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Exhumation Du Roi Fae
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Exhumation Du Roi Fae

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CHAPITRE II

L’estomac noué, Maurelle s’attardait dans la salle de bain au cas où le reste du petit déjeuner qu’elle était parvenue à avaler ressurgirait. Elle ouvrit la fenêtre, et elle apprécia la brise d’automne qui traversait la petite pièce. L’air frais la remplissait d’une énergie qu’elle ne saisissait pas pleinement, mais qu’elle aimait néanmoins.

Elle appuya ses mains sur le lavabo, et grimaça devant les cernes sombres sous ses yeux gris et le désordre dans ses cheveux roses, graisseux et emmêlés. Elle ne ressemblait en rien à la Fae vibrante qu’elle était d’habitude. Même les nuances rose et turquoise de ses ailes pâlissaient.

Son pouvoir s’était manifesté un an auparavant. Depuis, elle restait confinée à la maison. La couleur vive de ses ailes ne laissait pas la moindre équivoque. Même si leur illumination était ternie en ce moment, elle ne pouvait pas risquer de s’aventurer hors du minuscule appartement familial. Elle n’avait évidemment pas terminé sa transition. Elle aurait dû accomplir son devoir et se présenter à l’Académie de Bramble’s Edge.

« Tu as bientôt fini là-dedans ? cria sa sœur, Nyx, à travers la porte pendant qu’elle tambourinait contre le bois. Je dois me coiffer pour aller déjeuner avec Alek. »

Maurelle roula des yeux en mesurant l’urgence de sa sœur. Elle regretta aussitôt ce mouvement quand la douleur martela l’arrière de sa tête. Tout représentait une urgence pour ses sœurs cadettes, mais surtout pour Nyx. Elle avait quatre ans de moins que Maurelle. Mais, elle se rappelait de l’importance d’un déjeuner avec un mâle charmant à dix-huit ans.

« J’ai fini, croassa Maurelle en ouvrant la porte.

— Beurk. Ne t’approche pas ! On dirait que la Peridun de la dixième rue t’a jeté un sort. Je ne veux pas contracter ta maladie, l’informa Nyx en sautillant loin, hors d’atteinte.

— Merci, Nyx. Moi aussi, je t’aime », marmonna Maurelle.

Elle descendit le couloir étroit. Pour la centième fois cette année, Maurelle se sentait reconnaissante envers son père d’exercer un métier si prestigieux dans l’Edge.

Techniquement, il travaillait à Furness, la zone humaine à l’extérieur des bidonvilles de l’Edge où vivait la classe moyenne. Même les plus pauvres de Furness menaient une vie bien meilleure que n’importe quel Fae. Ils éprouvaient une complète indifférence du destin réservé aux Fae. L’Edge était séparée par des ronces si épaisses que la plupart des Fae ne pouvaient pas s’y faufiler. Cette barrière naturelle favorisait leur insensibilité.

Elle aimerait tellement qu’une place lui soit offerte pour son talent à Furness, ou même à Dornwich. Malheureusement, jamais son père ne recevrait une boutique dans la section d’élite de Dornwich. Dans l’opulence, les horloges et les humains affectionnaient particulièrement les montres de son père, pourtant jamais ils ne voudraient le voir travailler dans leur voisinage.

Les revenus de son père leur permettaient de vivre à proximité de Furness, où ils profitaient d’une vue parfaite sur la section humaine loin derrière les ronces. Le contraste entre les niveaux de vie lui brisait le cœur. Les hommes vivaient dans des maisons bien entretenues, la majorité vivait même dans des maisons individuelles. Les Fae eux s’entassaient dans des bâtiments en ruine qu’ils ne parvenaient pas à réparer ou à conserver, même avec l’utilisation de leur magie. Ils déployaient tous leurs efforts pour l’Edge. Les humains aimaient leurs espaces de vie soigneusement entretenus, les Fae préféraient garder un côté sauvage. Leurs rues de pierre lisse paraissaient austères et sans attrait pour Maurelle.

Les Fae ne possédaient peut-être pas de biens matériels, mais tous ajoutaient une dose de magie pour tapisser les pierres des rues avec de l’herbe et des fleurs et pour améliorer l’attrait du sol. Les aînés comme sa mère, une Fae de la terre, utilisaient leurs talents pour encourager les vignes à pousser et consolider les murs des pires bâtiments.

