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Tess, Le Réveil
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Tess, Le Réveil

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11 - Naples

S'aggripant à la poignée du véhicule, Jake tentait de ne pas montrer son angoisse face à la conduite énergique de Tess.

« Alors, quel est le plan ? » Jake demanda.

« On devrait prendre une perm et commencer à fouiller du côté d'Istanbul où, d'après son serviteur, Amir a une résidence », répondit Tess tandis qu'elle conduisait le Humvee à tombeau ouvert.

Jake, toujours très pratique, lui jeta un regard interrogateur. « Et on va en Turquie comment ? Nous sommes au milieu d'une guerre, au cas où tu l'aurais oublié.

— Je croyais que c'était toi le créatif. Bon, comme ton imagination semble être au point mort, voyons si on peut trouver un transport militaire pour la base américaine d'Incirlik ou peut-être d'Izmir en Turquie. »

Jake secoua la tête. « On aura besoin d'ordres de mission pour aller là-bas. Ce serait mieux d'aller en Italie, soit à Sigonella en Sicile ou à la base navale de Naples. On aura toujours besoin d'ordres de mission mais ce sera plus facile, les Turques sont pénibles. Ils risquent d'examiner tout mouvement en provenance d'Irak de très près. Ils ne veulent pas être mêlés à ce que nous faisons ici. »

Tess fit une embardée pour éviter une chèvre errante. « Alors, monsieur le barbouze. Tu peux nous produire des ordres pour l'Italie ? Ça ne me dérangerait pas une bonne platée de pâtes.

— Je vais voir avec mes contacts s'ils peuvent nous trouver un motif pour nous envoyer là-bas. »

Jake et Tess arrivèrent à la base et, durant deux jours, ils se plièrent à une série de réunions et d'évaluations médicales.

Les opérations militaires atteignaient leur point culminant, les unités pénétraient Bagdad avec peu de résistance active. À ce stade, ce n’était plus qu'une question de temps avant que les Irakiens ne capitulent.

Jake fit appel à tous ces atouts pour leur faire délivrer des ordres pour Naples et prétendument briefer l'antenne locale de la CIA sur les progrès de la guerre. Le jour suivant, ils montèrent à bord d'un avion de transport et arrivèrent à Naples en peu de temps.

En descendant de l'avion, Jake jugea utile de souligner une évidence. « Okay, Commandant, maintenant que nous sommes ici, nous sommes livrés à nous-mêmes. On peut obtenir un congé, mais nous devons payer nos vols et nos dépenses pour Istanbul de notre poche. Et je ne pense pas que mon salaire de la CIA nous mènera loin. » Jake avait en réalité une importante cagnotte ; il n'était pas certain cependant de vouloir l'utiliser pour une quête qui pouvait s'avérer vaine.

Tess répondit : « Ce n'est pas un problème. J'ai de l'argent.

— Bon à savoir. »

En fait, Tess n'avait pas beaucoup d'argent. Elle pouvait compter sur son père, mais elle ne voulait pas l’impliquer dans son plan. Elle ne voulait pas l'alarmer en lui annonçant qu'elle et son partenaire s'embarquaient dans une aventure improbable.

Aussitôt libérés du service, ils prirent un taxi pour le centre de Naples. Tess annonça qu'elle avait fait une réservation au Grand Hôtel Vesuvio, un superbe palace avec des chambres à balcon avec vue sur la mer. C'était l'un des lieux de séjour préférés de Tess. Situé sur le front de mer, l'établissement surplombait le Golfe de Naples, l'île de Capri et le Mont Vésuve.

Aussi coriace qu'elle fût, Tess appréciait le confort matériel que son éducation privilégiée lui avait donnée. Elle avait souvent séjourné dans cet établissement, lieu d'étape vers la résidence de vacances de sa tante à Capri.

Jake proposa une meilleure idée.

Il guida le taxi à travers les rues anciennes et sombres de Naples et le fit s'arrêter devant un portail de fer décrépit dans une allée lugubre flanquée de hauts immeubles qui faisaient sécher leur linge au-dessus de la ruelle.

