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Actrice
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Actrice

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- En général parce que les alternatives sont trop tragiques à supporter.

Elle se leva et enlaça Mai d’une façon étrange :

- A sept heures, ici, demain.

- Tu pourrais aussi bien déménager à ce rythme-là.

Billie lui lança un regard étrange, puis alla chercher son manteau.

Dans la chambre, il y avait un texto d’Eric : Interview demain. Appelle pour convenir de l’heure. Doigts croisés. Tarragon.

Elle ressortit ses vêtements paysans et les prépara pour le lendemain matin. Et elle prépara une explication pour la journaliste sans doute hyper hip-hop de Daily Paper, qui s’attendrait à rencontrer une actrice portant la dernière création de mode. Mai devra probablement la convaincre que le chemisier était de Jonathan Anderson, même s’il n’était pas assez large.

Elle savait d’avance que ça se passerait mal.

CHAPITRE SEPT

Après avoir peiné pour monter la colline, ils méritaient leur café. Geraldine s’était installée à une table pendant que Joan alla au comptoir. Elle revint avec deux cafés crème fumant dans une protection en carton. Elle marchait légèrement en diagonale, comme poussant un chariot de supermarché dont la roue est cassée, pour essayer de conforter son genou bancal.

Geraldine était excitée par le bruissement sonore de la station Brighton, comme toujours. Elle aimait bouger, voyager, l’idée de se retrouver à un endroit pour un temps puis à un autre différent à peine une heure après.

Craig n’avait jamais compris cela. Il était son opposé – un pantouflard devenu agité – si bien qu’il n’était jamais relax où qu’il était. Voyager n’était que de l’argent dépensé pour être malheureux ailleurs. Bien que bien sûr malheureux fût son émotion favorite, la ritournelle répétée, la touche de retour à la position initiale, les deux lignes du niveau à bulle que sa petite bulle d’équilibre cherchait constamment. Si je ne suis pas malheureux, je devrais l’être, semblait être la mélodie. Il était mort d’une crise cardiaque sur un terrain de golf, mais l’attaque a été réalisée par un cœur qui était trop lourd pour l’âme.

Elle n’avait pas pensé à Craig depuis presque une semaine – presque un record. C’était probablement parler à Mai qui l’a amené à repenser à lui. Le sucré qui relance la rage de dents.

Joan, une voisine aux larges hanches avec une envie presque pathologique de dépenser de l’argent, essayait d’attirer son attention. Elle était parfois déférente à l’égard de Geraldine d’une manière qui était énervante, mais au moins sa présence rendait les voyages moins solitaires.

- Dis-moi, la muette – que pense Mai de la compétition ? Ce serait un rôle génial, non ? Deannah, je veux dire.

Geraldine reconnut l’étincelle dans les pupilles de Joan, la petite lumière de désir qui apparaissait dans le regard des personnes qui s’approchaient d’une célébrité. Elle avait vu cela lui arriver, il y a des années, lorsque son visage était constamment sur les couvertures de magazines et les magazines de cinéma – la façon dont les hommes et les femmes parfaitement ordinaires se rabaissaient, s’amoindrissaient, devenaient plus petits, plus effacés lorsqu’elle se trouvait dans leur orbite. En étant la mère de Mai, elle savait exactement comment c’était de se trouver au bout de la ligne d’une telle auto-négation et avait fait de son mieux au cours des deux dernières années pour garder Mai attachée au sens de la banalité et du terre-à-terre.

- C’est une publicité, dit-elle. C’est une chose qui te poursuit sans que tu aies fait quoi que ce soit. C’est comme lorsque tu vas au cirque – plusieurs manœuvres se déroulent en coulisses pour empêcher que les animaux et les clowns tombent de leurs vélos. Mais tu ne remarques jamais la manœuvre, pas vrai ? C’est ça la publicité – une machine invisible qui dirige ton monde. Et tu ne la remarque jamais jusqu’au jour où elle t’attaque. Ou te détruise.

Joan refusa d’être distraite.

- C’est très bien présenté avec tes métaphores fantaisistes, jeune femme, mais tu n’as pas vraiment répondu à ma question. Mai, veut-elle ou non du rôle ?

