Полная версия:
Roulette Russe
- Oui, tu as raison.
Dès qu’il sortit de la cuisine, elle s'empressa de ranger le reste de la vaisselle en pensant au comportement de Richard. Était-il inquiet pour elle ? Pourquoi ? Elle haussa les épaules et appuya sur le bouton « marche » du lave-vaisselle.
En haut des escaliers, elle entendit de faibles chuchotements venant de la chambre de sa mère. Elle se faufila dans le couloir et appuya son dos contre le mur.
- ... tu lui as dit ? entendit-elle la voix agitée de Sasha en premier.
- Oui, tu ne devrais pas t'inquiéter. Tout ira bien, répondit Richard.
Sa mère parla plus fort.
- Et s’il se passait quelque chose et qu’elle se souvienne ?
- Chut, Sasha. Si elle nous entend, elle nous posera des tas de questions. Tout ce que nous devons faire est de la surveiller. Interférer dans sa vie pourrait créer une mésentente entre vous deux et je ne pense pas que c’est ce que tu veux.
Choquée, Helena posa sa main sur son torse. Elle tituba jusqu'à sa chambre et traîna ses pieds jusqu'à ce qu'elle s'effondre sur son lit. Elle laissa échapper un soupir en fixant le plafond.
- Qu’est-ce qu’ils me cachent ?
Michael se matérialisa à côté d'elle. Il suivit son regard fixé sur les étoiles phosphorescentes qui avaient pour habitude de la fasciner dans son enfance.
- Je me souviens du jour où ton beau-père les a collées. Il était tombé de ce lit deux fois.
- Quoi ?
- Est-ce que tu te rappelles pourquoi il avait fait ça ?
- Richard m’a dit que j'avais l'habitude de faire des cauchemars quand j'étais plus jeune. Des cauchemars dont je ne me souviens pas…
-Tu étais une enfant. Tu ferais mieux d’oublier.
Helena se redressa.
- Tu parles sérieusement ? Ils me cachent quelque chose, une chose importante. Je le sens.
Michael se tourna et leurs yeux se croisèrent. Elle adorait fixer les profondeurs azur de ses yeux. Ils étaient d’une beauté enchanteresse, ils ressemblaient à deux pierres précieuses renfermant des milliers de secrets.
Elle savait qu’il lui cachait beaucoup de choses la concernant. Elle savait que quelque chose ne tournait pas rond, il lui cachait des secrets qu’il n’était pas autorisé à lui révéler.
- Tu étais trop jeune pour t’en souvenir.
Elle lui lança un regard sévère.
- J'ai une bonne mémoire, Michael.
- Ne me regarde pas avec ces yeux de meurtrier. J'ai répondu à ta question.
Les terreurs nocturnes de son enfance ne pouvaient pas être l’explication plausible de l’inquiétude de ses parents.
- Tu finiras par avoir des rides, si tu continues à faire la grimace !
Elle se laissa tomber sur le lit et soupira.
- D'accord, je vais laisser tomber, pour l'instant.
Michael s’était allongé à côté d'elle, sans que le matelas ne s’enfonce d’un seul millimètre. Le fait qu'il n'ait pas de corps physique la troublait encore aujourd'hui.
- Repose-toi. Tu as beaucoup de choses à faire demain.
sans prendre la peine de se mettre en pyjama, elle se glissa sous les couvertures et demanda :
- quoique je choisisse, tu seras toujours là pour moi ?
- Bonne nuit, Helena.
*****
Elle se brossait les cheveux pour la deuxième fois ce matin-là et leurs yeux se croisèrent dans le miroir. Au moins, Michael s'abstenait de faire son apparition lorsqu'elle était sous la douche ou aux toilettes.
Elle plissa des yeux.
- Quoi ?
- Rien !
- Tu n'as pas arrêté de me regarder depuis mon réveil. Dis-moi qu'est-ce qui ne vas pas ! Est-ce que c'est mes cheveux ?
Il retroussa les coins de ses lèvres.
- Tu es nerveuse.
Helena se retourna.
- C’est normal, non ? J’ai pris une décision qui va chambouler toute ma vie.
- Moi qui croyait que tu étais une fille très calme, recueillie et observatrice ?
Elle croisa les bras sur sa poitrine.
