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Tess, Le Réveil
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Tess, Le Réveil

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— Aujourd'hui, je me contente d'être Jake, à votre service. »

Tess posa son bagage à terre et croisa les bras. « Puis-je être sûre que vous n'allez pas tenter de me sortir d'affaire encore une fois ? »

Jake sourit. « Loin de moi l'idée de me mettre en travers du chemin d'un pilote de Black Hawk équipé de mitrailleuses. »

L'un des officiers arrivés en même temps qu'elle lui fit signe de se rendre au comptoir de la réception. Tess ramassa son sac et fit à Jake un signe de la main. « Laissons les méchants se soucier de ça le moment venu. »

Jake lui rendit le salut de la main : « Je vous verrai au dîner ? »

Tess sourit. « Je vais me rafraîchir un peu et je vous revois d'ici 30 minutes. »

Une fois dans sa chambre, elle lança avec colère le dossier avec ses ordres de mission sur le bureau. Son statut de fille d'un fameux général lui valait tant de condescendance et de sous-entendus et cela l'agaçait parfois, mais c'était surtout d'avoir à refuser les multiples avances d'hommes qui l'ennuyait au plus haut point. À ce moment précis, c'était bien la dernière chose dont elle avait besoin. Elle voulait juste faire son travail.

Tess avait forclos la profession de son père, la forclusion étant un terme de psychanalyse qui expliquait la présence de tant de lignées de docteurs et d'avocats au sein de la même famille. Avant même d'envisager d'autres options dans son sens du développement de l'identité, elle s'était engagée à devenir un officier professionnel de l'Armée. Elle s'était en fait fixé une identité trop tôt mais ne s'en rendait pas compte.

Ses talents en musique avaient donné l'espoir à son père qu'elle s'y épanouirait grâce à une bourse qui lui ouvrirait les portes du Conservatoire. Le choix de sa fille pour la carrière militaire lui plut nettement moins et il ne put surmonter la détermination qu'elle y avait mis. L'Armée avait été son choix, en réaction au spectacle offert par sa mère, femme de soldat toute dévouée au devoir de la maison pendant que son mari faisait le sien aux quatre coins du monde. Elle avait peu à dire quant à ses propres besoins d'une vie hors de ce cadre.

Petite, Morgan avait décidé que la maison et le foyer ne feraient pas partie de son monde, un monde qu'elle savait dominé par les hommes qui définissaient leurs lois et en récoltaient les avantages. Elle avait envisagé le monde des affaires mais ne pouvait souffrir les longues réunions ni les rapports trimestriels. L’armée, en revanche, semblait offrir bien plus. L'opportunité d'un avancement rapide, de diriger, d'aller dans des endroits nouveaux et de faire du bien. Elle comprit aussi que cette voie impliquait un immense dévouement, tant physique que mental, des défis qu'elle avait surmontés avec talent et une volonté implacable. Elle sortit de West Point avec un diplôme en ingénierie électrique et une sous-dominante en science politique. Pensant que sa carrière la mènerait à Washington ou au Pentagone, des notions en politique seraient alors tout à fait bienvenues.

♦♦♦

Tess se changea en un pantalon de soie et un chemisier et alla rencontrer Jake dans la salle de restaurant.

Elle entama la conversation. « Vous dites que vous êtes dans l'armée mais je trouve vos cheveux un peu long pour ça. »

Jake sourit : « Bien vu. Vous trouvez que la longueur des cheveux est si importante ? »

Tess haussa les épaules. « On m'a souvent accusée d'être une obsédée du règlement. D'être un despote. Peut-être ont-ils raison. Je crois en la discipline. »

Jake leva son verre : « Alors, à la discipline. »

Le garçon arriva et Tess accepta de laisser Jake passer commande de leur repas. Son compagnon s'y livra avec l'assurance d'un gourmet accompli. Il parcourut rapidement le menu puis déclara : « Pâté de campagne, croustilles de prunes au bacon, Saint-Jacques à la Provençale, confit de canard à la marinade de raisins épicés, travers de porc aux olives et aux herbes et crêpes Suzette au dessert. Et puis, mettez-nous une bonne bouteille de Sancerre avec. »

Alors qu'il passait la commande, elle l'évalua du regard, se demandant à quel prix Jake avait acquis une telle musculature. Pas qu'il était énorme, mais sa musculature développée et sculptée était sans aucun doute le fruit d'un entraînement professionnel poussé.

