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La Sacrifiée Indécise
La Sacrifiée Indécise
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La Sacrifiée Indécise

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— Laisse-moi guérir ces blessures, dit une fée.

Elle s’appelait Dahlia.

Il l’avait eue plusieurs fois. Son doux parfum l’attirait d’habitude, mais il était amer, ce soir. Il n’avait pas cédé aux fées depuis un bon moment, à présent, pas depuis qu’il savait qu’il y avait une chance.

Béryl s’écarta de Dahlia et poursuivit son chemin vers les Valkyries qui partaient.

— Siggy ? Hilda ? Aucune nouvelle en provenance de l’autre côté du Voile ?

Hilda se tourna vers lui, ses tresses voletant avec son mouvement. Son épée se leva et décrivit un arc jusqu’à la gorge de Béryl. Il déglutit. La lame accrocha sa pomme d’Adam.

— Pour qui me prends-tu ? dit Hilda en retroussant les lèvres tout en toisant Béryl. Le Journal de 20h ?

Béryl leva les mains en signe d’apaisement.

— Mes excuses. Je demandais simplement si vous aviez des nouvelles de Morrigan.

— Morri n’est pas revenue de sa chasse, dit Siggy.

Son regard fixait sans vergogne les bijoux de famille de Béryl.

Quelques semaines plus tôt, Corin, le frère de Béryl, avait conclu un accord avec les Valkyries pour qu’elles leur ramènent des sacrifiées en échange de pierres précieuses. Béryl avait pris Morrigan à part et lui avait offert son poids en émeraudes si elle lui ramenait sa première prise. Mais il n’avait plus vu un cheveu de la Valkyrie depuis.

— Je double le prix si vous la rejoignez dans sa chasse.

Béryl laissa le dragon remonter à la surface. Ses yeux étincelèrent d’un vert émeraude.

Les regards des Valkyries eurent un éclair doré de convoitise. C’était l’unique faiblesse des farouches guerrières. Elles aimaient les pierres précieuses. Elles aimaient la plupart des choses scintillantes. Les dragons extrayaient les joyaux de leurs mines et étaient réputés pour couver leurs trésors. Mais les dragons chérissaient leurs sacrifiées plus que les joyaux de leur montagne.

— Nous ne travaillons pas pour toi, dit Hilda dont la voix avait perdu son ton mordant. Nous ne sommes pas ici pour faire apparaître ton plan cul personnel.

Ce n’était pas un plan cul. C’était une bouée de sauvetage. Une sacrifiée, une femme toute à lui, à protéger, à chérir et à qui donner du plaisir, était la seule chose qui calmerait sa bête de façon permanente et la garderait en laisse. Si Béryl n’obtenait pas de sacrifiée rapidement, son dragon prendrait le contrôle du corps qu’ils partageaient, et l’homme serait coincé à l’intérieur. Sinon, Béryl devrait continuer à combattre lors de ces matches en cage pour garder un semblant de contrôle. Si ce soir avait prouvé quelque chose, c’est qu’avec son contrôle qui diminuait, au cours du prochain match, quelqu’un mourrait.

CHAPITRE 2

— Vous êtes fatiguée de votre train-train quotidien ?

Poppy Maddow releva la tête de sa planche à repasser. Sur l’écran carré de la télévision, une jeune femme blonde au sourire joyeux haussa le sourcil d’un air conspirateur. La jeune femme regardait Poppy en simple définition sur l’écran douze pouces, mais Poppy eut l’impression qu’elle pouvait voir ses désirs les plus profonds.

— Nous vivons sur une belle planète avec de magnifiques paysages, des vues à couper le souffle, et des paradis tropicaux.

Poppy jeta un coup d’œil par la fenêtre de la caravane. Il n’y avait pas grand-chose à voir. À part des arbres nus, des voitures rouillées posées sur des blocs, des tas débordants d’ordures, et une décharge qui était autrefois un étang boueux.

— Alors venez avec moi et évadez-vous dans un univers de montagnes pittoresques, de mers émeraude et de cités médiévales.

Sur l’écran douze pouces, la caméra dévoila une vue aérienne d’eaux vertes, mais pas du vert des eaux usées de l’arrière-cour de Poppy. Elle pouvait voir dans les profondeurs de la mer, à la télévision. À l’inverse de la forêt aride derrière chez elle, des feuilles d’un vert luxuriant couronnaient chaque arbre. Le brun qui recouvrait le paysage, dans l’émission télévisée, était du sable et non la poussière et la crasse de la pauvreté.