Tess était un peu consternée. L'entrée de la rue était sombre et inhospitalière.

Jake lui attrapa la main et ils grimpèrent un escalier en béton jusqu'au deuxième étage. Il les fit s'engouffrer, avec leurs petits sacs de voyage, dans le vieil ascenseur, puis il se mit à fouiller dans ses poches. Un petit panneau informait que le coût de l'ascenseur était de 10 centimes — pas idéal quand vous arrivez avec des bagages lourds et aucune pièce de 10 centimes ! Tess comprit alors pourquoi Jake avait insisté pour acheter un café à l’aéroport.

Miraculeusement, la pièce ramena l'ascenseur antédiluvien à la vie, les dégorgeant dans l'aire de réception d'une Pensione, la version italienne d'un B&B.

Le type à la réception était serviable et efficace, pas extrêmement sympathique et accueillant, mais acceptable. Il informa les clients que la réception fermait à 20 heures et qu'il fallait se conformer aux instructions au sujet de quelle clé ouvre quelle porte s'ils retournaient à la Pensione tard dans la soirée.

Tess était prête à repartir, mais Jake lui prit la main et l'emmena dans la chambre. Étonnamment, elle était propre et de bonnes dimensions. Le lit était grand et confortable, les placards de rangements généreux. En comparaison, la salle de bain était un peu décevante. Elle était propre mais montrait des signes d'usure ; il y avait des tâches noires au fond du bac à douche, traces des ravages d'années d'humidité, et aussi quelques égratignures sur la porte. Un rideau de douche laid et bon marché complétait le décor.

Tess regarda Jake d'un air interrogateur. « J'espère que tu te rends compte que je suis habituée à mieux que ça. »

Jake sourit. « J'en suis sûr. »

La chambre ouvrait sur une terrasse commune et chaque chambre avait sa propre table et des chaises. Le réceptionniste avait souligné qu'ils pouvaient y prendre leur petit déjeuner. Jake dit qu'ils le feraient si le temps le permettait.

Ils laissèrent leurs sacs dans la chambre et retournèrent au dehors. Bientôt, Tess devait avouer que se trouver proche du centre-ville et à portée des attractions était bien pratique. Ils virent de nombreux endroits où manger et découvrirent de merveilleuses petites rues. Les ruelles débordaient de visiteurs, de musiciens, de marchands, de restaurants et de boutiques. Tant de choses à voir !

Finalement, Jake entra dans un petit restaurant. Une vieille femme potelée les vit et leur dit en italien : « Signor Jake ! Où avez-vous été tout ce temps ? Vous ne m'avez pas rendu visite depuis au moins un an. »

Jake la prit dans ses bras et lui présenta Tess. « Voici Mamma Assunta, le meilleur cuisinier de Naples ! »

Mamma prit Tess dans ses bras et déclara : « Jake, quelle honte, tu ne lui donnes donc pas à manger à cette pauvre jeune fille !? » Elle s'écarta et évalua Tess du regard. « Aucun souci. Nous allons la nourrir comme il faut ! Maintenant, asseyez-vous. »

Le couple se glissa à une petite table. Tess prit un des grissini, des petits bâtons de pain, et le trempa dans un bol d'excellente huile d'olive. Le garçon apporta une bouteille de vin. Tess nota l’étiquette — Taurasi. « Jamais entendu parler. »

Jake en versa un peu dans son verre. « C'est un vin de région. » Tess goûta et le trouva merveilleux, un vin superbe, corsé et opulent.

Il n'y avait pas de menu et Jake ne s’embarrassa pas d'aller en chercher.

Tess le piqua de son pain et tout en en mâchant un autre : « Je suis affamée ! » Jake jeta un coup d’œil vers la cuisine et annonça que la nourriture était en chemin. « Mamma ne s'embête avec les menus. Elle sert juste ce qu'elle est en train de préparer. »

Une jeune femme apporta plusieurs plats de service et les déposa devant eux et il y avait beaucoup plus nourriture que ne pouvaient ingurgiter deux personnes. Jake se lança dans la description des plats. « Ce plat est appelé Pasta Alla Genovese. Il a une base de sauce oignon-et-bœuf semblable à la soupe à l'oignon française, servie sur des rigatoni. »

Tess sentit l'arôme divin du plat. « Je suppose que ça vient donc de Gênes.