Geraldine la préférait ainsi, persévérante dans la poursuite des ragots, parce qu’elle était moins flatteuse.

- J’aime le rôle de la jeune femme, dit-elle. Tu peux l’avouer. Maintenant, c’était quoi la question ?

Joan lui donna un petit coup sur le bras.

- Tu as quarante-cinq ans et tu es toujours magnifique. Moques-toi de moi comme tu veux, mais tu ne peux ignorer le fait que toi et Mai êtes la royauté pour certaines personnes.

Geraldine courba les coins de sa bouche.

- Quoi, moi et mes deux films ? Une demi-douzaine d’émissions de télé et deux longues séries dans West End ? Tu devrais sortir plus souvent, Joanie.

- C’est exactement pour cette raison qu’on est ici, aujourd’hui, non ? Arrête maintenant de m’insulter et bois ton café. On a cinq minutes.

La ligne de Brighton à Londres se déroulait par sa fenêtre tel un film qu’elle avait regardé une douzaine de fois. Elle essaya de repérer des changements dans le montage – un nouveau lotissement à proximité de Haywards Heath, un rond-point rajouté au sud de East Croydon – mais le paysage était resté tristement le même. Elle avait besoin de partir, d’aller au soleil, de prendre du temps juste pour elle et sans que le poids de Mai ne lui pèse sur les épaules. Mai ne lui avait jamais demandé son aide, pas même à l’âge de seize ans. Mais Geraldine savait qu’elle en avait besoin. Elle était une jeune fille occupant un métier qui les redressait puis les écrasait. La nouveauté était tout, à moins que vous n’arriviez à prouver que vous aviez une chose différente. Un talent pour distraire, comme on dit. Mai avait du talent. Elle avait hérité quelque chose de ses parents et l’avait recueillie en elle, digérée et ensuite utilisée pour créer…quoi ? Qu’a-t-elle vraiment fait, et comment elle, sa mère, pourrait-elle le voir ? Elle aurait dû être aguerrie devant l’exposition des sentiments de sa fille et se dire que rien n’aurait d’impact sur elle. Elle aurait dû voir tout cela, toutes les inflexions, chaque prétention à l’enthousiasme ou au chagrin.

Mais Mai arrivait toujours à la surprendre. Elle avait l’air d’avoir trouvé un point en elle où elle avait vu une chose, entendu une chose, ressenti quelque chose… et ensuite découvert une façon de rendre cela visible d’une nouvelle façon. C’était ça le talent artistique. C’était une chose que Geraldine n’avait jamais vraiment eu – chez elle, c’était un mélange d’apparences et un certain courage nerveux qui avait persuadé les gens qu’elle jouait. Avec Mai, c’était aussi difficile que si elle fût embarquée par une force étrangère pour devenir une personne différente. Une personne que même sa mère ne reconnaissait pas.

Clapham Junction, le dernier arrêt avant que le train n’avance péniblement en passant au-dessus de la rivière et qu’il arrive à Victoria, un autre brouhaha d’acier et un million de bruit de pas.

- A quelle heure tu as rendez-vous avec elle ? demanda Joan en ramassant son manteau et son sac.

- Six heures. On a donc huit heures pour faire les boutiques jusqu’à l’abrutissement.

- Je vais à Oxford Street et les chevaux sauvages ne m’en empêcheront pas, à moins Dominic West chevauche l’un d’eux.

- J’aurais pu me le faire.

La bouche de Joan s’ouvrit mais elle se ressaisit à temps, se rendant compte qu’elle la taquinait à nouveau.

- Peuh. Dans tes rêves. Alors dis-moi, qu’est-ce que tu vas dire à Mai ?

Geraldine sourit, ramassa son sac sans rien dire. Ce qu’elle avait à dire à Mai ne concernait qu’elle. C’était une chose qui serait, espérait-elle, une arme secrète dans la tentative de Mai à gagner le rôle de Deannah.

Mais son pouvoir provenait de son secret, elle ne pouvait donc le dire à personne.

Pedro avait une réunion et la pièce languissait. Le vendredi après-midi était libre.

