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Pièces choisies
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Pièces choisies

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Pi?ces choisies
Valentin Krasnogorov

Pi?ces de Valentin Krasnogorov, mises en sc?ne dans plus de 400 thе?tres de nombreux pays, ont еtе chaleureusement accueillies par les critiques et les spectateurs. Le livre de l’еcrivain “Quatre murs et une passion” sur l’essence du drame a mеritе les еloges de personnalitеs en vue du thе?tre. Des rеalisateurs exceptionnels, tels que Gueorgui Tovstonogov, Lev Dodine et Roman Viktiuk ont travaillе sur la mise en sc?ne de ses pi?ces.

Valentin Krasnogorov

Pi?ces choisies

Traduit du russe par Daniel Mеrino

Rencontre facile

Легкое знакомство

La pi?ce en deux actes

? PROPOS

Une rencontre entre un homme et une femme a lieu dans le restaurant d’un h?tel, tard le soir. Notons que c’est la femme qui a pris l’initiative de cette rencontre. Il est tr?s difficile de comprendre qui est cette еtrange inconnue : belle de nuit ou aventuri?re raffinеe ? L’homme n’arrive pas ? savoir s’il lui pla?t, si elle joue avec lui ou si elle propose simplement une relation vеnale. Le duel verbal que se livrent ces deux personnages refl?te une attirance et une rеpulsion mutuelles, leur solitude et leur effort pour la surmonter, le dеsir et la crainte de l’amour. 1 r?le masculin, 1 r?le fеminin

Personnages :

Lui

Elle

ACTE I

La salle de restaurant d’un h?tel, tard dans la soirеe. Le restaurant est presque vide. Un homme d’?ge moyen ach?ve tranquillement son repas, tout en lisant distraitement un manuscrit.

Un peu plus loin, ? une distance de quelques tables, est assise une femme d’une tre_uteau. La femme, de l’air de quelqu’un qui a pris une dеcision, se l?ve et s’approche de la table de l’homme.

ELLE. Excusez-moi, la place est libre?

L’homme l?ve la t?te, puis parcourt du regard la salle vide et regarde la femme avec еtonnement.

ELLE. Je demande si la place est libre.

LUI. Oui, elle est libre.

ELLE. Je peux m’asseoir sur cette chaise?

LUI. (dеbarrassant sans trop d’entrain son porte-documents de la chaise). Oui, je vous en prie.

La femme s’assoit. L’homme se plonge ostensiblement dans la lecture, faisant des annotations. La femme suspend son sac au dossier de sa chaise, arrange sa coiffure et s’installe confortablement. On sent qu’elle s’appr?te ? rester longtemps.

ELLE. Excusez-moi, avez-vous des allumettes?

LUI. (interrompant sa lecture). Pardon?

ELLE. Je demande, si vous avez des allumettes ou un briquet.

LUI. Je ne fume pas.

ELLE. Vous prenez soin de votre santе?

LUI. Je ne fume pas, tout bonnement.

ELLE.Et vous faites bien. Moi non plus je ne fume pas.

LUI.Pourquoi, alors, demander des allumettes?

ELLE. Je n’en ai pas demandе. Je voulais simplement savoir si vous en aviez ou pas.

LUI. Admettons, que je n’en aie pas. Et alors?

ELLE. Rien.

LUI. Et si j’en ai?

ELLE. Rien, non plus.

LUI. Une manCuvre pour engager la conversation?

ELLE. Peut-?tre.

LUI. Considеrez qu’elle a еchouе.

ELLE. Il est d’usage de considеrer, je ne sais d’ailleurs pas pourquoi, qu’il revient ? l’homme d’engager la conversation.

LUI. S’il le veut.

ELLE. Et vous ne voulez pas?

LUI. Et je ne veux pas.

ELLE. Bon, alors restons sans parler.

L’homme s’efforce ? nouveau de lire le manuscrit. La femme, silencieuse, continue de le regarder.

LUI. (se dеtachant avec agacement de sa lecture). Pourquoi me fixez-vous du regard? Que vous faut-il?

ELLE. Rien. Peut-?tre, vous taquiner un peu.

LUI. Pourquoi?

ELLE. Je ne sais pas. Sans doute, l’ennui.

LUI. Allez vous distraire ailleurs.

ELLE. Vous ne vous ennuyez pas? Vous ne faites que passer dans cette ville qui vous est еtrang?re et o? vous n’avez rien ? faire…

LUI. Pourquoi avez-vous dеcidе que je ne fais que passer?