Occasionnellement, les humains éliminaient l’herbe et les fleurs et abattaient les vignes. Maurelle pensait qu’ils ne voulaient pas leur permettre de s’installer trop confortablement. Elle s’arrêta près de la porte ouverte de sa chambre et envisagea de s’allonger. Erlina écoutait de la musique sur son lit, alors Maurelle continua vers le salon.

Sa mère leva les yeux et lui sourit.

« Hey chérie ! Comment te sens-tu ?

— Pas terrible, répondit Maurelle. Entre mon ventre et ma tête, je rêve de me rouler en boule et de disparaître.

— Je t’ai préparé du thé au gingembre. Je peux courir chercher de la grande camomille pour soulager tes maux de tête. »

L’apothicaire se trouvait à deux pas, mais Maurelle détestait l’idée de devenir un fardeau supplémentaire.

Elle se dirigea vers le canapé en secouant la tête. « Ça va aller, maman. Le thé au gingembre sera parfait. »

Elle ne pouvait pas quitter la maison maintenant qu’elle avait commencé sa transition, sinon, elle serait traînée de force à l’Académie. Ses parents avaient tous deux fréquenté l’Institut lorsqu’ils avaient acquis leur pouvoir. Mais, lorsque les humains avaient pris le relais, l’Académie avait bien changé.

Sa mère et son père disaient que les Fae n’étaient pas les mêmes à leur sortie de leurs études. Ils ne pouvaient pas lui expliquer, mais ils refusaient qu’elle serve les humains et qu’elle réprime ses semblables Fae.

Assise sur le canapé, Maurelle se remit à gronder seule dans son coin. L’instant suivant, sa mère lui apporta le thé. « Merci, maman », exprima-t-elle en savourant le liquide chaud. Grâce à la tasse de thé, elle pouvait maintenant ignorer son mal-être facilement.

L’année dernière, des visions du passé la bombardaient dès qu’elle touchait le moindre objet. Jusqu’à présent, seule sa capacité de psychométrie s’était manifestée. Elle accueillait ses limites avec gratitudes. Elle n’arrivait pas à s’imaginer devoir gérer plusieurs facultés en même temps.

En parlant de situation gênante, pensa-t-elle… En allant vers le réfrigérateur pour prendre un verre, elle avait vu son père embrasser sa mère. Ses ailes s’étaient inondées de couleurs et l’électricité avait envahi son système. Aucun enfant ne veut voir son père esquisser des gestes intimes à l’attention de sa mère.

Un coup à la porte interrompit les rêveries de Maurelle. Elle pensait qu’Alek se trouvait là, pour venir chercher Nyx, alors elle continua de savourer son thé. Sa tête pivota au son de voix de mâles énervés.

« Votre fille viendra avec nous ! » informa un mâle à sa mère.

Le pire cauchemar de Maurelle se déroulait sous ses yeux. Pour la première fois de sa vie, elle aurait souhaité avoir accès à la technologie et posséder des appareils de communication pour appeler son père. En regardant le Fae aux cheveux auburn venu pour la récupérer, une seule pensée traversa l’esprit de Maurelle : courir.

Elle n’avait aucune idée d’où elle irait réellement si elle réussissait à s’enfuir. Tous les Fae avaient entendu des rumeurs sur le souterrain, mais elle ne savait pas où il se trouvait ou qui l’y emmènerait. En dehors de Bramble’s Edge et des établissements humains, le néant s’étendait à l’infini.

« Vous ne pouvez pas l’emmener. Elle est malade, elle ne peut pas aller à l’Académie maintenant », essaya de raisonner sa mère avec l’officier.

Nyx et Erlina se précipitèrent dans le couloir et s’arrêtèrent net en voyant les officiers. Leurs yeux vert pâle identiques croisèrent le regard de Maurelle qui trahissait la terreur qui l’habitait.

« Demi-tour, leur lâcha-t-elle en leur adressant un geste de la main.

— La maladie ne la dispense pas d’aller à l’Académie. Elle doit venir avec nous sur le champ ! » exigea le même officier.

Maurelle jeta sa tasse de thé en direction du mâle et partit dans le couloir. À son passage, Nyx et Erlina s’écartèrent de son chemin. Maurelle continua vers la chambre de ses parents, et saisit une paire de chaussures de sa mère.

