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"Comment les bâtisseurs ont su combien de Chiddari il y aurait ?" demanda Oriken. "On dirait que toutes ces alcôves abritent des tombes. Leur hypothèse a été bien menée."
"Je pense que seules les personnes importantes ont leur place dans le caveau familial. Les autres sont probablement enterrés au dehors. Et si on prenait le temps d'inspecter chacune des alcôves, on découvrirait peut-être qu'elles ne sont pas toutes occupées, mais simplement réservées."
Dagra bougonna. "C'est dommage que la vieille Cunaxa n'ait pas été la dernière a être enterrée ici. Ça nous aurait évité de traverser toute la longueur de ce maudit endroit."
"Mais je suppose que si elle avait vraiment été enterrée tout proche de l'entrée," dit Oriken, "elle ne serait pas celle qui veille sur le joyau, non ?"
Dagra lui lança un regard glacial avant de reporter son attention sur le joyau. Il montra du doigt un groupe de symboles sculptés dans l'inscription qui entourait le joyau. "Voilà quelques unes des runes qui t'intéressent, Jalis. Comme celles sur mon épée." Il porta la grande lame de son glaive sous la lumière de la lampe, montrant les inscriptions obscures qui couraient sur sa longueur. "Attik quelque chose, non ?"
"Antik rukhir." L'accent sardayen de Jalis donnaient à ces mots un ton mystique, accentuant le k à la fin d'antik d'un claquement sec de la langue et roulant le r à la fin de rukhir. Elle se pencha pour observer les runes de plus près. "Le langage de l'Ère Ombrale ne cessera jamais de m'étonner. Il y a eu tant de variations régionales qui semblent avoir évolué complètement séparément l'une de l'autre et pourtant elles ont toutes maintenu des éléments communs reconnaissables. On parle là d'il y a des milliers d'années, avant que les premières chaloupes n'aient traversé le Détroit de Feu, pourtant antik rukhir était aussi répandu en Himaera que sur le continent de Sosarran. Et ça date d'avant toutes les anciennes tribus."
Oriken haussa les épaules. "Qui s'en soucie ? C'est ce que j'avais dit quand tu as vu les runes sur l'épée de Dagra la première fois. Bien sûr, c'est une arme singulière, mais pourquoi s'exciter à propos d'une langue morte ?"
"Je me demande quel trésor est le plus grand," soupira Jalis avec un sourire sarcastique. "Le joyau ou ta perspicacité légendaire."
"Tout ce que je dis, c'est qu'on a le joyau et qu'il vaut beaucoup plus que ce que Cela Chiddari nous donne. Même moi, je le vois."
"Nous sommes tous d'accord que nous avons trouvé une petite fortune," dit Dagra, "mais qui a les moyens de nous payer ce que ça vaut vraiment ? Certainement personne que je connaisse. Cinq cents dari d'argent, tout de même."
Jalis approuva d'un signe de la tête et jeta un coup d'œil à Oriken. "De plus, nous sommes liés par le code. Orik lui-même ne peut ignorer les règles de la guilde."
Oriken ajusta son chapeau. "Bien sûr que non. Loin de moi cette idée. Mais est-ce que ces règles avaient prévu comment extirper un bijou précieux enchâssé dans un solide morceau de granit ? Je préférerais livrer l'objet entier, si possible." Dagra haussa les épaules et regarda en direction de Jalis, qui secoua la tête. "Je veux dire," poursuivit Oriken, "ce n'est pas comme si on avait un marteau et un ciseau, n'est-ce pas ?"
Jalis se le reprocha à voix basse. "En rétrospective, voilà un oubli."
"Alors, comment on le déloge de là ?"
"Avec nos lames." Dagra pointa en direction des poignards que Jalis portait à sa ceinture. "Les tiens feraient très bien l'affaire, copine."
Jalis rigola. "Tu plaisantes ? Je ne vais pas abîmer mes lames sur ce bijou, peu importe la valeur qu'il a." Elle tapota le poignard à lame noire à sa hanche ainsi que celui plus fin en argent sur sa cuisse. "Dusklight et Silverspire sont plus que des armes ou des outils. Ce sont des œuvres d'art, elles sont irremplaçables."
Dagra soupira et rengaina son glaive. "D'accord. Laissez-moi m'en occuper." Il fit signe à Oriken de se retourner. Oriken obtempéra et Dagra défit la poche latérale de son sac à dos, fouilla à l'intérieur et en sortit le couteau de chasse à lame courte.