Poppy se pencha en avant, les yeux écarquillés, le cœur battant, les pieds mourant d’envie de s’enfuir vers cette merveille.

— Où est mon putain de pantalon ?

Poppy ne sursauta pas en entendant le braillement rauque. On lui avait crié dessus toute sa vie. C’était normal, pour elle, que Bruce élève la voix.

Elle ouvrit la bouche pour lui dire qu’elle était en train de repasser le pantalon qu’il cherchait. Au lieu de cela, elle s’étrangla, et aucun mot ne sortit de sa bouche. En baissant les yeux, elle vit qu’il y avait une tache noire sur la jambe droite du pantalon. Quand elle avait été captivée par la destination touristique exotique, elle avait oublié le fer à repasser, et il avait brûlé une partie du meilleur pantalon de Bruce.

Merde. Elle allait s’en prendre une.

Poppy se précipita pour cacher la preuve. Malheureusement, il n’y avait pas beaucoup de place dans la caravane. Chaque pièce faisait double emploi. La cuisine était aussi la salle à manger. Chaque placard était rempli à ras bord de pots en verre, de casseroles, de tubes et autres outils et ustensiles nécessaires à la fabrication de la drogue abrutissante qui maintenait un toit métallique au-dessus de leurs têtes. Alors, elle ne pouvait pas fourrer le pantalon là-dedans.

La seule option était de fourrer le pantalon sous sa robe d’été. C’était un endroit où Bruce ne regarderait pas. Il lui écarterait bien les cuisses au milieu de la journée s’il n’avait pas tiré son coup avec une de ses michetonneuses pendant la nuit, mais il ne lèverait jamais les yeux sur elle pendant qu’il le faisait.

— Tu m’as entendu, espèce de pétasse moche ? dit Bruce en tournant l’angle de la chambre à coucher qui faisait aussi office de salon.

Il portait un caleçon moulant et miteux, sa bedaine débordant par-dessus. Son torse velu était nu. Il y avait un trou à l’orteil de l’une de ses chaussettes bleues. Mais c’était ses chaussettes des grandes occasions. Visiblement, il devait aller quelque part d’important, et il avait besoin de ce jean, sa meilleure tenue.

Merde, merde.

— Tu as regardé dans le panier à linge ? demanda innocemment Poppy.

Elle tapota son ventre, essayant d’avoir l’air naturel et non pas l’air d’être enceinte. Une chose sur laquelle elle ne faisait jamais l’impasse malgré ses maigres revenus, c’était la contraception. Elle se rendait à la clinique voisine tous les mois, avec une régularité de métronome, pour sa pilule. Elle n’avait pas envie de faire naître un bébé dans cette misérable vie dont elle voulait elle-même s’échapper.

— Tu devais faire la lessive, dit Bruce en fonçant vers elle tandis que ses pas secouaient la caravane sur sa base. Je ne peux pas mettre ton cul répugnant sur le trottoir pour gagner quelque chose. Tu es allergique aux putains de produits chimiques pour fabriquer mon produit. Tu sers à quoi si tu ne peux même pas faire le putain de ménage, salope ?

Il la poussa, mais il n’y avait pas vraiment de place où elle puisse aller dans l’espace confiné. Son dos cogna la cuisinière, et elle glissa le long de sa surface. Le pantalon s’échappa de sous sa robe.

— C’est quoi, ce bordel ?

Il lui arracha le pantalon avant qu’elle puisse à nouveau le cacher. Le dos de la main de Bruce entra en contact avec le côté du visage de Poppy avant qu’elle ne puisse lui faire des excuses ou s’écarter de son chemin.

— Putain de connasse bonne à rien. Ce pantalon, c’est une vraie imitation de Gucci. Je l’ai payé cinquante balles.

Deux ou trois mois auparavant, elle avait brûlé le steak qu’il avait volé dans la cuisine d’un restaurant. Il y en avait eu pour vingt-cinq dollars de viande. Il l’avait frappée une fois pour ça. Cinquante balles, c’était une fortune. Poppy leva les bras, attendant le second coup.

— Couvre-toi, aboya Bruce.