Un cri lui fit tourner la tête juste à temps, ses sœurs se tenaient au milieu du couloir. Nyx perfectionna son regard de snobinarde attitré, croisa les bras sur sa poitrine et lança un regard noir. « Laisse ma sœur tranquille ! »

Maurelle avait ébauché un sourire en voyant Nyx placer ses mains pour relever ses seins vers l’avant. Cette technique de distraction échouait rarement, surtout avec les mâles Fae. Les Fae étaient une espèce lascive.

Ses parents de Maurelle n’avaient jamais évoqué le sujet avec elle, mais ils n’en avaient pas besoin. Son désir rageur lui suffisait pour comprendre l’importance du sexe dans sa vie. Nyx entamait cette étape, ce qui expliquait son impatience de déjeuner avec Alex.

Les exutoires sexuels adoucissaient les Fae et les aidaient à rester équilibrés. Maurelle suspectait que son manque de partenaires était responsable de sa maladie. Aucun exutoire ne parviendrait à rivaliser avec ces pouvoirs. Ils aidaient à se défouler.

Elle resta bouche bée en voyant l’indifférence de l’officier Fae devant les attraits de Nyx. Sans lui prêter la moindre attention, le mâle écarta sa sœur hors de son chemin. Maurelle se détourna de la fenêtre et jeta une chaussure à sa tête. Erlina commença à pleurer et s’appuya contre le mur en face de Nyx.

Avec tout ce mouvement, la tête de Maurelle palpitait, son estomac vacillait, la bile lui remontait dans la gorge. Elle se précipita vers le mâle. Elle entendait sa mère se disputer avec l’autre mâle dans le salon, mais elle devait se concentrer sur celui qui la poursuivait dans la chambre de ses parents.

Son visage affichait un regard furieux. Elle l’esquiva et courut de l’autre côté du grand lit pour le maintenir à distance. « Tu ne nous échapperas pas. Laisse tomber maintenant et tout se passera mieux pour toi. »

Elle secoua la tête et chercha un moyen de sortir de ce chaos. Si elle parvenait à atteindre la fenêtre, elle pourrait s’envoler. Elle doutait de ses capacités à tenir la distance avec le martèlement dans sa tête et son estomac détraqué, mais elle n’abandonnerait pas maintenant.

Le mâle s’accrocha à ses jambes, elle sauta et lâcha un cri sous la douleur intense. D’instinct, elle donna un coup de pied au Fae. Le spectacle devait paraître comique ! Ses bras se débattaient en l’air. Ses cheveux emmêlés virevoltaient autour de son visage.

Le pied de Maurelle percuta la tête du mâle. Elle se replia, continua son agression bâclée, et attrapa ses cheveux. Le bras du Fae s’écrasa contre sa poitrine et l’envoya voler à l’autre bout de la pièce.

Elle emboutit la commode avec une force qui dépassait tout ce qu’elle aurait cru possible. Sa main envoya les bibelots en verre de sa mère au sol dans un cliquetis bruyant. Au bruit et à la façon dont les petits objets se brisèrent sous l’impact avec le parquet, elle esquissa une grimace.

« Maurelle », cria Nyx.

Maurelle leva la tête pour voir le Fae sauter par-dessus le lit et atterrir à côté d’elle. Il passa la main dans son dos et sortit une boucle argentée. L’électricité jaillit de l’objet, sa bouche s’assécha aussitôt.

Son combat reprit quand elle commença à se tortiller et à jouer des coudes. Elle caressait l’espoir de lui casser le nez. Le bras du mâle autour de sa taille appuyait fort sur son ventre, elle craignait de vomir.

De sa main libre, il porta l’objet argenté à sa bouche et murmura un mot qui le fit vibrer. Sans qu’elle ait le temps de réaliser ce qui se passait, il l’avait frappée sur le côté. Le métal changea de forme et s’enroula à mi-torse.

Avec son sortilège, il avait espéré le verrouiller sur une autre partie de son corps. Ses ailes restaient libres, tout comme ses mains. Elle saisit le métal avec l’intention de retirer le dispositif d’attache.

À l’instant même où sa main agrippa l’objet, la chambre de ses parents et le Fae au-dessus d’elle disparurent. Comme chaque fois qu’elle utilisait ses pouvoirs, elle ne pouvait se concentrer sur rien. Cela dura pendant quelques secondes.

Sa vision s’éclaircissait ne laissant pour seul souvenir que l’impression générale gravée dans sa mémoire. Peu importe ce que l’autre côté toujours inconnu lui réservait, il avait éveillé une bonne dose de peur et de détermination.