Un officier entra dans la salle à manger et, reconnaissant le beau couple, s'approcha de leur table avec un grand sourire. « Quelle chance, mes deux personnes préférées ! »

Le commandant Dan Gardner était le meilleur ami et collègue de Jake ainsi qu'un bon ami du père de Tess. Il était aujourd'hui le chef hiérarchique de Tess.

Jake et Tess l'accueillirent chaleureusement et lui offrirent de se joindre à eux. « Avec plaisir, » déclara le commandant, déplaçant une chaise vers leur table.

Un garçon vint et Gardner lui fit part de sa commande.

« Alors, prêts pour les festivités qui s'annoncent ? demanda-t-il.

— Aussi prêts qu'on puisse l'être, » répondit Jake.

Gardner approuva. « Cette fois-ci, tous les coups sont permis. Nous allons jusqu'à Bagdad inviter Saddam à résider dans une jolie petite prison. Il est fait comme un rat.

— Vous croyez qu'on va pouvoir les trouver, ces ADM ? Demanda Tess. Je crois savoir qu'elles sont dispersées dans plusieurs caches. »

Jake répondit. « Je ne suis pas certain que la tâche soit aisée. Il y a vraiment peu de preuves de leur existence. Les gens de la Commission Surveillance, Vérification et Inspection à l'Organisation des Nations Unies sont allés jusqu'à dire qu'il reste très peu de telles armes, si tant est qu'il y en ait. »

Tess poursuivit. « Mais le chef de cette commission n'est-il pas un personnage controversé ? L'administration Bush tente de le discréditer. »

Jake parut mal à l'aise. « Quand on traite de sujets si importants, il convient d'observer la situation de tous les points de vue. La Commission de l'ONU a accusé les gouvernements des États-Unis et de la Grande-Bretagne d'avoir exagéré la menace que représentent les armes de destruction massive en Irak pour pouvoir justifier la guerre contre le régime de Saddam Hussein. Ma tâche dans ce conflit est d'aider à trouver et neutraliser ce truc, j'ai donc tout intérêt à savoir la part de vérité dans cette histoire. Nous ne pouvons nous permettre d'aborder cette situation avec le concept italien de Verita ».

« Qu'entendez-vous par là? » demanda Gardner.

Jake élabora. « L'un des gros problèmes dans la vie politique italienne est cette ambiguïté sur leur conception de la vérité. Chaque partie a sa propre version de la vérité, qui sert chacune de leur propre position et leurs intérêts, et ils ont une tendance à l'intransigeance, même confrontés à des faits irréfutables. Cela résulte en un blocage chronique de la situation. Dans notre cas, nous ne pouvons pas nous permettre d'avoir plusieurs versions de la réalité. Nous devons procéder avec prudence et armés de faits incontestables. Je n'ai pas vu énormément de preuves que l'Irak dispose aujourd'hui de nombreuses armes chimiques et biologiques. C'est établi qu'ils en avait par le passé mais aujourd'hui il semble que les sanctions portées contre Saddam au cours de ces dernières années peuvent l'avoir persuadé de s'en être débarrassé. Il les a probablement expédiées en Iran.

— Ce qui ouvre une nouvelle boîte de Pandore », observa Gardner.

Tess ajouta, « J'imagine qu'on aura à s'occuper de ça plus tard. »

Jake acquiesça. « Vous avez probablement raison. »

Puis la discussion passa vers des sujets plus légers jusqu'à la fin du dîner. Ils étaient tout à fait conscients que les jours qui suivaient seraient un véritable enfer et qu'ils n'avaient pas encore idée de ce qu'ils allaient affronter.

Puis Dan Gardner s'excusa et rappela à Tess le briefing du lendemain matin en préparation à la première opération de l'escadron.

Jake et Tess prirent l'ascenseur et se dirigèrent vers leurs chambres. Ils n'avaient pas vraiment envie de mettre fin à la soirée mais pensaient qu'il valait mieux prendre un peu de repos avant ce qui les attendait le lendemain. Jake souhaita à Tess une bonne soirée, puis rajouta : « Faites attention à vous. Je garderai un œil sur vous. »

« Bonne chance à vous, » lui répondit Tess.

4 - Du Sang et des Tripes

Jake était un élément de la Division des Activités Spéciales (DAS) de la CIA, une équipe composée d'officiers d'opérations paramilitaires et de soldats des Forces Spéciales. Ce groupe avait pénétré en Irak en juillet 2002, avant l'invasion principale. Une fois sur le terrain, ils avaient préparé l'arrivée des Forces Spéciales de l'armée américaine pour organiser les Peshmergas kurdes.