— Pas vraiment, dit Jake. C'est en fait le plat napolitain par excellence. Personne ne sait pourquoi on l'appelle Genovese. »

Il montra un autre plat. « Celui-ci, c'est du polpettone, un pain de viande farci aux légumes. C'est délicieux. Et ceci est du scammaro, une omelette sans œufs. Elle est assaisonnée de câpres, d'olives, de persil, de quelques tranches de courgettes et de chapelure. Les habitants recommandent de rajouter des anchois, mais de nombreux touristes ne les apprécient pas. Une fois que tu auras goûté à ce plat, tu deviendras accro. »

Tess était affamée et n'attendit pas la fin de l'explicatif des plats. Elle se servit une part de nourriture et commença à manger. « C'est délicieux », observa-t-elle.

Jake était encore en pleine explication et son attention se porta sur le reste des plats. « Ceci est de la tostata di tagliolini, avec du fior di latte fumé, des petits pois, du jambon, de la sauce béchamel et du Parmesan. Et là, une belle frittata de riz. »

À ce moment-là, Tess comprit que si elle voulait passer du temps avec Jake, elle devait accepter de l’entendre débiter d'innombrables faits et chiffres à propos de tout. « Jake, j'ai compris ; bonne bouffe. Mange, maintenant. »

Jake suivit son conseil et remplit son assiette de nourriture. Ce qui ne l'empêcha pas de poursuivre. « Les gens pensent que la cuisine napolitaine est à base de sauce rouge mais ce n'est pas forcément le cas. Leur style est infiniment plus sophistiqué. »

Tess, plongée dans la dégustation des plats, tenta de freiner l’assaut de renseignements culinaires. « Bon à avoir. Et maintenant, mange », répéta-t-elle. Jake finit par se taire et suivit le conseil de Tess.

Mais le silence ne dura pas ; Jake continuait ses commentaires interminables entre deux bouchées. Tess avait envie de bâillonner son partenaire.

Puis vint le dessert. Des sfogliatelle, de fines et délicieuses petites pâtisseries en forme de coquilles Saint-Jacques fourrées d'une crème onctueuse faite de ricotta, de sucre, de cannelle et de petits confits d'agrumes, le tout saupoudré de sucre.

Après ces succulents abus de bonne nourriture, ils complimentèrent Mamma avec effusion — c'est, en Italie, une exigence absolue, une loi. Elles les étreignit dans ses bras et Jake l'assura qu'à compter de ce jour, il se chargerait de nourrir Tess.

Ils émergèrent finalement du petit restaurant, cheminant dans les anciennes rues pavées, et rejoignant le flot d'habitants qui s'adonnaient à la coutume du soir, la passeggiata, qui consistait en une promenade pour digérer le dîner, ainsi que de voir et d'être vu.

Après une courte exploration, Jake et Tess s'assirent à un bistrot de bord de mer pour savourer un café, suivi de deux verres de vin. Castel dell'Ovo, l'un des plus vieux châteaux d'Italie bâti par les Romains, se trouvait en face d'eux sur une petite île de la baie. Jake s'apprêtait à un nouveau commentaire encyclopédique mais un regard noir de Tess l'en dissuada.

Ils retournèrent à l'hôtel, un peu étourdis, oubliant presque la raison de leur présence à Naples. Ils prirent chacun une douche, puis Jake s'allongea sur le lit, s'extasiant de la piètre qualité du programme télé local.

Tess sortit de la salle de bain entourée d'une serviette. « N'attends pas grand-chose du programme télé. Ça ne va pas s'améliorer. La plupart des stations appartiennent à Silvio Berlusconi et il est persuadé que les Italiens se contenteront longtemps de cette merde. De toute façon, on a mieux à faire. »

Elle jeta sa serviette et vint se placer au-dessus de Jake. Il n'offrit aucune résistance.

