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La Fille Aux Arcs-En-Ciel Interdits
La Fille Aux Arcs-En-Ciel Interdits
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La Fille Aux Arcs-En-Ciel Interdits

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Kyle se déplaça tout de suite, en me permettant de passer. “Bonne chance Mélisande aux cheveux rouges. Tu en aura besoin”.

Je lui donnai un regard féroce, et je courus vers la porte au fond du couloir. Elle était semi-fermée, et un anneau de fumée en sortait.

Sébastian Mc Laine était assis derrière le bureau, de même que le jour avant, un cigare entre les doigts, le visage inflexible.

“Fermez la porte, S’il vous plait. Ensuite venez à vous asseoir. Nous avons déjà perdu assez de temps, tandis que vous étiez en train de fraterniser avec le reste du personnel”. Le ton était rude, insultant.

Un mouvement de rébellion me poussa à répondre, un agneau téméraire face à une hache.

“Il était seulement une normale courtoisie. Ou peut-être que vous préfériez une secrétaire grossière? Dans ce cas je peux même plier bagage. Toute de suite”.

Ma réponse impulsive lui prit au dépourvu. Son visage s’éclaira par la surprise, le même que probablement j’étais en train de refléter. Je n’avais jamais été si audace.

“Et moi que je l’avais déjà stéréotypée comme un chien sans dents... J’ai été trop précipité... Vraiment précipité”.

Je m’assis face de lui, les jambes qui me flageolaient déjà, contrite par ma franchise impulsive. Et terrorisée par les conséquences potentielles, explosives.

Mon employeur ne semblait pas offensé, au contraire. Il souriait. “Quel est votre nom de Baptême, Mademoiselle Bruno?”

“Mélisande” Je répondis automatiquement.

“De Debussy, Je présume. Vos parents étaient passionnés de musique? Des concertistes, peut-être?”

“Mon père était mineur” je confessai à contrecœur.

“Mélisande... Un nom grandiloquent pour la fille d’un mineur” observa-t-il, la voix vibrante d’un rire retenu. Il était en train de se moquer de moi, et au mépris des intentions du jour avant, je n’étais pas sûre de le vouloir lui permettre. Ou celle-ci aurait devenu son activité préférée.

Je redressai les épaules, en cherchant de récupérer la tenue perdue. “Et Sébastian, pourquoi? De Saint Sébastien, peut-être? Une choix vraiment incohérente”.

Il recevait le coup, en faisant la moue pendant un instant infinitésimal. “Arrache les griffes, Mélisande Bruno. Je ne suis pas en guerre avec toi. Si je le fusse, tu n’aurais aucune espérance de vaincre. Jamais. Néanmoins dans tes rêves les plus hardis”.

“Je ne rêve jamais, monsieur” répondis-je de la façon la plus digne possible.

Il sembla surpris par ma réponse, grondante de sincérité. “Tu as de la chance donc. Les rêves sont toujours un piège. S’ils sont des cauchemars, ils troublent le sommeil. S’ils sont beaux, le réveil sera doublement amer. Il est mieux de ne pas rêver, après tout ”. Ses yeux ne se détachaient pas des miens, charmeurs. “Tu es un personnage intéressant Mélisande. Tu es une petite chose, mais amusante” ajouta-t-il, le ton gouailleur.

“Heureuse d’avoir les qualités requises pour ce travail, donc” commentai-je ironiquement.

Je me torturai la lèvre inférieure avec les dents, dépassée encore par le repentir. Qu’est-ce qu’il m’arrivait? Je n’avais jamais réagi avec une telle déplorable impulsivité. Je devais y mettre un terme, avant de perdre complètement le contrôle.

Son sourire maintenant allait d’une oreille à l’autre, impudemment amusé. “Tu les as vraiment. Je suis sûr qu’on s’entendra bien. Une secrétaire qui ne sait pas rêver, comme son chef. Il y a une affinité élective entre nous, Mélisande. D’âmes, en quelque sorte. S’il n’était qu’un entre nous n’en a plus une, et il y a longtemps désormais...”

Avant que je pusse donner un sens à ses mots obscurs, il devint sérieux, les yeux encore détachés, l’expression imperscrutable, loin, sans vie.

“Tu dois envoyer le fax des premiers chapitres du livre à mon éditeur. Tu sais comment faire?”

J’hochai la tête, et en souffrant j’ai réalisé que je sentais déjà la manque du notre duel verbal. J’aurais voulu qu’il était infini. J’avais été inspirée par cet échange, comme une source miraculeuse, en me remplissant de vitalité débordante, une énergie sans précédents pour moi.