Il tira sur sa robe pour la faire descendre, mais le tissu usé ne s’étendait pas assez pour couvrir la laideur de ses jambes. Il se détourna d’elle. Les taches sur ses membres étaient une des raisons pour lesquelles il ne la regardait pas quand il la sautait au milieu de la journée.

— Tu sais ce que je devrais faire ? dit-il, toujours accroupi au-dessus d’elle. Je devrais balancer ton cul derrière un glory hole. Personne n’aurait à regarder ce cul répugnant, alors.

Son haleine était chargée des relents de la chatte d’une autre femme. Ses ongles étaient noirs de la crasse de son boulot de nuit comme proxénète local du parc de caravanes. Les veines de ses biceps étaient pleines de cicatrices dues à l’abus de son produit.

Poppy releva les genoux pour couvrir les taches sensibles de ses jambes. La décoloration faisait ressembler sa peau nue à celle d’une lépreuse. C’est comme ça qu’on l’avait appelée à l’école primaire, quand les taches avaient commencé à apparaître. Les docteurs avaient tous dit qu’elle n’avait pas cette maladie. Ils étaient incapables d’expliquer ce qui n’allait pas chez elle.

Sa mère avait eu les mêmes problèmes de peau. Ça ne l’avait pas empêchée de faire le trottoir. C’était l’un des rares boulots disponibles ici, dans ce trou paumé de Knudsen. C’était soit travailler à genoux pour faire le ménage, soit travailler sur le dos pour faire des passes.

Kellyanne avait été déterminée à ce que sa petite fille ne travaille jamais sur le dos. Mais Poppy avait fini par avoir le pire des deux mondes. Elle commençait ses journées à genoux, en nettoyant la porcherie de Bruce et en faisant la lessive pour ses michetonneuses qui faisaient le trottoir. Puis elle se couchait sur le côté, la nuit, en espérant qu’il ne rentrerait pas à la maison pour la mettre sur le dos.

Sa vie n’était pas si mal. D’autres filles vivaient bien pire. Elle pouvait passer ses journées seules tandis que les autres femmes se rassemblaient aux abords du terrain de camping pour attendre les passants. Elle avait récupéré la TV qui recevait les chaînes publiques, y compris les émissions de voyage comme Globe Trekker où elle pouvait voir le monde. Et il y avait même une chaîne qui diffusait de vieilles séries comme K-2000, L’Incroyable Hulk et La Belle et la Bête, mais en espagnol.

Non, sa vie n’était pas mal du tout. Oui, elle se faisait frapper de temps en temps. Parfois même, elle le méritait. Comme maintenant. Elle n’avait pas fait attention et avait ruiné le meilleur pantalon de Bruce.

— Je crois que je peux arranger ça, dit-elle à travers la douleur cinglante de sa mâchoire. Il me faut juste un peu de vinaigre. Laisse-moi essayer.

Il lui jeta un regard noir pendant encore une minute entière avant de se reculer. Il ne lui tendit pas la main. Elle se remit précipitamment sur ses pieds, s’assurant de garder ses taches dissimulées à sa vue pour ne pas le mettre plus en colère.

Poppy fouilla les placards à la recherche de vinaigre. Elle trouva la bouteille juste au moment où la lessive suivante se terminait avec un petit ding. Elle s’occupa d’abord du pantalon de Bruce, tamponnant l’acide sur la marque de brûlure. Dieu merci, elle avait l’air de partir. Elle ne recevrait peut-être pas cette deuxième gifle, après tout. La journée s’annonçait déjà meilleure.

Elle étendit le pantalon sur le côté pour le laisser sécher et partit s’occuper de la lessive. Poppy sortit de la machine un mélange de strings et de mini-jupes qui auraient pu faire office de bandanas. Sa main s’immobilisa sur une pièce de sous-vêtement.

La culotte n’était pas une taille dame. L’étiquette indiquait la taille par âges. C’était celle d’une enfant. Âge : de six à douze ans. Le coton blanc était décoré de nounours qui se faisaient un câlin. Sur l’entrejambe, il y avait des traces de sang décolorées.

La bretelle de la robe de Poppy tomba de son épaule quand elle se redressa. Elle ne remit pas la bretelle en place pour couvrir les taches de ses bras. Plus que tout, elle avait envie d’arracher sa robe. Le fin coton ressemblait soudain à du papier de verre sur sa peau sensible et couverte de maladie.