ELLE. Qui d’autre peut rester tard le soir dans un restaurant d’h?tel, seul avec un porte-documents, ? lire un document assommant?

LUI. Et vous me proposez de me divertir?

Elle ne rеpond pas. Pour la premi?re fois, il jette sur elle un regard attentif, la jaugeant de la t?te aux pieds.

ELLE. (Suivant son regard, elle se redresse, ajuste les еpaules et demande, lеg?rement ironique, tout en esquissant une pose :). Eh bien, cela vous pla?t?

LUI. (avouant malgrе lui). Pas mal.

ELLE. Merci. Bon, nous pourrions, peut-?tre, faire enfin connaissance?

LUI. Je vous remercie pour cette proposition mais je ne cours pas apr?s les rencontres faciles.

ELLE. Et pourquoi avez-vous dеcidе que faire connaissance avec moi sera facile? Je vous promets que cela sera difficile.

LUI. Cela n’aura pas lieu du tout.

ELLE. Cependant, cela est dеj? en cours.

LUI. Pas du tout. Je ne vous connais pas et ne veux pas vous conna?tre.

ELLE. Pourquoi ce ton cassant?

LUI. Pour mettre sans attendre les points sur les i. Va aguicher un autre homme. (D’un geste dеcidе, il range le manuscrit dans le porte-documents.)

ELLE. Et si je veux vous aguicher, vous, prеcisеment?

LUI. Ne perds pas ton temps, ?a ne marchera pas. Les liaisons fortuites, ce n’est pas mon style. De plus, j’aime ma femme.

ELLE. (avec un еtonnement jouе). Que dites-vous? Un homme loge ? l’h?tel et avoue ? une femme qu’il est mariе! Et qu’il aime sa femme! Rare exemple de sincеritе et d’honn?tetе.

LUI. Quoi qu’il en soit, je suis mariе, et finissons-en.

ELLE. En quoi est-ce g?nant? Ai-je seulement insinuе que vous deviez m’еpouser?

LUI. Pour l’instant non, mais ? en juger par ta rapiditе, peut-?tre ne vas-tu pas tarder ? y faire allusion. (Son regard fait le tour de la salle.) O? est passе ce foutu gar?on?

ELLE. (s’asseyant plus confortablement). Je sens que vous n’?tes pas s?r de votre fermetе et c’est pourquoi vous me chassez.

LUI. Еcoutez, ?a commence ? m’agacer. Vous avez l? plein de tables libres. Pourquoi ?tes-vous venue vous asseoir justement ? c?tе de moi?

ELLE. Parce que j’en ai eu envie.

LUI. Je vois que tu ne l?cheras pas comme ?a, aussi mettons les choses au clair : je ne me compromets pas avec les filles des rues. Tu n’as aucune chance.

ELLE. Vous prеfеrez, bien s?r, les honn?tes filles.

LUI. ?a va de soi.

ELLE. Et qu’est-ce que c’est, selon vous, une femme des rues?

LUI. Celle qui fait commerce de son amour.

ELLE. C’est donc par еconomie que vous prеfеrez les honn?tes filles?

LUI. Ne me provoque pas.

ELLE. Entendu. Donc, selon vous, je suis une fille des rues?

LUI. Quoi d’autre?

ELLE. Est-ce que je vous racole dans la rue?

LUI. Dans la rue, au restaurant, quelle diffеrence? Ce qui compte, c’est l’argent.

ELLE. Je vous ai demandе de l’argent?

LUI. (de mauvais grе). Pas encore.

ELLE. Dites, et si une femme trompe son mari gratuitement, elle est honn?te?

LUI. (ne sachant que rеpondre). L?che-moi.

ELLE. Et si je passe la nuit avec vous sans me faire payer, je serai une fille honn?te?

LUI. Je t’ai dit de me l?cher.

ELLE. En somme, vous me repoussez.

LUI. Oui.

ELLE. Pourquoi?

LUI. Je crains qu’apr?s cette nuit enflammеe je doive aller chez le mеdecin et alors elle deviendra effectivement inoubliable.

ELLE. Vous le craignez rеellement ou vous vouliez simplement m’insulter?

LUI. Je le crains rеellement.

ELLE. Et moi qui croyais que c’еtait l’honn?tetе qui vous retenait de la tentation.

LUI. Et aussi l’honn?tetе.

ELLE. C’est tr?s louable. Comme l’еcrivait dеj? Horace : «Fuis toutes les jouissances car la jouissance est au prix de la souffrance».