Il se tenait à l’avant du hall de l’école, les mains jointes devant lui comme un pasteur apportant de mauvaises nouvelles :

- Cette après-midi, je dois vous laisser, mais on reviendra lundi matin avec de nouvelles idées et une énergie fraîche. Merci pour le travail que vous avez accompli cette première semaine. Il nous reste encore trois semaines pour bâtir notre château.

Il se retourna et partit avec une petite femme mate qu’on avait dit être son agent. La porte claqua derrière eux et une personne lâcha un hourra voilé, puis tout le monde se mit à remballer.

- Il se prépare pour une série télévisée en Espagne, dit Lucy. Les deux premiers épisodes. Lui et Almodovar. Je sais dans quoi mon argent est dépensé.

- Pourquoi suis-je toujours la dernière personne à apprendre ces choses ? demanda Mai.

- Peut-être parce que ça ne t’intéresse pas, dit David en se penchant. Je veux dire cela dans le bon sens.

Alors que les autres avaient ramassé leurs affaires et étaient partis, Mai se dirigea vers l’arrière de la salle et appela Eric.

- Je suis libre maintenant pour une interview. Est-ce qu’on peut arranger une rencontre ? Quelque part dans le centre, s’il-te-plait, nom de Dieu, un endroit où ils ont un chauffage.

- Je te rappellerai.

Elle déambula en direction de la porte principale et la referma derrière Linda, qui était la dernière personne à sortir. Elle était accompagnée d’une assistante qui portait son sac et parlait au téléphone en précédant Linda à sa voiture. Bien qu’elle n’ait jouée dans aucun film depuis cinq ans, Linda agissait comme une Norma Desmond des comtés, royalement impérieuse. Alors que la vieille actrice descendait le chemin menant au portail de l’école, Mai s’éloigna de la porte et essaya d’imiter sa démarche, en se balançant d’une hanche à une autre. Elle réalisa que l’astuce était de garder sa colonne droite et ses épaules en arrière, en mettant un pied directement devant l’autre. Cela lui donna le sens d’un savoir-faire et d’une supériorité équilibrée qui lui était indispensable. Et si elle levait la tête tout en regardant son nez, elle y ajouterait alors un soupçon de mépris.

Son téléphone.

- Une heure, à The Living Room. Pas celui à Tower Bridge. Une personne qui s’appelle Desrée Delong. S’il-te-plait, ne te moque pas d’elle.

- Qui moi ?

- Dès la première occasion.

- Comment je la reconnaîtrai ?

- Ne t’en fais pas, tu es Mai Rose, elle te reconnaîtra.

Desrée Delong était assise à une table à deux battants non loin du bas des escaliers. Elle leva la main lorsqu’elle aperçut Mai traversant le sol en marbre en talonnant. Heureusement qu’ils étaient loin du piano blanc au fond de la pièce. Mai détestait la musique de bar. Ça lui faisait penser aux hommes hypocrites chantant des chansons romantiques clichés à des femmes qui s’ennuient et qui auraient pu trouver mieux à faire.

Mlle Delong avait des cheveux blonds raides contre des joues roses et des sourcils stratégiquement foncés qui formaient une harmonie colorée et bien planifiée. Une bague en argent oscillait au bord de sa paupière droite, scintillant à chaque fois qu’elle clignait des yeux. Ce qu’elle faisait rarement, ayant l’un des regards le plus direct et le plus concentré que Mai ait jamais vu. C’était comme si avoir été épinglé pour une accusation dont on n’arriverait jamais à corriger l’erreur.

Mai s’assit avec une appréhension. Chaque interview qu’elle avait eu se terminait avec un sentiment de culpabilité, soit parce qu’elle avait dissimulé des choses ou parce qu’elle en avait trop dit et forcément finissait par blesser les sentiments d’une personne après la publication de l’article. En regardant les ongles d’un demi-pouce roses à bords blancs de Mlle Delong, elle n’avait pas beaucoup d’illusions à ce propos.

Civilités. Ravie de vous rencontrer. Un verre. Vous êtes déjà venue ici ?