"Celui-ci ne porte pas de petit nom fantaisiste," dit Dagra à Jalis tout en levant un sourcil. "C'est un bon vieux morceau d'acier qu'Orik possède depuis notre enfance."
"En fait, je lui ai donné un nom," dit Oriken, une lueur dans l'œil. "Je l'ai nommé Akantu, du nom du patron des viles créatures."
"Non," dit Dagra. "Rien de tout ça. Et tu ne devrais pas te moquer des dieux, encore moins au fond de cette crypte."
Oriken railla. "Les patrons ne sont pas des dieux. Ce sont des hommes et des femmes, pas différents de... eh bien, pas différents de moi, ni de Jalis." Il fit un grand sourire à Dagra.
"Va te faire voir," lui offrit Dagra.
Il plaça la pointe de la lame recourbée dans l'interstice entre le granit et l'anneau d'argent et appliqua un mouvement de levier, progressant prudemment sur le pourtour du bijou.
"Ne glisse pas," dit Oriken.
"Je doute que ton couteau n'entaille le joyau," dit Jalis. "C'est pour ça que je ne veux pas émousser mes armes dessus. Ça m'a l'air plus dur que le diamant."
Le cœur de Dagra battit la chamade lorsque le couteau de chasse glissa sur l'anneau d'argent. Sa pointe acérée dérapa sur le joyau avec un crissement aigu.
"Par les pierres de Cherak, Dag !" dit Oriken. "Est-tu en train d'essayer de détruire notre récompense ?"
Dagra gonfla ses joues et laissa échapper un long souffle pour calmer ses nerfs. Il pensait avoir endommagé le trésor mais il n'y eut pas la moindre égratignure, sur aucune des facettes anguleuses de l'objet.
Jalis soupira. "Merci d'avoir confirmé mes doutes, Dagra," dit-elle platement. "Je crois que c'est maintenant établi."
La main de Dagra tremblait légèrement lorsqu'il réinséra la pointe de sa lame dans la rainure. Il fit tourner la lame de ci et de là et le crissement de l'acier contre la pierre se fit entendre dans tout le couloir.
"Vous croyez qu'il y a de la magie ?" demanda-t-il.
Oriken éclata de rire. "Ne sois pas ridicule."
"Peut-être qu'il y a des incantations gravées dessus. Vous vous souvenez de cette fille à je-sais-plus-où ?" Dagra fronça les sourcils pour essayer de s'en souvenir. "Celle que Maros a sauvée ?"
"Je ne dirais pas qu'il est venu à son secours," dit Oriken. "Elle était poursuivie par un essaim d'abeilles."
"Dag a raison," dit Jalis. "Cette fille a transformé un chêne en arbrisseau."
"C'est ce qu'on nous a dit."
Dagra se raidit. "Eh ben, après ça, ils l'ont expédiée dans l'Arkh, il y a du y avoir un brin de vérité dans tout ça." Le joyau commençait à se détacher.
Oriken renifla. "Si je l'avais vu de mes propres yeux, je l'aurais cru. Je ne prends pas tout ce que j'entends pour vrai."
"Je sais." Dagra soupira.
"C'était une feyborn, Orik," dit Jalis à voix basse. Dagra pouvait sentir son souffle sur son cou pendant qu'elle le regardait travailler. "Dis ce que tu veux sur tout ce que tu veux mais je peux t'assurer que les feyborn existent."
Oriken ne répondit pas et la conversation cessa. Dagra travaillait, tout comme son imagination. Dans son esprit, il revit la cavité remplie de toiles d'araignée. Quelque part derrière ce mur de soie gisait un parent décrépit de leur cliente. Et derrière la dalle sur laquelle il s'activait reposaient les os du plus ancien de leurs ancêtres, Cunaxa.
Un squelette à l'heure qu'il est, se rassura-t-il. Rien que des os. Pas de quoi avoir la frousse. Il imprima à la lame un mouvement d'avant en arrière et, avec une dernière torsion, le joyau funéraire se délogea de la pierre...
