna, un soir, aux Folies-Berg?re, avec l'espoir d'y trouver Rachel. Il l'aper?ut, en effet, d?s l'entrеe, car elle ne quittait gu?re cet еtablissement.

Il alla vers elle souriant, la main tendue. Mais elle le toisa de la t?te aux pieds:

– Qu'est-ce que vous me voulez?

Il essaya de rire:

– Allons, ne fais pas ta poire.

Elle lui tourna les talons en dеclarant:

– Je ne frеquente pas les dos verts.

Elle avait cherchе la plus grossi?re injure. Il sentit le sang lui empourprer la face, et il rentra seul.

Forestier, malade, affaibli, toussant toujours, lui faisait, au journal, une existence pеnible, semblait se creuser l'esprit pour lui trouver des corvеes ennuyeuses. Un jour m?me, dans un moment d'irritation nerveuse, et apr?s une longue quinte d'еtouffement, comme Duroy ne lui apportait pas un renseignement demandе, il grogna:

– Cristi, tu es plus b?te que je n'aurais cru.

L'autre faillit le gifler, mais il se contint et s'en alla en murmurant: «Toi, je te rattraperai.» Une pensеe rapide lui traversa l'esprit, et il ajouta: «Je te vas faire cocu, mon vieux.» Et il s'en alla en se frottant les mains, rеjoui par ce projet.

Il voulut, d?s le jour suivant, en commencer l'exеcution. Il fit ? Mme Forestier une visite en еclaireur.

Il la trouva qui lisait un livre, еtendue tout au long sur un canapе.

Elle lui tendit la main, sans bouger, tournant seulement la t?te, et elle dit:

– Bonjour, Bel-Ami!

Il eut la sensation d'un soufflet re?u:

– Pourquoi m'appelez-vous ainsi?

Elle rеpondit en souriant:

– J'ai vu Mme de Marelle l'autre semaine, et j'ai su comment on vous avait baptisе chez elle.

Il se rassura devant l'air aimable de la jeune femme. Comment aurait-il pu craindre, d'ailleurs?

Elle reprit:

– Vous la g?tez! Quant ? moi, on me vient voir quand on y pense, les trente-six du mois, ou peu s'en faut?

Il s'еtait assis pr?s d'elle et il la regardait avec une curiositе nouvelle, une curiositе d'amateur qui bibelote. Elle еtait charmante, blonde d'un blond tendre et chaud, faite pour les caresses; et il pensa: «Elle est mieux que l'autre certainement.» Il ne doutait point du succ?s, il n'aurait qu'? allonger la main, lui semblait-il, et ? la prendre, comme on cueille un fruit.

Il dit rеsolument:

– Je ne venais point vous voir parce que cela valait mieux.

Elle demanda, sans comprendre:

– Comment? Pourquoi?

– Pourquoi? Vous ne devinez pas?

– Non, pas du tout.