Tess commença à l'embrasser doucement, puis avec de plus en plus d'intensité. Jake fit de même mais cette fois, elle insista pour mener la danse. Tess lui intima de rester parfaitement immobile, puis se mit à couvrir son pénis en érection de baisers. Elle en aspira tendrement la tête et en lécha la hampe comme s'il agissait d'une friandise. « Roger, mon ex, était très prude et manquait d'imagination. Il ne me permettait pas de faire ça », expliqua Tess entre deux baisers. « Le tien est magnifique, un vrai chef-d’œuvre. J'aime connaître intimement toute chose que je laisse entrer dans mon corps... Délicieux. »

« Merci, mon amour, mais vas-y doucement. Je suis sûr que tu as remarqué, je ne suis pas circoncis. » Jake essaya de bouger mais elle l'en empêcha.

Elle se laissa tomber sur lui, petit à petit, s'émerveillant de cette douce invasion de son corps. Jake tenta une nouvelle fois de bouger mais elle continua de l'immobiliser en l'embrassant. Jake trouva ses préférences de plus en plus difficile à accommoder. Elle poursuivit ses baisers, bougeant à son propre rythme jusqu'à un frémissement soudain, signe de son orgasme bouleversant.

Elle resta allongée sur lui puis commença lentement à se détendre. Jake la renversa sur le dos et s'introduisit en douceur dans le corps de Tess. Il lui imprima de lentes et profondes poussées qui augmentèrent en intensité. Bientôt, Tess répondit de même.

Elle se sentait complètement possédée par son amant et haletait de plaisir. Jake se répandit en elle. Ils restèrent enlacés jusqu'à ce que le sommeil les engloutisse.

12 - Connais Ton Ennemi

Le lendemain matin, Jake et Tess prirent un petit-déjeuner puis se rendirent à pied à la Biblioteca Nazionale Vittorio Emanuele III, la bibliothèque principale de Naples. La bibliothèque, occupant l'aile est du Palazzo Reale construit au XVIIIème siècle, était un chef-d’œuvre d'art et d'architecture royale.

Jake expliqua. « En termes purement quantitatifs, c'est la troisième plus grande bibliothèque d'Italie après les bibliothèques nationales de Rome et de Florence. Elle compte 1.480.747 volumes imprimés, 319.187 brochures, 18.415 manuscrits, plus de 8.000 journaux, 4.500 incunables et les 1.800 papyrus d'Herculanum. »

Tess réalisa alors que le goût de Jake pour les faits, chiffres et une incroyable connaissance de l'histoire relevait plus que du simple enthousiasme.

« Je me demande si je devrais être impressionnée ou inquiète. Ou peut-être que tu plaisantes. »

Jake sourit. « Désolé. J'ai une mémoire eidétique, et je me souviens de tout.

— Tout ? S'exclama Tess. Jake haussa les épaules : La moindre petite pépite d'information : expériences, impressions, visages, faits, chiffres.

— J'espère que c'est une bonne chose. »

Ils étaient à la bibliothèque pour effectuer des recherches sur la ville d'Istanbul. Le larbin du général en Irak leur avait fourni une adresse. En supposant que l'information était fiable, ils devaient localiser l'endroit et se faire une idée des environs. Ils avaient aussi besoin de développer une stratégie. Ils recherchèrent donc toute information pouvant être utile : données, chiffres, cartes. Jake n'eut pas besoin de photocopies. Il mémorisa tout.

Puis il présenta brièvement la situation. « Supposons qu'on retrouve Amir, il ne va pas nous donner la fille de Kejal sans rechigner. L'autre complication réside dans le fait que, en Turquie, Amir n'a enfreint aucune loi, ça ne sera donc pas utile de se rendre à la police. Au contraire, cela risque de soulever beaucoup de questions de la part des autorités locales. »

Jake se connecta à la base de données de la CIA qui contenait les profils des Irakiens les plus importants et y trouva le dossier d'Amir Alkan al-Saadi. Le dossier révéla qu'ils avaient affaire à un adversaire redoutable.