Sa capacité à parler l'arabe avait mis Jake en charge de coordonner les combattants locaux. Dans le Kurdistan irakien, l'équipe alliée avait vaincu Ansar al-Islam, un groupe ayant des liens avec Al-Qaïda. Cette bataille avait également conduit à la saisie d'une installation d'armes chimiques à Sargat ; ce fut la seule installation identifiée durant la guerre d'Irak.

L’invasion de l’Irak proprement dite commença par des frappes aériennes sur le palais présidentiel à Bagdad le 19 mars 2003. Le jour suivant, les forces de la coalition, principalement britanniques, ont mené une incursion dans la province de Bassora à partir de leur point de rassemblement proche de la frontière irako-koweïtienne.

Une fois le combat commencé, Jake ainsi que d'autres officiers opérations de la DAS avaient réussi à convaincre des hauts gradés de l'armée irakienne à la reddition de leurs unités. Les équipes de la DAS travaillaient également à l'arrière des lignes ennemies à identifier des cibles de grande importance et à relayer l'information aux unités de combat qui menaient les frappes aériennes contre le régime de Saddam Hussein et de ses généraux. Les frappes n'avaient pas réussi à tuer Hussein mais l'avaient, dans les faits, mis hors d'état de commander et de contrôler ses forces.

Alors que les combats faisaient rage, les hélicoptères Apache de l'unité menée par Tess conduisirent de nombreux assauts contre les défenses irakiennes jusqu'à épuisement des munitions et du carburant.

Les combats étaient intenses. Contrairement à la grande majorité de l'armée irakienne, les unités de la Garde Républicaine opposaient une résistance acharnée. Sous le feu nourri du combat, huit des Apaches furent endommagés et retournèrent à la base. Les équipes de réparation ont dû extirper des RPG non explosés de l'enveloppe des hélicoptères. De nombreux pilotes avaient été blessés.

Le commandant Gardner avait réussi à récupérer un Marine blessé, mais le rotor de queue de son hélicoptère avait été frappé par une roquette. Dan avait tenté de maîtriser l’appareil mais celui-ci était entré en vrille et percuta violemment le sol. Le bloc moteur fut propulsé dans le fuselage, tuant sur le coup l'équipe médicale à bord composée de quatre hommes.

Tess et son équipe se posèrent près du Black Hawk en détresse. Un deuxième hélicoptère se maintenait au-dessus d'eux en cas d'assistance. Tess entra immédiatement en action. « Prenez les commandes », dit-elle à son copilote. Une fois au sol, elle sauta et s'élança avec quelques membres de son équipage vers l'hélicoptère en fumée. Ils atteignirent l'appareil endommagé et tentèrent de dégager les victimes.

Sarge déclara : « Les pilotes sont bloqués dans leurs sièges et le cockpit est en feu. Ils semblent avoir perdu connaissance. »

Les sauveteurs attrapèrent des extincteurs de leur propre Black Hawk et essayèrent d'éteindre l'incendie. Le carburant fuyait de partout, les fusées de riposte utilisées en défense commençaient à exploser.

Tess et Sarge réussirent à extraire les deux pilotes inconscients juste avant que les grenades anti-blindage qui se trouvaient à bord n'explosent à leur tour. Tess et ses hommes se baissèrent alors que Sarge découvrit l'artilleur pendant hors de la porte de l'appareil. Le soldat blessé était conscient et en pleine détresse. Il réussit à dire calmement : « Mes bottes et mon harnais m'empêchent de bouger ; mes pieds sont en feu. »

Sarge rampa dans le fuselage en feu pour extraire le soldat gravement brûlé, puis coupa ses bottes pour le libérer. L'artilleur était un grand gaillard. Ils durent s'y mettre à cinq pour le sortir de l'hélicoptère.

Au milieu du chaos, le jeune infirmier spécialisé Dario Moretti vit que Dan Gardner avait subi une blessure grave à la tête et avait du mal à respirer. « Il ne survivra pas. Il ne peut pas respirer. »

Tess courut vers Dan qui se trouvait allongé face contre le sol. « Faites quelque chose, Moretti ! »

Le toubib fouilla dans son sac et en sortit un scalpel. « Je vais tenter une trachéotomie d'urgence, Commandant. » Un autre toubib se précipita pour l'aider. Ils procédèrent rapidement à l'intervention dans un enfer surréaliste de feu, de fumée et d’explosions.