Des orbites remplies de toile d'araignée étaient fixées sur lui. Dans une horreur muette, il fut comme hypnotisé. L'anneau du joyau encerclait à présent les traits affaissés de Lady Cunaxa Chiddari recouverts de fils de soie et elle le regardait depuis le trou. Sa peau était tendue sur son crâne, comme du cuir bouilli, avec des touffes de cheveux colmatées sur sa chair momifiée. Ses sourcils et ses pommettes étaient couvertes de croûtes rugueuses et son horrible bouche sans lèvres lui faisait un rictus, comme si elle était ravie de sa compagnie après ces longs siècles de solitude. Ses dents noircies semblèrent bouger et s'écarter. Horrifié, Dagra regarda alors que les fils de soie se déchirèrent et que la mâchoire s'abaissa grande ouverte, puis celle-ci glissa derrière la dalle et tomba sur le sol dans un chtonk assourdi.
"Ah !" Dagra sauta en arrière, invoquant le nom des Dyades dans l'espoir qu'elles l'emportent loin de cet endroit impie et l’emmènent sur la lande. De la bile lui monta à la gorge alors qu'il arracha ses yeux de ce crâne desséché.
"Ce n'est qu'un cadavre, Dag," dit doucement Jalis.
"Ça a bougé !"
"Tu as du le faire bouger, c'est tout."
Sa bouche se remplit de salive. Il déglutit. "Ouais. Rien qu'un cadavre. Bien sûr. Un cadavre, bien sûr !" Il émit un rire, bref et hystérique. Surprenant le regard amusé de ses amis, il s'éclaircit la gorge et se calma.
Le joyau était dans les mains d'Oriken. Il le tint à hauteur des yeux et l'observa, indifférent au macchabée qui les regardait. Jalis s'empara de la lampe posée sur le piédestal et l'éleva à la hauteur de l'épaule d'Oriken. La lumière étincelait sur les facettes du joyau. La face avant était circulaire, l'anneau d'argent serti fermement sur son pourtour semblant forgé dessus. De côté, l'objet était plus plat mais renflé en son centre autour d'un noyau de teinte sombre qui se brisait en prismes à la lueur de la lampe. La tâche noire évoquait pour Dagra les œufs aux jaunes noircis d'un balukha du soir, ou à une tâche d'encre prise dans une sculpture de verre. Il réévalua son estimation de la valeur esthétique du joyau.
Oriken brossa l'arrière du bijou de sa main. Son visage montrait du dégoût. "On nettoiera ça plus tard. Il y a un peu de son visage collé dessus."
L'estomac de Dagra se souleva et ses genoux fléchirent. Il s'agrippa au piédestal près de lui.
Jalis ouvrit son sac à dos et donna une couverture à Oriken. Elle maintint le sac ouvert pendant qu'il enveloppait le bijou et le fourra à l'intérieur. Puis elle resserra la corde et fit un nœud, attacha les courroies et enfila le sac sur son dos.
"J'espère que c'était ta couverture et pas la mienne," lui dit Dagra. Comme il relâchait le piédestal, ses yeux se posèrent sur la tête sans yeux, sans nez, et à présent sans mâchoire, de Cunaxa. Alors qu'il jetait à l'ancêtre des Chiddari un regard noir, la tête bougea à nouveau.
"Douce mère des prophètes ! Ne me dites pas que j'ai vu ce que je viens de voir !" La tête était inclinée, comme un enfant attentif qui voulait savoir ce qu'était tout ce grabuge.
"Tu peux lâcher mon bras, Dagra," dit Jalis.
Il marmonna des excuses et tituba vers le mur, s'appuya contre le mur et vomit. Quand il eut finit, il essuya sa barbe de sa manche et se retourna pour voir Jalis et Oriken qui l'observaient, leurs visages semblant de cendre dans la lueur de la lampe.
Dagra se força à rire. "Ah, je ne sais pas d'où ça m'est venu." D'un geste de la main, il refusa le mouchoir que Jalis lui offrait. "Non. Ça va aller, vraiment. Juste un..." Il pouvait sentir le cadavre qui le regardait mais maintint toute son attention fermement sur Jalis. "Nous avons ce que nous sommes venus chercher. Fichons le camp d'ici. Pas de raison de s'attarder, n'est-ce pas ?"
Jalis acquiesça et se retourna pour partir mais Oriken mit une main sur son épaule. "Pourquoi ne nous faisons-nous pas un peu plaisir en partant ?" D'un geste de la main, il désigna les piédestaux et les alcôves où des pierres précieuses chatoyaient dans l'ombre. Alors que Jalis soupesait sa proposition, il insista. "On devrait au moins prendre celles sur les piédestaux pour notre cliente, puisqu'ils font manifestement partie du lot avec le joyau. Non ? Après si elle n'en veut pas..." il haussa les épaules.