- T’as fini ?
- Non, une dernière chose, Andrew est à la porte.
Elle fixa son ange gardien et se précipita en bas. Des gazouillements d'oiseaux lui remplirent les oreilles et elle grogna. La sonnette ringarde était l'idée de sa mère.
A la dernière marche, elle évita de justesse de trébucher. Elle ouvrit la porte entre deux respirations profondes et sourit à son futur colocataire.
- Alors, comment as-tu prévu de t’y prendre ?
Le sourire d’Andrew s’effaça. Il se tapota le menton de l’index.
- Hum, la première étape serait d’entrer.
Il entra sans attendre d'y être invité.
- Et, maintenant, on prend tes affaires.
Helena roula des yeux.
- C'est très drôle. Je voulais dire, est-ce que tu as une idée pour transporter mes affaires ?
- Ne t'inquiète pas, Épine, on le saura à temps.
Elle ignora le surnom agaçant que ses amis lui avaient donnée à l'école et jeta un coup d’œil derrière lui. Il y avait une fourgonnette blanche garée dans l’allée.
- Elle est à toi ? demanda-t-elle.
- Papa m'a prêté une de ses voitures d'entreprise pour la journée. Il m'a demandé de ne pas la bousiller, alors j'espère que tes affaires ne sont pas trop lourdes.
Helena cacha son irritation derrière un faux sourire. Elle lui fit signe de la suivre.
- Allons-y !
- Allons-y, s'il te plaît.
Elle lui lança un regard agacé.
- Rabat-joie !
Il la suivit dans les escaliers. Arrivé à la porte de sa chambre, il dit :
- Je parie que tout est rose et à froufrous là-dedans.
- Plus tu parles, plus tu sors de conneries du trou que tu appelles une bouche.
Il claqua sa main sur sa poitrine d'un geste dramatique.
- Tu me vexes, Épine.
Helena hocha la tête et ouvrit la porte.
Andrew balaya la pièce du regard et son expression révéla une pointe de déception. Elle sourit.
- Déçu ? Pas de rose et pas de froufrous.
- Des vêtements amples, des cheveux violets et une chambre triste… Je me demande si tu es une fille normale ?
- mm mm.
*****
Jusqu'à présent, Andrew et Laura avaient gardé secrets les détails de leur appartement. Ils voulaient la surprendre et ils avaient réussi. Ses yeux s'écarquillèrent à la vue de l'immeuble en briques rouges, ressemblant à une forteresse. Vivre dans un château n'était peut-être pas une mauvaise idée, surtout qu’ils avaient des fenêtres surdimensionnées donnant sur le paysage urbain.
- Ouah, l’appart est là-dedans ? demanda-t-elle.
Andrew la regarda avec un soupçon d'amusement.
- Tu aimes ?
Elle se retint de sauter sur place et afficha un visage légèrement désintéressé.
- Tant que je n’ai pas vu l’intérieur, c'est difficile de juger.
- Ne vous inquiétez pas, Votre Altesse, nous l'avons choisi en prenant en compte tout ce que vous aimez.
Elle lui lança un regard perçant et il lui tira la langue. Elle se demandait si sa décision d'emménager avec ses deux meilleurs amis était une bonne idée.
Andrew ouvrit la porte vitrée et la laissa entrer en premier. Elle évalua le hall d'entrée blanc et simple. Un gardien potelé au comptoir près de l'ascenseur les ignora. Si une chose arrivait, elle savait qu’il ne lui proposerait pas son aide.
- Reviens sur terre.
Le visage d'Andrew apparut à quelques centimètres du sien. L'odeur de son après-rasage frais emplit ses narines, alors que ses yeux vert forêt la fixaient.
- Est-ce que tu veux visiter l'endroit ou non ?
Elle sentit ses joues chauffer. Espérant mettre fin à son embarras, elle se dirigea vers l’ascenseur où elle écrasa le bouton jusqu'à ce que les portes s'ouvrent, avant d’entrer dans l’enceinte métallique.
Avec un petit rire, il appuya sur le bouton et l’ascenseur se mit à bouger.
Au cinquième étage, le sol était couvert d’un tapis vert mousse et les murs étaient tous blancs. Le soleil du matin des tons bleus dans le couloir des tons bleus. Arrivés à la porte de leur appartement, Andrew glissa une carte-clé au-dessus de la poignée.