Maurelle supposait qu’elle aurait dû prévoir la situation, tout bien considéré l’arme était maniée par un collecteur. Les collecteurs étaient peut-être Fae, mais elle réalisait très clairement qu’ils ne ressentaient pas la moindre empathie et masquaient toute identité individuelle.

Ses interrogations au sujet de l’Académie lui provoquaient déjà une angoisse insupportable. Elle refusait de voir sa personnalité s’effacer si profondément. Ses parents avaient souvent décrit leur séjour à l’université, mais elle avait la certitude que l’institution suivait une ligne directrice entièrement différente maintenant.

Lorsque le brouillard se dissipa dans son esprit, elle aperçut le plus beau mâle Fae qu’elle ait jamais vu. Sa longue période d’âpreté et son besoin sexuel accru sublimisaient-ils sa vision du mâle ?

Non, décida-t-elle en apercevant ses traits nets et ses magnifiques yeux vert profond, ses cheveux noirs en désordre, sa petite frange sur son front.

Son air de détermination faisait écho à son propre ressenti au moment où les policiers étaient apparus chez elle. Son cœur s’accéléra quand il grommela et s’envola dans les airs à toute vitesse. Elle voulait crier, l’avertir.

Les mains attachées, il ne pourrait pas parcourir de grandes distances. Le même dispositif d’attache étincelait autour de sa taille, elle réalisa qu’ils l’avaient utilisé sur lui en dernier.

Alors qu’il s’éloignait des Fae qui l’attaquaient, la gorge de Maurelle se serrait. S’il réussissait à s’échapper, alors l’appareil se détacherait d’elle. La trajectoire de son vol vacilla lorsqu’il regarda le mâle qui le poursuivait dans le ciel.

Quand l’océan apparut sous ses yeux, Maurelle retint son souffle. Ses parents lui avaient donné une description fidèle de l’Académie. Une végétation luxuriante ceinturait les grands bâtiments de pierre, des ronces d’un côté et l’océan à l’arrière.

La profusion d’étincelles l’obligea à détourner la tête. Son regard se déplaça à temps pour voir le mâle séduisant s’écraser contre une barrière invisible dans le ciel. Personne n’avait clairement expliqué à Maurelle ce qui se passerait si elle essayait de s’envoler. Elle savait tout simplement qu’elle le regretterait.

Elle contempla l’aile du beau Fae qui s’illuminait comme si la foudre l’avait frappée. En un éclair, il s’effondra au sol. Elle vomit à la vue de la scène. Elle regarda, les yeux grands ouverts. Son cœur se mit à battre la chamade quand il toucha le sol.

À son atterrissage, elle aurait juré que l’impact avait secoué la terre. Son aile était pliée derrière son dos et il saignait. La scène était effroyable, elle doutait que le mâle se remette un jour.

Avec deux officiers venus pour elle dans sa maison, Maurelle ne voulait pas se montrer si vulnérable. Elle força son esprit à quitter la vision et elle se concentra sur elle-même. Une pioche fendit sa tête et la bile remplit ses narines.

Elle parvenait à peine à ouvrir les yeux, comme s’ils restaient collés, les paupières fermées. Quand elle y parvint, le mâle aux cheveux auburn la soulevait du sol. Il la tenait par le col et par un bras.

Ses sœurs en larmes se blottissaient l’une contre l’autre. Maurelle bascula avec l’officier qui la tenait. Une fois sortie de ses visions, sa désorientation dura plus longtemps que la normale. Elle ne savait pas si cet égarement était provoqué par l’entrave ou par sa maladie.

Elle entendait sa mère supplier les collecteurs de la laisser partir, mais l’autre mâle refusait d’écouter. « Vas-tu coopérer maintenant ? »

Maurelle essaya de se libérer de la poigne de fer de l’officier sur son bras, mais la main figée sur le côté refusa de décoller et la rappela à l’ordre. Après un coup d’œil rapide, elle découvrit que les menottes s’incrustaient pratiquement à ses poignets.

« Non. Tu ne peux pas emmener ma fille », sanglota sa mère alors qu’il la traînait dans la maison. Elle se précipita vers le mâle qui tenait Maurelle. Le temps ralentit encore.

À la seconde où sa mère essaya de l’atteindre, l’autre mâle souleva un long bâton noir et lisse et frappa. Le bâton heurta son crâne avec un bruit sourd. Ses sœurs crièrent avec elle, la tête de leur mère vola sur le côté et son sang éclaboussa le mur.