Les deux heures suivantes passèrent vites. J’envoyai plusieurs fax, j’ouvris la poste, j’écris des lettres de refuse à invitations différentes et je mis en ordre le bureau. Il écrivait à l’ordinateur, en silence, le front tout plissé, les lèvres étroites, les mains blanches et élégantes qui volaient sur le clavier. Vers l’heure du déjeuner il rappela mon attention avec un geste de la main.

“Tu peux faire une pause, Mélisande. Même manger quelque chose, ou faire une promenade”.

“Merci monsieur”.

“As-tu commencé à lire mon livre, celui que je t’ai donné?” Son visage était encore loin, immobile, toutefois je vis un éclair de bonne humeur dans ces yeux noirs

“Vous aviez raison, monsieur. Ce n’est pas exactement mon genre” confiai-je en toute sincérité.

Ses lèvres se courbèrent légèrement, dans un sourire oblique, qui avait été capable de pénétrer la cuirasse de mes défenses. Cuirasse que je pensais être plus fort que l’acier.

“Je n’en doutai pas. Je parie que tu es un type qui préfère Romeo et Juliette”. Il n’y avait aucune ironie dans sa voix, il avait fait seulement une constatation.

“Non, monsieur”. Contre-battre était naturel pour moi, comme si nous nous connaissions il y a toujours, et je pouvais être moi-même, complètement, sans subterfuges ou masques. “J’aime seulement les récits au heureux dénouement. La vie est déjà trop amère, pour renchérir avec un livre. Si je n’ai pas la concession de rêver la nuit, je veux le faire au moins le jour. Si je n’ai pas le permis de rêver dans la vie, je veux le faire au moins avec un livre”.

Il songea attentivement mes mots, pendant si beaucoup de temps que je pensais qu’il ne m’aurait pas répondu. Quand j’étais en train de prendre congés, il me retenait.

“Madame Mc Millian t’as dit le nom de cette maison?”

“Elle pourrait même l’avoir fait” admis-je avec un petit sourire. “Toutefois je crains de l’avoir écouté seulement par moitié”.

“Bravo, je me perds après le dixième mot” il se complimenta sans aucune ironie. “Je n’ai jamais eu esprit de sacrifice. Je suis un égoïste adulte”.

“Parfois il faut l’être” dis-je sans réfléchir. “Ou on verra trituré par les expectatives des autres personnes. Et on finira par vivre une vie qui n’est pas la nôtre, mais celle que les autres ont décidé pour nous”.

“Très sage, Mélisande Bruno. Tu as trouvé, seulement à vingt-deux ans, le secret de la sérénité de l’esprit. Ce n’est pas tous les chefs”.

“Sérénité?” répétai-je pleine d’amertume. “Non, la sagesse de comprendre une chose n’implique nécessairement de l’accepter. La sagesse nait de la tête, le cœur suit ses parcours, indépendants et dangereux. Et il tend à faire déviations fatales”.

Il déplaça le fauteuil roulant, en se portant de mon côté du bureau, les yeux pénétrants. “Alors? Etes-vous curieuse d’apprendre la raison du nom Midnight Rose? Ou non?”

“Rose de minuit” traduis-je, en luttant avec l’émotion de l’avoir si proche. J’échappai il y a longtemps la compagnie des mâles, du jour de mon premier et unique rendez-vous. Il fut tellement désastreux qu’il m’avait marqué pour toujours.

“Exactement. Dans cette zone il existe une légende, vieille de plusieurs siècles, peut-être millénaire, d’après laquelle si on assite à la floraison d’une rose à minuit, notre plus grand secret désir sera exaucé par magie. Même s’il s’agit d’un désir obscur et maudit”.

Il serra les mains à poing, presque en me défiant avec son regard.

“Si un désir a comme but celui de nous rendre heureux, n’est jamais obscur et maudit” dis-je avec calme.

Il me regarda avec attention comme s’il ne croyait à peine à ses oreilles.

Il lui échappa un rire presque démoniaque. Un frisson me traversa le corps.

“Très sage, Mélisande Bruno. Je te le concède. Mots scandaleux pour une fille qui ne tuerait un moustique sans se mettre à pleurer”.

“Une mouche peut être. Avec un moustique je n’aurais pas de problèmes” répondis-je lapidaire.