— Qu’est-ce que tu fous ? Il faut que je me casse. T’es aussi stupide que t’es moche ?

Elle n’était pas sûre de la manière dont le couteau de boucher avait atterri dans sa paume. Quand la main de Bruce s’abattit sur son épaule, elle se retourna et lui porta un coup avec le couteau.

Les yeux de Bruce s’écarquillèrent sous le choc. Sa main vint couvrir sa joue. Du sang dégoulina entre ses doigts.

— Tu as dit que tu ne toucherais jamais une enfant, dit Poppy d’une petite voix qui luttait pour sortir de sa gorge.

Elle tenait le couteau dans une main et la culotte d’enfant dans l’autre.

Les yeux de Bruce s’éclaircirent et se remplirent de colère.

— Cette petite pute m’a supplié de lui donner du boulot. Elle en avait envie. Et maintenant, tu vas t’en ramasser une.

Il avança vers elle. Poppy donna un nouveau coup de couteau. Mais Bruce avait bien plus l’habitude qu’elle d’infliger de la violence. Il se saisit de sa main, lui enlevant le couteau. Tout ce qui lui restait comme armure, c’était la petite culotte souillée de la petite fille de quelqu’un.

C’était seulement la deuxième fois de sa vie qu’elle envisageait de se défendre. La première fois, elle portait encore une petite culotte taille huit ans, avec des licornes et des arcs-en-ciel. On la lui avait arrachée du corps, mais avant que la moindre goutte de sang n’ait pu être versée, son ange gardien était venue à son secours.

Les yeux de Poppy s’emplirent de larmes, comme ils le faisaient chaque fois qu’elle pensait à sa maman. Kellyanne était morte depuis longtemps maintenant. Il n’y avait personne pour venir à son secours. Pas dans cette vie. La mort ne pouvait pas être pire. Au moins, elle quitterait ce parc de caravanes et verrait quelque chose d’autre par la fenêtre.

Elle tourna la tête vers la fenêtre, se préparant à encaisser le poing de Bruce. Une minute… Est-ce qu’il l’avait déjà frappée ? Ou y avait-il quelque chose à la fenêtre ?

Ce n’était pas seulement une nouvelle vue, mais une nouvelle personne. La femme assise sur le rebord portait bien trop de vêtements pour être considérée comme une prostituée. Le corset qu’elle portait serait un vêtement très apprécié par une tapineuse. Les bottes aussi. Mais personne dans ce parc ne pouvait s’offrir, ou ne voudrait s’embêter avec, un pantalon moulant en cuir qui prendrait de précieuses minutes à enfiler avant qu’un client puisse jouir. Et le pantalon devait être lavé à sec. Non, qui que soit cette femme, elle n’était pas ici pour tapiner.

La femme bien habillée s’éclaircit la gorge juste au moment où Bruce levait le couteau pour frapper. Du coin de l’œil, Poppy vit Bruce se tourner vers la fenêtre. Il resta bouche bée quand il vit qui était là.

— Je te dirais bien de t’en prendre à quelqu’un de ta taille…, dit la femme en baissant les yeux et en fixant le membre de Bruce dans son slip kangourou. Mais ce serait injuste de ma part.

— Vous êtes qui, bordel ?

Bruce pointa le couteau vers elle, ne s’inquiétant plus du décès imminent de Poppy. Pourquoi s’en serait-il inquiété ? Elle n’irait nulle part pour l’instant.

La femme sauta en bas de la fenêtre, l’impact de ses bottes secouant la caravane plus que les pas de Bruce.

— Je suis… ton chauffeur.

Un sourire satisfait et hésitant souleva un coin de la bouche de Bruce.

— Ah, ouais ? Où est-ce qu’on va, bébé ?

La femme tira une longue épée luisante de derrière son dos. La lame était plus de cinq fois plus longue que le couteau dans la main de Bruce.

— Tout droit après l’Enfer jusqu’à un endroit bien, bien pire. Et, petit veinard, on dirait que tu es parfaitement habillé pour l’occasion.

Bruce ouvrit la bouche pour répondre. Un gargouillis sortit de sa gorge, parce que la femme lui avait taillé un trou béant en travers du cou. Du sang s’écoula d’où les mots étaient censés sortir. Le corps de Bruce tomba sur le sol avec un écœurant bruit sourd.