Helena posa un pied à l’intérieur et ses chaussures de course grincèrent sur le parquet poli. À chaque pas, ses yeux s'écarquillaient encore plus et elle se retrouva très vite dans un salon spacieux. Deux confortables canapés en cuir et une grande télévision LED accrochée au mur, ainsi que des photographies de monuments de la ville et de rues célèbres. Elle aimait même le détail de la petite ballerine en céramique sur la table basse.
- C’est combien, le loyer ? demanda Helena.
A Dublin, impossible de louer un appartement aussi spacieux sans débourser une fortune.
- Le père de Laura est propriétaire du bâtiment et, comme il aime beaucoup sa fille… disons qu'il nous a laissé l'appartement à un prix abordable.
Helena leva un sourcil.
D'un pas furtif, Laura émergea derrière eux et tapota Helena sur les épaules.
- Heureuse de te voir. Où sont tes affaires ?
Helena essayait de contrôler son excitation. Andrew tapota la tête de Laura et se mit à jouer avec ses boucles blond vénitien.
Laura Quinn n'était pas grande, 1m 50, mais sa taille était compensée par sa personnalité. Se disputer avec elle était comme se battre nue et seule contre une horde de sauvages. Helena se rappela la fois où elles avaient débattu sur le possible vainqueur d’un concours de chant. Sa défaite avait été tournée en une frasque, se décolorer les cheveux et se les teindre en violet lors d'une soirée pyjama.
- Je croyais que tu allais nous aider, déclara Andrew.
Laura fit la moue.
- J'ai trop mal aux bras d’avoir porté mes affaires… Elle lui pointa l`index contre la poitrine, puisque tu ne t'es pas donné la peine de m'aider.
Andrew leva les mains comme pour se rendre.
- Hé, je suis allé chercher Épine. Elle n’a pas de voiture, contrairement à toi. Je parie que si tu voulais de l'aide, tu aurais facilement pu convaincre le gardien de jouer le rôle d’esclave.
- Très drôle, ce n’est pas mon genre.
Helena se frotta les yeux. Ces deux-là avaient trop d’énergie et il n’était même pas dix heures.
- J'ai besoin de la carte-clé et des clés de la voiture.
- Ne t'inquiète pas, Épine, je ne vais pas t'abandonner et te laisser porter tes cartons extrêmement lourds toute seule, dit Andrew.
Laura croisa les bras.
- Très bien ! Mince ! Il faut que je vous donne un coup de main.
- Excellent ! Plus on est fous, plus on rit.
Helena se dirigea vers la porte et Laura se mit en travers de son chemin.
- J'ai oublié de te demander, comment ça se passe ta recherche d’emploi ? Est-ce que t’as besoin d'aide ?
- Non, merci. Je me débrouillerai toute seule.
- Très bien, n’hésite pas à m’en parler si tu as un problème. Ah, je vais te faire visiter l'étage pendant qu'Andrew va chercher tes affaires.
Laura n’attendit pas sa réponse et la traîna presque dans l'escalier métallique.
- Hé, qui va me donner un coup de main ? cria Andrew après elles.
Laura se pencha par-dessus la rampe.
- On viendra t’aider une fois que j’aurai montré sa chambre à Helena.
- Ouai et ça n'a rien à voir avec le fait que tu sois trop paresseuse pour donner un coup de main. Alors, tu lui apprends à glander comme toi ?
- On te rejoindra en bas dans quelques minutes, hurla Laura en retour. Elle traîna Helena et la poussa dans une pièce sur la gauche.
- Qu'en penses-tu ?
Le cœur d’Helena fondit de bonheur. La chambre était très bien éclairée avec des murs bordeaux. Des draps bleu pâle recouvraient le lit double placé entre deux tables de chevet brun orangé. Le mobilier n’était pas vraiment à son goût. De la fenêtre, on voyait la mer d'Irlande et elle poussa un léger soupir.
- Je savais que tu l’aimerais. J'ai dû lutter contre mon instinct intérieur pour te laisser cette chambre.
- Ce paysage est superbe, mais pourquoi tu fais ça ?
Laura lui fit un clin d'œil.