Il devint attentif, encore, une petite flamme lointaine à tiédir le gel de ces yeux foncés. “Combien d’informations précieuses sur toi, Mademoiselle Bruno. En quelques heures j’ai découvert que tu es la fille d’un ex-mineur passionné de Debussy, tu ne peux pas rêver et tu détestes les moustiques. Pourquoi, je me demande. Que t’ont fait ces pauvres créatures?” La dérision était évidente dans sa voix.

“Pauvres des clous !” répondis-je promptement. “Ils sont parasites, ils se nourrissent du sang des autres personnes. Ils sont insectes inutiles, à différence des abeilles, et néanmoins tant sympathiques, comme les mouches”.

Il se battit une main sur sa cuisse, en éclatant de rire. “Sympathiques les mouches? Tu es un drôle de tête Mélisande, et tant, trop, amusante”.

Plus capricieux du temps de mars, son humeur changea brusquement. Le rire s’éteignit dans une toux, et il me regarda encore. “Les moustiques sucent sang puisqu’ils n’ont d’autres choix, ma chère. C’est leur seul moyen de subsistance, tu peux les blâmer? Ils ont goûts raffinés, à différence des mouches tant encensées, habituées à être à leur aise parmi les ordures humaines”.

Je regardai le comptoir du bureau encombré de papiers, mal à l’aise sous le regard de ses yeux glaciaux.

“Qu’est-ce que tu ferais à la place d’un moustique, Mélisande? Tu renoncerais à te nourrir? Tu mourrais de faim pour n’être pas stéréotypée comme un parasite?” Son ton était pressant, comme s’il exigeait une réponse.

Je lui contentai. “Probablement pas. Toutefois je ne suis pas sure. Je devrai être à la place d’un moustique, pour en avoir la certitude. J’aime de croire que je pourrais trouver une alternative”. Je maintins le regard soigneusement détourné de lui.

“Il n’y a pas toujours d’alternatives, Mélisande”. Pendant un instant sa voix tremblait, sous la charge d’une souffrance dont je n’avais aucune idée, avec laquelle passait un accord tous les jours, il y a quinze longues années. “Nous nous verrons à deux heures, Mademoiselle Bruno. Soyez ponctuelle”.

Quand je me retournai vers lui, il avait déjà tourné le fauteuil roulant, en me cachant son visage.

La conscience d’avoir fait une gaffe me broyait le cœur dans un étau, toutefois je ne pouvais pas remédier de toute façon.

Je sortis de la pièce en silence.

Chapitre Troisième

A deux heures, ponctuelle, je me présentai dans le bureau. Kyle était en train d’en sortir, un plateau encore intact entre les mains, l’air de celui qui veut laisser tout et tous et se transférer de l’autre côté du monde.

“Il est de très mauvaise humeur, et il ne veut manger rien” marmonnait-il.

L’idée d’être moi-même la cause involontaire de son état d’âme me toucha dans le profond, dans chaque fibre de mon être, dans chaque cellule. Je n’avais jamais fait du mal à personne, en marchant presque sur la pointe des pieds pour ne pas déranger, en prêtant attention à chaque mot pour ne pas blesser.

Je traversai le seuil, une main appuyée au battant de la porte laissée ouverte par Kyle. A mon entrée ses yeux se levèrent. “Ah, êtes-vous. Entrez, mademoiselle Bruno. Alles-y, s’il vous plait”.

Je ne perdis pas de temps à obéir.

Il poussa sur le bureau des papiers couverts avec une calligraphie subtile masculine. “Envoyez ces lettres. Une au directeur de ma banque, e l’autre aux adresses indiquées au bas de la page”.

“Immédiatement, Monsieur Mc Laine” répondis-je avec déférence.

Quand je levai les yeux sur son visage je remarquai avec joie qu’il était de nouveau souriant.

“Comme vous êtes formelle, Mademoiselle Bruno. Rien ne presse. Ils ne sont pas de lettres si importantes. Ce n’est pas question de vie ou de mort. Je suis un mort vivant il y a trop d’années désormais ”.

En dépit de la cruauté de votre déclaration, il semblait qu’il lui fût retourné la bonne humeur. Son sourire était contaminé, et il échauffait mon âme en émoi. Heureusement il ne restait pas fâché pendant trop de temps, même si ses colères étaient déroutantes et violentes.

“Vous savez conduire, Mélisande? Je devrais vous envoyer à prendre quelques livres à la bibliothèque locale. Vous savez, recherches”. Le sourire fut remplacé par une grimace. “Bien évidemment je ne peux pas y aller” ajouta-t-il, à titre d’explication.

Embarrassée, je serrai encore plus les papiers dans mes mains, au risque de les chiffonner. “Je n’ai pas le permis de conduire, monsieur” je m’excusai.