Finalement, Mlle Delong posa son téléphone sur la table et appuya sur un bouton d’enregistrement virtuel de ses longs doigts allongés. Une application démarra.

- Alors, Mai, nos lecteurs aimeraient savoir pourquoi vous avez abandonné Amberside Terrace. On a entendu qu’il y avait eu des tensions sur le plateau – est-ce vrai ?

Ça a commencé ainsi…

- C’est absolument faux, Desrée. Nous nous sommes tous très bien entendus. J’ai seulement senti qu’après deux ans, j’avais besoin d’essayer une chose différente, élargir un peu mes horizons.

- Alors, vous avez trouvé cela ennuyeux ?

- Non, je n’ai pas dit cela. Et je n’ai pas du tout eu ce sentiment. Mais je suis encore une jeune fille et j’ai senti que je voulais essayer des personnages différents et des environnements… différents.

Desrée semblait être confuse.

- Mais tout est comédie, n’est-ce pas ? Tout est de la scène. Ne preniez-vous pas un risque à quitter l’un des plus populaires feuilletons pour la scène de West End ?

- N’oubliez pas que j’ai déjà tourné dans Tornado, j’étais déjà prête à quitter la télévision.

- Et quand celui-ci sortira ?

Mai lui donna la date.

- C’est environ dans trois semaines, ajouta-t-elle aimablement. Ne devrions-nous pas parler de Deannah ?

- Oui, bien sûr. Avez-vous lu le livre ?

- Naturellement, qui ne l’a pas fait ? J’ai adoré et j’ai adoré le personnage de Deannah. Elle est obstinée et doit se déplacer entre deux différents genres de vie, entre une vie normale et une où elle est apparemment princesse.

Desrée adopta son regard sournois.

- Vous devez être habituée à cela. Après tout, vous êtes une personne en chair et en os, comme je le vois. Mais vous avez vécu une vie de princesse pendant ces deux dernières années, n’est-ce pas ?

- Je ne dirais pas exactement ça…

- Mais vous aviez une voiture qui vous conduisait au studio, plusieurs privilèges de frais payés, des hommes très gentils voulant vous inviter à sortir.

Mai utilisa sa ruse de ‘rire de l’insulte mal dissimulée’, la tête légèrement rejetée en arrière, la bouche ouverte, une hypocrisie scintillant dans ses yeux tels de faux diamants.

- Je dois toujours me réveiller le matin, préparer mes repas, laver mes vêtements. Ne croyez pas à tout ce qu’on vous raconte dans les journaux.

- Alors pourquoi devrions-nous vous croire, lorsque vous dites que vous voulez ce rôle ?

Ah, le poignard tiré, l’agenda révélé.

- Parce que j’ai lu le livre il y a quelques mois et j’ai pensé que s’ils en faisaient un film, j’aimerai avoir une chance de jouer dedans. Comme la plupart des jeunes filles, je connais Deannah et ses désirs, ses difficultés. Je crois que je pourrais jouer ce rôle de manière parfaite.

Les yeux de Desrée avaient à peine quitté le visage de Mai. Ils étaient maintenant fixés ailleurs comme si elle lisait une nouvelle partie du script ou recevait des instructions du centre de contrôle. Son sourire s’élargit en se retournant. Mai sentit une froideur avant qu’elle ne reprenne.

- Apparemment Beatrice Kirwan, l’auteur du livre, a dit qu’elle aimait bien Helena Cross. Qu’en pensez-vous ?

Corrige ton sourire, concentre-toi sur les yeux.

- Helena ferait une très bonne Deannah. Une blonde, certes, alors que le personnage était nettement…

- Elle pourrait porter une perruque.

- Elle pourrait également perdre du poids. Mais va-t-elle le faire ?

Un choc fut enregistré sur le visage de Desrée. Un rapide coup d’œil à l’application pour vérifier que l’enregistrement était toujours en cours.

- Êtes-vous en train de dire qu’elle est trop… grosse pour jouer Deannah ?

Mai sourit :

- Je ne crois pas avoir dit cela. Nous parlions de la façon dont les acteurs dans le film doivent changer leur apparence de temps en temps. Je me suis coupé les cheveux, vous l’avez peut-être remarqué.


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