- Tu peux prendre ça comme un pot-de-vin.
Helena savait ce qui allait suivre. Laura manigançait quelque chose et c’était pour elle une tentative minutieuse pour lui lécher les bottes en faisant semblant d’être altruiste. Elle attendit que son amie reprenne son souffle.
- Ne le prends pas mal, Hel, mais que penses-tu d’Andrew ?
Helena haussa un sourcil. Elle s'attendait à une chose comme des tâches ménagères ou l'aider à faire ses devoirs, mais pas du tout à ça.
- C’est juste un copain ?
Laura tapa du pied sur le doux tapis noir.
- Je veux dire en tant que mec. Est-ce qu'au moins tu le considères comme appartenant au sexe opposé ?
Helena fronça légèrement des sourcils.
- Où veux-tu en venir ?
- Ok, répondit Laura en roulant les épaules comme pour se préparer à une bagarre. J’ai été surprise lorsqu’il m’en a parlé. Qui aurait pu le croire ? Et moi, en tant que meilleure amie, je crois que je pourrais arranger les choses entre vous. Au début, j'avais quelques appréhensions. Est-ce que tu comprends où je veux en venir ?
Helena fronça encore plus des sourcils.
- Est-ce que tu peux être un peu plus claire, s'il te plait ?
- Bon Dieu, Hel, tu comprends vite lorsqu'il s’agit d’autre chose que de romance. En gros, Andrew m'a demandée si tu l'aimais bien.
- Oh…
Elle n'avait pas du tout pensé à ça. Andrew ne pouvait pas s'intéresser à elle. Bien sûr, il la taquinait tout le temps et il l'appelait par son surnom. L'idée de sortir avec lui, lui semblait aussi bizarre que de faire du sport. Mais était-ce une bonne idée ? Elle avait entendu trop d'histoires de disputes entre amis dès qu’ils sortaient ensemble.
- Très bien, je vois que tu es entrée dans ton propre petit monde, lui dit Laura.
- Je ne sais pas quoi te répondre. Je veux dire, je…
- Tu n'y a jamais pensé.
Helena hocha la tête.
- Eh bien, réfléchis-y. On a encore du temps. Maintenant, on ferait mieux d'aller l'aider, sinon il nous fera une plaintathon.
Helena renifla.
- Je pensais que c'était toi la pro pour faire ça.
- Je m'en souviendrai, Épine. Maintenant, allons-y !
*****
Vers vingt heures, Helena décida d’aller dans sa chambre sans attendre la livraison des plats chinois qu’ils avaient commandés. La vue splendide par sa fenêtre disparut lorsqu'elle alluma la lampe de chevet.
Enfin, un peu de paix, pensa-t-elle en cherchant dans sa valise le journal.
Helena feuilleta les pages, fascinée par les détails des dessins, jusqu'à ce qu'elle tombe sur l'écriture familière. Elle essaya de lire le texte en russe. Concentrée sur le journal, elle n’avait pas entendu les coups sur la porte. La porte s'ouvrit et elle ferma brusquement le journal et le glissa d’un geste rapide sous son oreiller.
- Oui ? demanda-t-elle à Laura.
- La bouffe est arrivée. J'ai appelé et j'ai frappé, mais…
Laura rentra et ferma la porte derrière elle.
- Qu'est-ce que tu lisais ?
Helena réfléchit à une réponse, elle ne voulait surtout pas que Laura pense qu’elle était folle de lire ce genre de chose.
- C'est juste un truc que j'ai trouvé dans mon grenier.
Les lèvres de Laura s’étendirent en un sourire narquois.
- Je parie qu’il s’agit des escapades amoureuses de ta mère.
Laura était une bonne amie, mais souvent sa curiosité la poussait à empiéter dans l’intimité des gens. Helena savait que Laura n’arriverait pas à le lire, mais elle savait qu’elle ne baisserait pas les bras. Grâce à l'internet et aux logiciels en ligne, tout pouvait être traduit. Alors, Helena joua le jeu.
- C'est embarrassant.
- Je le savais !
Laura s'avança à grands pas avec une main tendue vers le journal. Helena se redressa et serra les épaules de Laura.
- La bouffe va être froide.
- Très bien, mais tu me raconteras les détails dégoûtants plus tard.