La surprise altéra ses traits très beaux. “Je pensai que la jeunesse de nos jours serait pressée de croitre exclusivement pour avoir le droit de conduire. Quand même, ils le font déjà avant, et en cachette ”.

“Je suis différente, monsieur” dis-je laconique. Et je l’étais vraiment. Presque aliène dans ma diversité.

Il me scruta avec ses yeux noirs, plus perforantes d’un radar. Je soutins son regard, en inventant sur le moment une excuse plausible.

“J’ai peur de conduire la voiture, et avec une telle prémisse, je ferais des bêtises” expliquai-je rapide, en lissant les plis des papiers que j’avais chiffonné.

“Après si tante sincérité de votre côté, je sens l’odeur de mensonge ” psalmodia-t-il.

“C’est la vérité. Je pourrais vraiment...” Je perdis la voix pendant une longue instante, donc j’essayai encore. “Je pourrais vraiment tuer quelqu’un”.

“La mort est le mal mineur” chuchota. Il baissa les yeux sur ses jambes, et donc il contracta sa mâchoire.

Je me maudis mentalement. Encore. J’étais vraiment un fauteur de troubles, même sans un volant dans les mains. Une menace publique, impardonnable, insensible, habile seulement à faire des gaffes.

“Je vous ai peut-être vexé, Monsieur Mc Laine?” L’anxiété s’était manifestée dans ma question en le réveillant de son survenu torpeur.

“Mélisande Bruno, une jeune femme, arrivé d’où on ne le sait pas, bizarre et amusante comme un dessin animé... Comment peut cette fille vexer le grand écrivain de romans de l’horreur, le satanique et perverse Sébastian Mc Laine?” Sa voix était plate, en contraste avec la dureté de ses phrases.

Je me tordis les mains, nerveuse comme à la première rencontre. “Vous avez raison, monsieur. Je ne suis personne. Et...”

Ses yeux s’effilaient, menaçants. “En effet. Vous n’êtes personne. Vous êtes Mélisande Bruno. Donc vous êtes quelqu’un. Ne permettez à personne de vous humilier, néanmoins à moi-même ”.

“Je devrais apprendre à me taire. Avant d’arriver dans cette maison j’y réussissait très bien” chuchotais-je triste, la tête basse.

“Midnight rose a le pouvoir de retirer le pire de vous, Mélisande Bruno? Ou c’est moi à posséder cette incroyable habilité?” Il me fit un sourire bienveillant, avec la magnanimité d’un souverain.

J’acceptai heureuse cette offre de paix, et je retrouvai le sourire. “Je crois qu’il dépend de vous, monsieur” révélai-je à baisse voix, comme si je confirmais un péché capital.

“Je savais déjà d’être un démon” dit-il solennel. “Mais jusqu’à ce point? Vous me laissez sans mots...”

“Si vous voulez je vous passe le vocabulaire” dis-je en riant. L’atmosphère s’était allégée, et même mon cœur.

“Je crois que le vrai diable êtes-vous, Mélisande Bruno” continua-t-il à me taquiner. “Il est Satane en personne que vous envoie, pour perturber ma tranquillité ”.

“Tranquillité? Vous êtes sûr de ne pas la confondre avec ennui?” badinai-je.

“Si l’était, avec vous ici, je ne serais plus ennuyé, cela est sûr. Peut-être, à cette allure, je finirai pour vous regretter” répondit avec emphase.

Nous étions en train de rire tous les deux, sur la même longueur d’onde, quand quelqu’un frappa à la porte. Trois fois.

“Madame Mc Millian” anticipa-t-il, sans détourner le regard de mon visage.

Je le fis, à contrecœur, pour accueillir la gouvernante.

“Le Docteur Mc Intosh est arrivé, monsieur” dit la bonne femme, une pointe d’anxiété dans la voix.

L’écrivain s’assombrit à l’instant. “Il est déjà mardi?”

“Absolument, monsieur. Voulez-vous que je le fasse entrer dans votre chambre?” demanda-t-elle, gentiment.

“Ça va bien. Appelle Kyle” ordonna-t-il, le ton sec comme un quintal de poudre. Il s’adressa à moi, encore plus sec. “Nous nous verrons après, mademoiselle Bruno”.

Je suivis la gouvernante par les escaliers. Elle répondit à ma question inexprimée. “Le Docteur Mc Intosh est le médecin local. Tous les mardis il vient à visiter Monsieur Mc Laine. A part la paralyse, il est pétant de santé, toutefois il est une consuétude, et même une prudence”.