Jalis n'eut pas l'air convaincu.
"Tais-toi et avance," dit Dagra. Il prit la lampe des mains de Jalis et s'engouffra dans le couloir ; ses amis lui emboîtèrent le pas, suivant la seule source de lumière.
"Le contrat ne fait état que du joyau," dit Jalis. "Si nous prenons autre chose, ça pourrait être considéré comme sacrilège."
Dagra proféra un juron. "Tout cet endroit est un sacrilège."
Oriken railla. "Pourquoi est-ce acceptable de voler le plus grand des trésors et pas ceux plus petits ?"
"Eh," dit Jalis, "ce n'est pas moi qui ai défini les règles."
Oriken soupira. "C'est pas comme si Dagra n'avait pas empoché une pierre."
"Oh, fais pas l'enfant !" Dagra se retourna d'un coup. "Sérieusement ? C'est une babiole sans valeur ! Un joli caillou qui vient d'une tombe pillée !"
Jalis grogna entre ses dents. "C'est ce que tu penses, Dag, ou c'est ce que tu espères ?"
"Ne commence pas avec ça. Pas maintenant. Allez, on rentre, la richesse et un bain chaud nous attendent."
"Aucune contestation là-dessus," dit-elle. "Orik, les tombeaux dans cette crypte appartiennent aux ancêtres de notre cliente. Si nous dérangeons ne serait-ce que l'un d'entre eux - et la plupart semble de peu de valeur en comparaison, comme l'a fait remarquer Dagra - ce serait voler Cela elle-même, indépendamment de nos intentions, aussi bien motivées qu'elles puissent être." Elle regarda Oriken attentivement. "Dagra a trouvé sa pierre dans des décombres ; il peut la garder mais on laisse le reste."
"C'est toi le patron," dit Oriken en poussant un soupir. "Et la cité ?"
Jalis aspira l'air entre ses dents serrées et lui lança un regard de côté. "Nous parlerons de ça après avoir quitté le cimetière. Nous avons déjà perdu plus de la moitié la journée."
Oriken la regarda un moment mais garda le silence. Leur conversation retomba dans le silence alors qu'ils revenaient sur leurs pas le long du couloir.
Dagra se fichait de cette pierre de sang qu'il avait ramassée. Ses pensées étaient tournées vers le joyau funéraire qui allait leur rapporter une véritable petite fortune. Mais, plus que cela, il pensait à la matrone de la crypte, à son regard sans yeux qui les regardait partir de son lieu de repos.
Bientôt, le trou de la sépulture profanée se profila. Les traces de pas, à présent recouvertes des empreintes de Dagra et de ses compagnons, menaient de la dalle cassée vers l'escalier...
Afin de distraire son imagination fertile, Dagra dit, "Orik a raison sur un point, quand même. C'est discutable que nous puissions profaner une tombe parce que ça fait partie d'un contrat et qu'en dehors de ce contrat, ce soit répréhensible." Il émit un rire sec et fouilla dans sa poche à la recherche de la pierre de sang. "Vous savez quoi ? Je n'en veux même pas de cette camelote. Je pensais que ça aurait l'air joli sur mon glaive mais avec les sous que nous allons gagner, je pourrais même acheter les tétons scintillants de Khariali si je le voulais."
"Vaut mieux les tétons de Khariali, plutôt que les cailloux de Cherak," plaisanta Oriken.
D'un coup de poignet, Dagra balança la pierre de sang dans les ténèbres et écouta son écho retentir dans le couloir.
"Dag," à côté de lui, Jalis lui fit un sourire. "Je n'ai pas dit que les autres cryptes dans le cimetière n'en valaient pas la peine, juste la crypte Chiddari. Tout cet endroit a déjà été ravagé par une déesse et abandonné depuis des siècles. Quelques petits mortels ne peuvent pas le profaner plus qu'il ne l'a déjà été."
Dagra lui rendit son sourire, bien que le sien soit plus pâle. "C'est vrai. Mais je ne suis pas sûr que ça m'intéresse. C'est pas comme si on avait emmené des mules ; il nous faudrait trimbaler nous-mêmes tout ce qu'on aura trouvé à travers toute l'étendue du Plateau de Scapa et une partie de Caerheath. Merci, jeune fille, mais non. Je veux juste m'en aller de cet endroit maudit, mort et poussiéreux et respirer l'air frais, ravagé ou pas."