« Qu’est-ce que tu as fait ? » aboya l’officier qui la tenait.

Ils nageaient tous en plein cauchemar, pensa Maurelle en regardant le corps meurtri de sa mère s’effondrer au sol. Son crâne en partie arraché, ses yeux bruns vides regardaient le néant.

« Maman », cria-t-elle. Son estomac se révoltait devant cette vision. Le thé qu’elle venait de boire remonta précipitamment, puis jaillit de sa bouche et de son nez. Maurelle essaya de voir si la poitrine de sa mère montait et descendait, mais elle fut hissée vers la porte avant de pouvoir établir un diagnostic.

« Allez chercher papa », cria-t-elle à ses sœurs. L’officier la poussait dans les escaliers. Le soleil brillant se moquait du chagrin qui crevait sa poitrine. Le Fae la conduisit vers un chariot, il la maintenait sur le ventre. Puis il pressa un disque contre le dos de sa manille et les chaînes tombèrent avec un son mat. Elle devait absolument se procurer une clé pour les menottes.

Rapidement, elle se remit debout et essaya de se précipiter pour rejoindre son père. Alors que la porte se refermait derrière elle, Maurelle regarda en arrière et vit ses sœurs blotties dans l’embrasure de porte de l’appartement qu’elles appelaient leur « maison ». Elle devait nager en plein cauchemar.

Son cœur se brisa en un million de morceaux, elle donna un coup de pied dans les barreaux qui la séparaient de ses sœurs. Elle ne pourrait pas réconforter son père ou l’aider à apaiser Nyx ou Erlina.

Ses doigts agrippèrent les barreaux. Elle hurlait vers qui voulait l’entendre pendant que les collecteurs la transportaient. Pour la première fois depuis la manifestation de ses pouvoirs, elle ne se trouvait pas projetée dans une vision.

La réalité de la vie avait l’ascendant sur son âme battue et refusait de lâcher prise. Ils avaient impitoyablement tué sa mère parce qu’elle s’opposait à envoyer Maurelle dans leur stupide académie. Comment pouvait-elle continuer quand sa douce et aimante mère était partie ? Elle n’avait même pas pu lui dire au revoir ni aider à envoyer son esprit vers l’au-delà.

Elle ne devrait pas se montrer aussi surprise compte tenu de la torture dont elle avait été témoin dans sa dernière vision. Quiconque permettait de pareilles horreurs se moquait éperdument des blessures causées par l’exercice de leur domination et de leur pouvoir.

CHAPITRE III

L’inflammation à l’épaule de Ryker provoqua une agonie atroce pendant qu’il scannait les images lumineuses sur la table devant lui. Il ne pouvait pas soulever son mauvais bras sans provoquer une douleur atroce. Depuis qu’il avait repris connaissance à l’infirmerie de l’Académie, il vivait bien mieux qu’il ne l’avait espéré.

Il trouvait réconfortant de voir que les humains n’avaient pas commencé un procédé diabolique dès sa première seconde à l’académie. Honnêtement, il était surpris de voir à quel point tout semblait normal. Dans leur jeune âge, tous les enfants Fae fréquentaient l’école pendant plusieurs années. Ils y apprenaient à lire, à écrire et ils découvraient tout ce qu’on enseigne à l’école.

Historiquement parlant, l’Académie de Bramble’s Edge aidait les Fae à affiner leurs pouvoirs tandis qu’ils devenaient de jeunes adultes. Elle mettait l’accent sur le contrôle des capacités de chacun plutôt que sur l’éducation formelle. L’apprentissage de la maîtrise des pouvoirs représentait peut-être réellement son seul objectif maintenant.

Rien de suspect ou d’infâme ne s’était produit depuis son arrivée. Ryker se sentait contraint de remettre en question ce qu’il avait entendu dire pendant son enfance, en particulier les propos de sa mère. Elle lui avait décrit les humains comme des créatures maléfiques déterminées à garder le contrôle de leur royaume.

En réalité, les Fae qui dirigeaient l’école n’assuraient peut-être pas de missions pour les humains. À en juger par la façon dont ils le traitaient, il ne pouvait s’empêcher d’envisager cette probabilité. Le guérisseur avait passé plusieurs jours à réparer son aile centimètre par centimètre, afin qu’il puisse finalement voler à nouveau.