Poppy resta figée. Son corps était même trop effrayé pour trembler de peur. Quand elle releva les yeux, la femme l’examinait du regard. Pas son visage, sa main.

La femme leva une main, celle qui ne tenait pas l’épée, et fit un signe signifiant viens ici à Poppy. Sa peur de la violence l’avait bien dressée. Sans hésitation, Poppy fit ce qu’on lui demandait. Ses pas étaient lents et raides, mais elle parcourut la courte distance les séparant pour se tenir devant la femme.

La femme tendit le bras et prit la culotte d’enfant des mains de Poppy.

— Celui-ci a été sur mon radar pendant une minute, mais son dernier geste a signé son arrêt de mort.

Elle utilisa la culotte pour essuyer le sang de Bruce de sa lame, recouvrant les nounours câlins avec l’essence de sa défunte vie. Ça semblait juste. Sa mort pour une innocence perdue.

— On dirait que c’était la goutte d’eau pour toi aussi.

Les yeux de la femme étincelèrent brillamment, comme des étoiles, lorsqu’ils passèrent du couteau de boucher abandonné à Poppy.

La seule réponse que Poppy put lui donner fut de déglutir. Il y avait eu une assistante sociale qui s’était arrêtée à la caravane, une fois, habillée d’une robe boutonnée jusqu’en haut et de chaussures reluisantes. Bruce avait mis une bonne trempe à Poppy la nuit précédente. Le regard de l’assistante sociale était resté figé sur ces traces de coup. Quand Poppy avait refusé de partir avec elle, l’assistante sociale lui avait demandé pourquoi elle restait. Poppy avait laissé la porte-moustiquaire grinçante claquer au nez de cette femme.

Elle avait vu quelques dramatisations filmées de femmes échappant à leurs maris en plein milieu de la nuit avec un mascara impeccable et des lèvres brillantes de gloss. Elle avait même vu assez de talk-shows de l’après-midi parlant de violences conjugales où l’animateur bien intentionné offrait des services en espèces et une porte de sortie. Rien de tout cela n’était le monde réel.

En voyant Bruce étendu mort sur le sol, Poppy ne ressentit aucun remords pour lui. Mais elle commença à s’inquiéter pour elle-même. Elle n’avait pas d’instruction, pas de talent. Elle n’avait même pas un joli visage. Comment allait-elle gagner sa vie, à présent ?

Poppy se passa la main dans les cheveux. Ses doigts exécutèrent ce geste en tremblant. Le regard de la femme se rétrécit en suivant ses mouvements. Avec la rapidité de l’éclair, elle tendit la main et baissa le haut de la robe de Poppy.

Poppy eut un hoquet de surprise. Un réflexe lui dicta de se couvrir. L’autopréservation lui fit refermer les doigts en poings immobiles.

— Des cheveux roux et des écailles ? C’est mon jour de chance ou quoi ?

Poppy se tortilla pour se libérer de sa poigne. Un sourire malicieux s’étendit sur le visage de la femme. Poppy connaissait ce regard. C’était un regard de prédateur.

— Tu vas me rapporter un beau paquet de joyaux.

Poppy se retourna pour s’enfuir. Mais elle reçut un coup sourd à l’arrière de la nuque. Et tout devint noir.

CHAPITRE 3

Le bruit du métal rencontrant le métal résonna dans la grotte souterraine. Béryl avait entendu dire que les humains mâles avaient des tanières ; une petite pièce où ils pouvaient se retirer loin des femmes. Il ne comprenait pas pourquoi un homme aurait envie de se retirer loin de sa femme. Si lui-même avait une femme, il la laisserait entrer dans sa tanière chaque fois qu’elle en aurait envie. Il lui construirait une tanière à elle et s’assoirait dans l’entrée en espérant qu’il serait le bienvenu dans son sanctuaire.

Il avait une vraie tanière à l’intérieur du château qu’il partageait avec ses frères. Beaucoup de pièces étaient des cavernes, à l’extérieur des vraies cavernes d’où les frères extrayaient chacun leurs joyaux et où ils amassaient leurs trésors.

Sauf Corin, qui avait donné son trésor en échange de sa sacrifiée. Béryl aurait fait la même chose. Sa nouvelle sœur valait chaque pierre précieuse, et bientôt Chryssie agrandirait encore leur famille. Deux dragonneaux grandissaient dans son ventre.