- Bien sûr !
Helena poussa son amie hors de la pièce et appela mentalement Michael.
Il lui répondit aussitôt.
- Quoi ? Qui a-t-il ? Tu as l'air bouleversée.
- On doit parler de ce journal.
2
Domaine des destins
Il faisait nuit. À sa connaissance, tout le monde dormait. Elle faisait les cent pas autour du lit, les bras croisés, son esprit n’arrêtant pas de cogiter.
- Que veux-tu dire ? demanda-t-elle à Michael.
Il ne répondit pas et la regarda comme s'il souffrait.
- Me caches-tu un autre secret ? Il est mon vrai père. S'il a été pris par le monstre mentionné dans le journal de grand-mère, je dois savoir…
Elle cligna des yeux pour chasser ses larmes.
- ... il y a des chances qu'il ne nous ait pas abandonnés...
- Helena, commença Michael sur un ton apaisant.
Elle lança ses mains en l'air.
- N'essaye pas de me calmer et dis-moi comment le retrouver !
Retenant un juron, elle se rappela qu'elle devait se taire, une chose difficile à faire à chaque seconde qui passait. Elle inspira pour calmer sa colère.
- S'il te plaît, dis-moi quelque chose. N'importe quoi !
- Allonge-toi.
Elle hocha la tête.
- Je ne suis pas d'humeur à me détendre.
- Si tu veux vraiment savoir où il est, je ne peux pas t’en empêcher. Je vais t'aider à le faire, mais tu dois te concentrer.
Helena plissa des yeux. Elle étudia son visage impassible. Comme d'habitude, ses traits étaient neutres. Elle ne savait pas si c’était un stratagème pour qu'elle se calme ou s'il pensait vraiment ce qu'il disait. Elle décida de l'écouter et se laissa tomber sur les draps doux en lin.
- Ferme les yeux, dit Michael.
- Pourquoi ?
Il disparut et continua à s’adresser à elle mentalement : Tu dois écouter mes conseils sans poser de questions.
Helena se mordit la lèvre inférieure et s’exécuta.
- Maintenant, concentre-toi sur ma voix et visualise ton corps à l'intérieur d'une bulle ou à un endroit où tu te sens en sécurité.
En quelques secondes, elle s'imagina une sphère en acier. Une bulle d’air ne la mettrait pas en sécurité. Elle planait dans ses limites confinées tandis que l'obscurité troublante l'encerclait. Être suspendue dans les airs la mettait mal à l'aise, elle utilisa donc les mêmes principes pour faire apparaitre un sol en damier sous ses pieds.
Michael apparut à ses côtés. Son corps émettait une faible lueur qui apaisa ses nerfs.
- À quoi ça sert ? demanda-t-elle.
- C'est un bouclier mental. Ça te protégera.
- Me protéger de quoi ?
- Il fait noir ici, dit-il, essaye de créer de la lumière.
Helena le fusilla du regard. Elle avait peur qu'il change d'avis et qu’il refuse de l'aider. Si cela pouvait être considéré comme une aide. Elle prit une profonde inspiration et se concentra à nouveau. Une luminosité afflua au-dessus de sa tête.
Michael se rapprocha du mur et elle l’imita. Il toucha la surface lisse et dit des mots incompréhensibles.
- Je vois que tu préfères le métal comme protection. Beaucoup utilisent des éléments ou des forteresses imposantes pour se protéger. Certains érigent même plusieurs couches, sur lesquelles nous devrions travailler plus tard.
Elle avait de nombreuses questions à lui poser.
- Qui ferait ça ?
La grande main chaude de Michael se posa sur sa tête et lui fit voir un sourire fantomatique.
Ses yeux sortaient de leurs orbites.
- Tu peux me toucher ?
- Ton corps est uni à ta structure physique dans laquelle je ne peux pas agir. Mais ici, ton esprit entre dans l'une des structures que je peux atteindre, répondit-il. Je ne suis pas le seul à pouvoir t'atteindre ici, c'est pourquoi je t'ai demandée de créer ta propre couche de protection. Cette couche utilisera une partie de ton énergie pour te protéger, alors ne sois pas étonnée si tu te sens fatiguée.
- Très bien, et c’est quoi la prochaine étape ?