Amir avait fréquenté la British Royal Military Sandhurst Academy, s'étant ainsi préparé à devenir un officier de l'armée ; il reçut son diplôme avec les honneurs. Il poursuivit ses études à l'Université de Cambridge, où il reçut son diplôme également avec les honneurs.

Son ascension au sein de l'armée irakienne fut fulgurante. Il fut décoré pour avoir dirigé une brigade dans le conflit irako-iranien, l'un des plus sanglants du siècle.

En termes de tactiques utilisées, cette guerre avait été comparable à la première guerre mondiale. Les deux fronts avaient eu recours à de longues guerres de tranchées, avec barbelés, postes de mitrailleurs, charges à la baïonnette et vagues d'attaques de soldats entre les deux fronts.

Les combattants firent également usage d'armes chimiques comme le gaz moutarde, utilisé par les Irakiens contre les troupes iraniennes. Les Iraniens répliquèrent de même.

Un autre fait d'armes fit état d'Amir, alors colonel, commandant une brigade de chars de la Garde Républicaine pendant la guerre du Golfe. Il était l'un des rares survivants après que son unité fut anéantie par les Américains.

Considéré comme un haut-gradé important de l'armée irakienne, Amir sut se tenir à l'écart de Saddam Hussein en ne rejoignant pas son premier cercle.

Jake se gratta la tête. « C’est un type coriace, rusé, compétent et expérimenté, pour ne pas mentionner impitoyable. Je ne vois pas comment le convaincre de relâcher cette enfant si elle est encore en vie. »

Tess, revivant les quelques heures passées avec Amir, sembla perdre confiance. « Toutes les chances sont de son côté. Il doit y avoir un moyen pourtant. »

Jake poursuivit sa lecture. « Il semble qu'il n'ait aucune intention de rentrer de sitôt en Irak. Il attendra probablement que la guerre soit finie et que les choses se soient calmées.

— Je pense qu'il peut se le permettre. Je lis ici que la fortune familiale est ancienne, qu'il possède plusieurs maisons en Europe et qu'il a sûrement des contacts un peu partout. Il m'a également dit que des membres de sa famille avait tenu des postes diplomatiques importants depuis l'époque de l'Empire Ottoman. »

Jake repoussa sa chaise et croisa les mains. « En supposant qu'on le retrouve, nous pourrons peut-être le persuader d'une façon ou d'une autre en lui offrant une carotte en échange de la fillette. » Tess se détourna un instant de l'ordinateur. « Qu'entends-tu par carotte ?

— Je suis certain que les alliés et le nouveau gouvernement irakien voudront arrêter les hommes de Saddam pour qu'ils répondent de leurs atrocités envers leur propre peuple. Je peux peut-être mettre au point une promesse d'immunité s'il coopère.

— Si tes contacts peuvent nous faire ça, en effet cela pourrait marcher, observa Tess, mais je me souviens qu'il avait bien fait attention de se tenir à l'écart des actes par trop répréhensibles du camp de Saddam. Il se peut qu'il ne se sente pas menacé puisqu'il n'a rien fait de mal.

— As-tu mentionné qu'il avait été impliqué dans le gazage des Kurdes ? Jake demanda. Ça peut servir de levier. »

Tess fut prise d'une vague de tristesse à la pensée de Kejal qui s'était sacrifiée pour l'aider à retrouver la liberté. « La mère de cette petite fille est morte ; et tout dépend de notre capacité à prouver sa participation à ce massacre, et si même il s'en sent coupable.

— Beaucoup de 'si", observa Jake, mais c'est le seul atout dont on dispose. »

Tess se leva. « Allons à Istanbul et, de là, on avisera. »

Jake se déconnecta de l'ordinateur et remarqua qu'il leur fallait un plan plus solide. « Quel genre de plan ? Je n'en ai aucune idée. » Ils quittèrent la bibliothèque en silence.