Alors qu'ils transportaient l'homme blessé vers l'hélicoptère pour le ramener à la base, une douzaine d'Irakiens venant de trois directions différentes approchaient en courant. Tess se rendit rapidement compte que son équipage ne pouvait se sortir de là. Elle fit signe à son copilote de décoller sans eux, mais une rafale de mitrailleuse endommagea le moteur de l'hélico. À court d'options, Tess ordonna à l'équipage de se rendre. « Levez vos mains en l'air ; ne leur donnez pas une excuse pour tirer », commanda-t-elle. Les hommes voulaient résister mais Tess vit que ça ne les amènerait qu'à se faire tuer. Elle répéta son ordre.

5 - Capture

Les soldats irakiens firent cercle autour de l’équipage.

Les hommes à bord de l'autre hélico au-dessus d'eux voyaient ce qui se passait mais ils étaient à court de carburant et de munitions. Ils prirent la décision de ne pas intervenir et s'envolèrent pour la base pour monter une opération de sauvetage.

Les Irakiens hurlaient et dirigèrent l'équipage sans ménagement vers un grand bâtiment. Ils mirent les blessés à bord d'un véhicule. Puis ils se mirent à rouer les soldats de coups pour qu'ils avancent. Sarge frappa violemment l'un de ses ravisseurs, qui tomba à terre. Les soldats Irakiens se ruèrent sur lui et lui assénèrent de multiples coups de crosse de leurs fusils.

Le sergent irakien en charge cria à ses hommes. « Arrêtez de battre les Américains. C'est le général qui décidera que faire d'eux. »

Le groupe courut à travers la fumée, la poussière et les explosions, en esquivant des chars et des véhicules en feu jusqu'à ce qu'ils atteignirent une grande propriété dominée par une grande maison.

Les Irakiens poussèrent les prisonniers vers un groupe de bâtiments et conduisirent le véhicule transportant les blessés vers une petite infirmerie. Le Caporal Moretti, infirmier, les convainquit qu'il devait rester avec le blessé. Les ravisseurs emmenèrent le reste des prisonniers vers un bâtiment dont les fenêtres étaient munies de barreaux, apparemment une sorte de prison, et les jetèrent sans ménagement dans une grande cellule. Ils y finirent tous, à l’exception de Tess.

Deux soldats s'emparèrent d'elle et la tinrent à l'écart du reste du groupe de captifs. Ses hommes tentèrent de s'y opposer mais furent frappés de coups de crosse et finirent enfermés dans la cellule.

Tess, les mains liées dans le dos, fut emmenée sans ménagement vers un grand bâtiment. Essayant de rester vigilante, Tess remarqua que l'endroit semblait être une ancienne résidence comme l'attestaient les arches en forme d'ogive à l'entrée ainsi que sur les fenêtres des premier et deuxième niveaux.

L'intérieur était spacieux, le mobilier élégant. De grands tapis avaient été roulés contre les murs. Tess supposa qu'ils avaient été mis de côté pour les préserver du chaos à l'extérieur.

Les soldats irakiens jetèrent Tess à travers une énorme porte ouverte. Ils l'avaient poussée si fort qu'elle trébucha. D'instinct, elle regarda autour d'elle pour évaluer les lieux. Elle avait appris ça à l'entraînement de survie. Sache où tu es. Repère le danger. Trouve les issues. Évalue la situation. Elle se trouvait dans une vaste salle, décorée et haute de plafond, qui pourrait se trouver dans un manoir en Europe, la galerie d'ancêtres accrochée au mur en moins. Un haut-gradé de l'armée irakienne était assis à un bureau, rédigeant des notes, stylo en main.

Les soldats jetèrent Tess au sol et semblaient prêts à poursuivre le mauvais traitement.

« Que faites-vous, bande d'idiots ! Arrêtez les brutalités », dit l'officier en arabe. « Laissez la ici et disparaissez ! » Les soldats s'effacèrent obséquieusement et refermèrent la porte derrière eux.

« S'il vous plaît, approchez. »

Tess ne voyait d'autre choix que d'obtempérer. Son instinct aiguisé de soldat lui dit que résister ne ferait qu'empirer les choses.

Elle se releva avec hésitation et s'avança vers le bureau avec autant d'assurance qu'elle était capable de démontrer. L'officier ne la regardait pas, se donnant l'air occupé et signant des documents. Une fois à quelques pas du bureau, il lui signifia de s'arrêter d'un geste du bras, paume vers l'extérieur. Elle obtempéra, se tenant au garde-à-vous. D'après l'insigne sur son épaule, l'officier était un général de la Garde Républicaine. Il continuait de traiter ses documents, les signant avec un manque délibéré de hâte et ignorant la jeune femme qui se tenait devant lui, décoiffée, en sang et manifestement épuisée.