Oriken marmonna alors qu'il marchait derrière eux, mais était-ce par approbation ou pas, Dagra ne put le dire et s'en fichait complètement. Il se força à penser à leur voyage de retour, et à passer le reste de l'année aux environs de la Folie de l'Aulne, sans plus de contrats longs et compliqués, sans lieux lugubres et souterrains, et sans plus de cadavres.
Dieux, pensa-t-il. S'il vous plaît, plus de cadavres.
Chapitre Dix
Intrus
Dagra souffla dans le col de la lampe pour éteindre la flamme, puis il la passa à Jalis. Avec un soupir de soulagement, il franchit le seuil de la crypte Chiddari et retrouva le sinistre cimetière. L'orbe rouge de Banael se devinait derrière un ciel d'épais nuages, son ventre plus proche de l'horizon que Dagra n'aurait préféré. Il posa sur la statue de Cunaxa un regard sombre.
Eh bien, madame, pensa-t-il. Vous étiez d'une grande beauté autrefois, sauf que j'ai vu votre mâchoire tomber.
De fins petits filets de brume s'échappaient des crevasses du sol asséché. Ils s'enroulaient et étreignaient les socles des pierres tombales recouverts de moisissure et rampaient le long des chemins en ruine. La brume se propageait sous ses propres yeux.
"Combien de temps avons-nous passé là-dedans ?" demanda Oriken dont les yeux plissés à l'ombre de son chapeau fixaient le soleil bas.
"Des heures," répondit Jalis.
"Ça n'a pas semblé si long."
"Peut-être pas pour toi," rétorqua Dagra.
Oriken tourna son attention sur la cité, gonfla les joues et laissa échapper un long sifflement. "Il doit y avoir une montagne de trésors là-bas. Le château seul doit détenir une fortune. On pourrait s'abriter dans un des bâtiments pour la nuit. Ça été abandonné pendant des siècles ; je doute que l'un des propriétaires s'en formalise."
"Allons, Orik," dit Jalis. "Es-tu un homme ou une pie voleuse ? N'oublie pas que nous avons une très longue marche à travers les marécages jusqu'aux premiers signes de civilisation, et encore deux jours de voyage avant d'atteindre la Folie de l'Aulne. Je ne me sens pas de transporter un lourd trésor pendant des centaines de kilomètres d'un terrain miné de marais, de monstres et peut-être pire encore que ceux que nous avons croisés en venant."
"Je ne parle pas de lester nos poches et nos sacs, juste une poignée en guise de souvenir. Ça ferait pas de mal."
Pendant un court instant, Dagra se surprit à peser le pour et le contre. Il était sincère quand il avait dit à Jalis que ça ne l'intéressait pas de piller des pierres de peu de valeur, mais en regardant en direction de la grande cité, il était difficile de penser qu'elle ne renfermait pas de trésors plus riches. Il devait y avoir des pièces d'argent de partout. Et des bijoux avec de précieux diamants et des saphirs, et des émeraudes, et des rubis. Ou des armes, comme son glaive ancien ; les épées courtes à lame large n'étaient plus forgées depuis le Grand Soulèvement, et s'il y avait un endroit où il pouvait y en avoir, c'était bien Lachyla.
J'aimerais bien un deuxième glaive, pensa-t-il, mais pas tant que ça. Aussi éprouvant que ça l'ait été, ça n'avait pas été aussi horrible qu'il ne l'avait imaginé. Peut-être demain, quand il fera plein jour...
Il secoua la tête pour chasser la tentation et fronça les sourcils en remarquant la brume grandissante. "Nous devrions nous mettre en route avant que ce truc ne devienne un problème."
"Mais, écoutez—"
Jalis mit Oriken en garde d'un regard. "J'ai dit qu'on en discutera plus tard, et on en discutera plus tard. Pour l'instant, Dagra a raison. On retourne à la herse." Surprenant Oriken qui regardait le Litchgate au loin, séparant le cimetière de la cité, elle pointa son doigt vers le nord en direction de la lande. "Cette herse."
Ils se mirent en chemin sur l'étroit sentier qui partait de la crypte Chiddari vers l'Allée des Morts-Vivants. Pendant qu'ils avançaient, Oriken était plongé dans un monologue sur les sortes de trésors qu'ils pourraient découvrir dans le château. Il était en pleine énumération lorsque Jalis l'interrompit brusquement et leva la main en signe d'arrêt.
"Qu'est-ce qu'il y a ?" demanda Oriken.