Sur le chemin du retour vers l'hôtel, Jake demanda : « As-tu pensé à ce qui adviendrait de cette enfant si on parvient à la libérer ? » Tess s'arrêta. « Non. Je n'ai pas encore réfléchi à ça. »

13 - Istanbul

Le Général Amir Alkan al-Saadi sortit d'un majestueux édifice. Il venait de rendre visite à un ami qui était également ministre du gouvernement turc. Ils avaient discuté de l'invasion de l'Irak et des possibles conséquences du conflit dans la région.

Amir n'éprouvait que du mépris pour la naïveté des Américains, pour leur croyance absurde que la soi-disant démocratie serait souhaitable pour le Moyen-Orient. Les Arabes n'avaient jamais eu de démocratie. Tout au long de leur histoire, c'est le culte de l'homme fort qui leur avait été imposé. Pour ces sociétés tribales aux coutumes et attitudes bien éloignées du monde occidental, il ne pouvait voir comment toute autre modèle politique puisse être souhaitable ni même acceptable.

L'histoire de l'Irak exemplifiait la turbulence et l'interférence des forces occidentales. En 1920, l'Irak fur placé sous autorité britannique par un mandat de la Société des Nations. Les Britanniques installèrent Fayçal Ier d'Irak, roi hachémite, qui avait été forcé de quitter la Syrie à la fin de son "entente politique" avec les Français. Les autorités britanniques placèrent plusieurs élites arabes d'obédience sunnite à certains postes ministériels et gouvernementaux.

Puis la Grande-Bretagne accorda l'indépendance à l'Irak en 1932. Quelques rois éphémères se succédèrent jusqu'en 1941, lorsqu'un coup d’état mit fin au gouvernement. Pendant le conflit anglo-irakien qui suivit, les Britanniques - qui y avaient conservé des bases aériennes - envahirent l'Irak de crainte que le nouveau gouvernement, aligné aux Forces de l'Axe, n'interrompe la fourniture de pétrole aux nations occidentales.

La monarchie hachémite fut restaurée, suivie d'une occupation militaire. Celle-ci prit fin en 1947 bien que la Grande-Bretagne conservât ses bases militaires en Irak jusqu'en 1954. L'Irak vécut alors sous une succession de premiers ministres autocratiques.

Un autre coup d'état, en 1958, mit fin à la monarchie. Plusieurs généraux se succédèrent jusqu'à l'arrivée du Général Saddam Hussein au pouvoir en 1979. Depuis lors, l'Irak a été maintenue sous sa poigne de fer. Tout comme les Britanniques auparavant, il perpétua au sein du gouvernement une domination sunnite, et supprima la majorité de Chiites et de Kurdes. Ces trois peuples ne parvenaient pas à s’entendre. Ils avaient été contraints de coexister dans un territoire dont le tracé était totalement artificiel.

Maintenant que l'Irak avait été conquis par la Coalition alliée, le pays avait besoin d'être gouverné. Amir estimait la tâche hautement compliquée. Il avait peu d'espoir d'un successeur aussi compétent que Saddam. La situation ne présageait rien de bon.

Anticipant le pire, Amir avait fait enlever les pièces d'héritages les plus importantes de sa résidence en Irak et les dispersa entre ses résidences d’Istanbul, de Paris et de Londres. Il se préparait à faire profil bas jusqu'à ce que les choses s’éclaircissent.

En raison de son influence, il obtint l'assurance des autorités turques qu'il y serait toujours le bienvenu. Après tout, plusieurs de ses ancêtres avaient été généraux et ministres de l'Empire Ottoman ; sa famille possédait un manoir dans le Bosphore depuis deux siècles.

La voiture d'Amir arriva devant sa résidence et il congédia le chauffeur. Il traversa le jardin et parvint devant la maison ; une femme et un enfant s'y trouvaient, plongés dans la lecture d'un livre. La petite fille le vit et courut vers lui avec un cri de joie. « Oncle Amir ! »

Il la souleva dans ses bras et elle l'étreignit. « Tu m'as manqué, oncle Amir », roucoula-t-elle. « Tu restes avec nous ? »