Après quelques minutes, il leva la tête. « Je suis le Général Amir Alkan al-Saadi. » Jetant un œil sur le nom épinglé sur son uniforme sali, il rajouta nonchalamment : « Et vous êtes le Commandant Turner de l'armée américaine, je vois. » Il se leva et contourna le bureau, se maintenant toutefois à distance. « Et quel est votre prénom ?

— Je suis le Commandant Morgan Theresa Turner, Armée des États-Unis, monsieur », répondit-elle, espérant que sa voix dégageât plus d'assurance qu'elle n'en avait vraiment.

Le Général sembla perplexe. « Votre père ne vous aime sans doute pas. Il vous a donné un nom étrange. Ou peut-être aurait-il préféré un fils, non ? »

Tess se sentit perdre son calme mais elle se contrôla et récita la phrase standard à propos des droits et devoirs de la Convention de Genève.

« J'espère que nous aurons des conversations plus intéressantes », dit le général. « Je suis au fait du Droit International de la Guerre, passons donc ces formalités. » Il parlait un anglais parfait, avec un accent britannique. Tess savait qu'elle avait besoin de temps pour réfléchir et trouver un moyen de sortir de ce guêpier. Elle fit appel à son entraînement. Évalue l'ennemi, trouve ses faiblesses.

Le général, élégant, semblant très sûr de lui et portant une moustache impeccablement entretenue, semblait être en très bonne forme pour un quinquagénaire, contrairement à beaucoup de ses homologues. Ses yeux noirs perçants étaient rivés sur Tess.

« Commandant, vous semblez avoir besoin d'un bain et de vêtements propres, et peut-être quelque chose à manger. Non ? » Le général semblait afficher une sollicitude sincère.

« Monsieur, je voudrais qu'on porte d'abord assistance à mes hommes. Et trois d'entre eux sont blessés et ont besoin de soins médicaux. » L'Irakien leva les sourcils.

« Vos hommes, vous avez dit. Vous écoutent-ils ? Reçoivent-ils leurs ordres d’une femme ? »

Tess se força à rester calme. « Général, vous semblez avoir reçu une instruction occidentale. Vous devriez savoir que les forces de la Coalition acceptent les femmes comme soldats et officiers.

— Ah oui ! Je pensais qu'ils utilisaient les femmes en tant que secrétaires et cuisinières, pas comme pilotes d'hélicoptère ou commandants. Peu importe. En fait, je voudrais en savoir plus sur les femmes guerrières. C'est un concept fascinant. Nous allons aborder la question d’une manière civilisée. Veuillez vous joindre à moi pour le dîner après vous être rafraîchie, comme ils disent. » Tess voyait les problèmes se profiler.

« Général, en tout respect, je tiens à prendre soin de mes hommes en premier. »

Pour la première fois, le Général al-Saadi montra de l'agacement. « On prendra soin de vos hommes après leur interrogatoire. » Au même moment, l'un des hommes de main apparut et chuchota quelque chose à l'oreille du général. L'officier se dirigea vers le bureau, saisit une petite cloche et l'agita brièvement. Immédiatement, une femme attirante apparut, vêtue à l'occidentale d'une longue robe de couleur sombre. « Veillez à ce que le commandant ait accès à un bain et des vêtements. Dites au cuisinier que je veux un dîner pour deux. » Le général retourna à ses papiers sur le bureau, signifiant avec dédain d'un geste de la main qu'il en avait fini avec tout le monde autour de lui.

La femme guida doucement Tess vers une porte latérale de l'immense salle. « Suivez-moi, s'il vous plaît. » Tess poussa un souffle qu'elle n'avait pas eu conscience d'avoir retenu. Elle n'avait pas entendu ce que le laquais avait dit au général pour que celui-ci souhaitât être seul, mais elle espérait trouver un moyen de gagner un peu de temps. La femme l'emmena à une luxueuse chambre à coucher. « Je vous ai préparé un bain, » lui faisant signe vers un endroit devant et sur la gauche. Tess, ressentant maintenant les effets de l'épreuve, courut vers les toilettes et se sentit mal.

'Tess, réfléchis' se dit-elle à elle-même. Toutes ces années d'entraînement et de préparation devaient bien enfin servir à quelque chose.