Si l’Académie voulait le contrôler, l’asservir en esclavage, personne n’aurait pris autant de soin à guérir ses blessures. Il revoyait sa mère lui conseiller de ne faire confiance à personne, de garder la tête baissée et de rester loin des projecteurs.

Il accomplirait son temps à l’Académie sans se faire remarquer. Voilà son plan ! Il devrait se soumettre à une évaluation pour déterminer ses capacités et la source de son affinité. Un de ses camarades de dortoir appartenait à la ligue Fae de la terre, un autre à la ligue de l’eau, et un troisième avait révélé une affinité pour deux éléments.

Ryker trouvait ça inouï ! D’après ses connaissances, seuls de rares Fae s’alignaient sur plusieurs éléments, et lorsque cela arrivait généralement ces éléments se complétaient. Sans savoir pourquoi, il espérait maîtriser plusieurs éléments.

Il n’avait pourtant aucune idée des implications pratiques qui en découleraient pour lui. D’après Sol, il devrait assister à des séminaires et à des séances d’entraînement supplémentaires. Ryker aimait avoir du temps libre pour jouer à la balle au cerceau. Sol quant à lui se montrait très occupé en ce moment.

Ryker choisit sa nourriture, se tourna et scruta le réfectoire. Il n’avait jamais vu un endroit comme l’Académie de Bramble’s Edge. La taille des dortoirs dépassait largement celle de l’appartement qu’il partageait avec sa mère, et la cafétéria était immense. D’innombrables tables et tabourets remplissaient la pièce. Les Fae n’étaient pas autorisés à utiliser la technologie. Il fut donc surpris d’avoir recours à des images sur la table pour commander leur nourriture. Chaque fois qu’il touchait le bouton, il ressentait un picotement spécifique.

Ses camarades de dortoir lui avaient expliqué que les sélections du menu leur étaient apportées rapidement après avoir touché le bouton marqué du logo de l’école correspondant. Ryker avait toujours aimé le symbole de l’Académie. Ces lettres « BE » entourées par le buisson de ronces épineuses se connectaient à son âme. Tout dans l’Edge suscitait ses émotions intérieures.

Après les encouragements de sa mère à fuir avant d’être recueilli, Ryker s’attendait à tout détester de l’Académie. Mais non, il ne détestait pas tout. En fait, il aimait même de nombreux aspects de l’établissement. Les murs de pierre des vieux bâtiments imprégnés de magie Fae semblaient l’accueillir avec joie. Oui, il réalisait que sa pensée était folle, mais il ne pouvait pas résister à son ressenti.

Les salles de classe et les champs d’entraînement étaient aussi extrêmement différents de son ancienne école. Ils disposaient de larges espaces pour s’entraîner et apprendre, des étendues largement supérieures. Dans son enfance, il allait dans une petite maison d’éducation qui desservait uniquement les complexes d’appartements de sa rue. Les locaux de son école primaire se situaient au deuxième étage au-dessus de la boulangerie et ils déjeunaient dans leurs salles de classe.

La nourriture à l’Académie rivalisait également avec les recettes de sa mère. Elle n’était peut-être pas la meilleure cuisinière de l’Edge, mais elle s’en rapprochait terriblement. La vaste sélection comprenait toujours un ragoût quelconque, parfait pour leur climat froid.

À Mag Mell, le temps était rarement chaud et il pleuvait fréquemment, alors Ryker préférait manger des repas copieux. Dans l’Edge, ils trouvaient difficilement des fruits et des légumes frais, mais l’Académie ne semblait pas avoir ce problème.

Ryker ne savait pas trop à quoi s’attendre la première fois qu’il avait pu quitter l’infirmerie pour prendre un repas dans le réfectoire. Il n’avait pas imaginé les dizaines de choix alimentaires qui se présenteraient à lui, son régime pendant son séjour à l’infirmerie le nourrissait certes, mais il restait insipide.

Il repensait à la manière dont sa mère décrivait les horreurs de l’Académie et s’attendait à recevoir une nourriture mystérieuse et sans choix. Cet environnement ne cadrait décidément pas avec sa conception préconçue du lieu.

De vraies plantes vivantes ornaient les coins de la pièce. Des fenêtres du sol au plafond leur offraient une vue sur l’océan au loin. La vue elle-même dégageait la sérénité.

Le lieu était tellement magique. Comment pouvait-il se trouver au mauvais endroit ?