- Tu prends ma main et nous allons voyager dans mon royaume. Tu ne dois pas t’éloigner de moi, sinon je ne pourrais pas masquer ta présence.
Elle mit sa main dans la sienne et il la serra de ses doigts fins. L'air grésillait d'énergie qui les encerclait pour les dissimuler.
D'un geste rapide, Michael l'attira dans son étreinte. Une seconde plus tard, les boucliers fondirent et ils se retrouvèrent dans une vaste chambre avec de hauts piliers en ivoire. Un réseau désordonné géant de fils multicolores entrelacés formait le « plafond ». Au sol, ils étaient disposés en rangées soignées et interminables, maintenues en place par des cadres à tisser couleur or. Le sol couleur ébène brillant ressemblait à un miroir inversé reflétant l'intégralité de la chambre.
Elle s'éloigna de lui et regarda la bouche bée tout ce qui les entourait.
- Où sommes-nous ?
- Au royaume des anges, le domaine des destins.
Helena détourna ses yeux de la toile colorée.
- Et si quelqu'un nous trouve ici ? Tu ne vas pas avoir des ennuis ?
- Cet endroit n'est plus utilisé par les dieux.
- Les dieux ? Il y en a plus d'un ? Les personnes croyantes seraient vraiment déçues de l’apprendre.
Michael admirait le plafond avec une émotion cachée qu’elle n'arrivait pas à cerner.
- Autrefois, un seul créateur existait. Il avait vécu si longtemps que même lui-même avait oublié ses origines. Il s'était alors divisé en plusieurs divinités inférieures pour expérimenter des choses. Pour lui, le sexe, l'âge, la couleur de peau ne semblaient pas avoir de l'importance.
Ses paroles se perdirent dans l’exaltation.
- C’est le résultat final qui est important - une leçon à apprendre.
Sur sa gauche, un fil gris vibra. Elle tendit la main pour le toucher, mais Michael se mit en travers de son chemin et hocha la tête.
- On ne touche pas !
Elle fronça des sourcils.
- Pourquoi pas ? Ce n’est qu’une corde.
- Ce ne sont pas des cordes. Ce sont les liens avec des êtres de la Terre.
Confuse, Helena se tut. Il ne pouvait pas être sérieux. Elle se tourna et se concentra sur les cordes. Le blanc était la couleur la plus répandue. Quelques gris, noirs et rouges ressortaient çà et là. Plus loin, une corde dorée se démarquait de ses voisines monochromes, telle une balise. Elle plissa des yeux pour essayer de voir ce qui se trouvait au-delà, mais les cordes se sont dissoutes en un brouillard blanc, trop épais pour qu'elle puisse voir à travers.
- Que signifient les couleurs ?
Michael étudia son expression avide et soupira.
- Le blanc est un humain normal. Une nuance de gris représente une personne influencée ou utilisée par les ténèbres, ou peut-être une forme d'être surnaturel. La couleur noire appartient à des créatures des ténèbres, tels que des mangeurs d'âmes, certains démons, des monstres qu’on ne devrait jamais croiser dans ton royaume.
Elle pointa du doigt une corde et s’en approcha.
- Et la dorée, là-bas ?
- Des saints, dit-il comme si le mot expliquait tout par lui-même.
- Que sont-ils ? Des personnes saintes ?
- Je ne peux pas t’en dire plus.
Helena se mordit la lèvre, elle voulait vraiment en apprendre plus. Cette expérience était pour elle toute nouvelle. Pourtant, au fond d'elle, une chose la dérangeait. C'était comme si elle avait oublié une chose.
Une corde rouge-sang se démarquait dans la rangée de blancs et de gris.
- Et la rouge ?
- Des vampires, cracha Michael le terme comme si c'était une chose dégoûtante.
La corde écarlate avait retenu son attention. Une énergie bizarre la traversait. Helena avait lu beaucoup d'histoires sur le folklore et les créatures mythiques, mais ce qui l’avait toujours fasciné le plus étaient ces êtres suceurs de sang. Enfin, elle avait la chance d'en apprendre plus sur le monde de Michael.
En se rapprochant, elle réalisa que la corde n'était pas tout à fait rouge. Un liquide riche et cramoisi longeait la corde.