La femme réapparut avec plusieurs serviettes de bain dans ses bras. Au dehors de la fenêtre, Tess pouvait entendre des quolibets grivois des membres de la garde.

« Chut, je suis Kejal Malek. Nous ne devons pas faire de bruit. » Son anglais n'était que légèrement teinté d'accent.

« Vous parlez anglais ? Où est-ce que je me trouve ? Qui êtes-vous ? Je suis le Commandant Tess...

— Je sais qui vous êtes, Commandant. Je ne suis pas votre ennemie ; je veux vous aider. » Kejal commença à retirer l'uniforme sale de Tess. Tess était si fatiguée qu’elle ne résista pas. Une fois déshabillée, elle se dirigea vers une grande baignoire encastrée, carrelée de dessins géométriques, puis se laissa lentement glisser dans l'eau brûlante. Le plaisir de ce bain était presque inconcevable. Elle s'efforça de ne pas se laisser aller, de penser à ses hommes qui étaient loin de vivre un tel luxe. Encore méfiante de cette femme qui s'occupait d'elle, elle essaya de se renseigner le mieux possible sur l'endroit où elle se trouvait.

« Comment avez-vous appris l'anglais ? J'aurais pu vous prendre pour un interrogateur mais il est rare que ces porcs donnent un rôle si important à une femme.

— Vous avez raison ; ce sont des porcs. Je suis Kurde. Le général m'a amenée ici il y a cinq ans après que ses soldats aient tué mon mari et mes enfants à l'arme chimique. Ne pensez pas un seul instant qu’ils soient autre chose que des assassins. Ils abuseront de vous et si vous avez de la chance, ils vous tueront. Si vous êtes moins chanceuse, ils vous laisseront vivre. » Ce que Tess lut dans son regard lui indiqua que rester en vie n'avait pas été une aubaine pour cette femme.

Kejal quitta la salle de bain, laissant à Tess un peu d'intimité. Sur les bords de la baignoire, divers articles de toilette coûteux avaient été disposés pour elle. Elle s'en servit immédiatement, surtout du shampoing et du gel douche. 'C'est si étrange. Le monde est en flammes, je suis prisonnière et me voilà en train de profiter d'un bain chaud.’ Elle voulait tant s'attarder et se prélasser dans l'eau chaude mais se hâta de finir, prise d'un sentiment d'effroi et de culpabilité.

Elle se leva, et la femme apparut presque instantanément, l'enveloppant d'une grande serviette moelleuse. Au moins, observa Tess, ce n'est pas tout le monde qui est pauvre et grossier dans ce pays. Quelqu'un dans cette maison affectionne les produits de qualité.

« Vous devez vous reposer », suggéra sa gardienne. « J'ai apporté quelques robes, choisissez-en une. Vous trouverez d'excellents produits cosmétiques sur le haut de la commode. Appelez-moi quand vous serez prête. »

Tess inspecta rapidement la luxueuse chambre à coucher qui apparemment appartenait à une riche dame. 'Je me demande qui et où elle est,' murmura-t-elle pour elle-même. Probablement la femme du général.

Elle choisit des sous-vêtements de l'une des commodes, enfila un doux et moelleux peignoir de coton, et poursuivit son inspection. En dépit du luxe, c’était un endroit hautement sécurisé. Il n'y avait qu'une seule sortie, gardée par au moins deux soldats. Toutes les fenêtres avaient des barreaux ornementaux. 'Désolée de le dire mais je suis coincée,' conclut-elle.

Trois robes du soir de haute couture, vraisemblablement française, étaient suspendues. Elles semblaient conçues pour mettre en valeur le corps de celle qui les porterait. Elles étaient à la fois splendides et effrayantes. Une guerre fait rage à l'extérieur et je dois porter une robe de soirée. Mon Dieu, quelle est cette folie ?

Son énergie déclinait rapidement ; elle mordit avidement dans une pomme qu'elle prit dans un panier de fruits. Elle se sentit un peu mieux après quelques minutes ; rien de tel que du fructose pour vous requinquer. Ne voyant aucun moyen de sortir, elle prit le conseil de Kejal et s'allongea sur l'un des somptueux canapés. Elle ferma les yeux et aurait bien aimé dormir un peu, mais elle n'osa pas. Malgré tout et contre son gré, l'épuisement l'emporta et elle s'assoupit.

Kejal la réveilla doucement. Tess sauta sur ses pieds, se mettant par réflexe en position de défense.