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Le Sang Rival
Amy Blankenship
Étant de l'espèce des loups-garous, Jade a toujours pensé que les mâles Alpha n'étaient rien d'autre que des créatures égoïstes, des brutes sanguinaires et des machos, qui utilisaient les membres de la meute comme tremplin vers la place de roi de la colline. Elle devrait le savoir. Son frère, son fiancé, et son kidnappeur étaient tous des Alpha de la pire espèce. Détenant ainsi toutes les preuves désignant les Alphas comme de mauvais sujets, Jade jure de ne jamais faire confiance à l'avenir au moindre loup-garou… et encore moins de se sacrifier pour l'un d'entre eux. Elle lutte pour tenir cette promesse lorsqu'elle se voit secourue par un Alpha aux cheveux blonds, aux yeux bleus et au corps de dieu grec. Peu importe la difficulté de son combat, Jade redoute que ce même Alpha ne cause un jour sa perte.
Amy Blankenship, RK Melton
Le Sang Rival
Le Sang Rival
La Saga des Liens du Sang – Livre 10
Amy Blankenship, RK Melton
Traduit de l’américain au français par Virginie Eymard
Copyright © 2012 Amy Blankenship
Edition française publiée par Tektime
Tous droits réservés
Chapitre 1
Onze ans plus tôt, au sanctuaire de la propriété d’Hogo, Los Angeles.
Tasuki trouvait le silence de la maison assourdissant. Il avait l’impression que ça allait le rendre fou et n’arrivait pas à dormir. Se levant pour sortir de son lit, il alluma la lumière de sa chambre pour pouvoir regarder la photo placée sur le rebord du miroir, juste au-dessus du bureau, sur laquelle on pouvait y voir Kyoko, la sœur de son meilleur ami. Il l'avait piquée chez eux, quand personne ne le regardait.
Cette photo avait été prise au moment parfait : Kyoko se tenait sous le soleil, et on pouvait admirer ses beaux yeux vert émeraude. Ce jour-là, il devait y avoir du vent, parce qu'on aurait dit que ses cheveux s’envolaient autour d'elle, encadrant parfaitement son joli visage.
Jusqu’à maintenant, il n'avait jamais voulu de petite amie. Mais la jeune fille qui était sur la photo et qui le regardait fixement était celle à qui il pensait tout le temps. Il tendit une main pour toucher la photo, mais la laissa en suspens lorsqu'il vit quelque chose de blanc bouger dans le reflet du miroir. En se retournant, il alla jusqu’à la fenêtre pour regarder la maison d'à côté.
Il fronça les sourcils en voyant Kyoko vêtue d'une chemise de nuit blanche debout sur son balcon. Que faisait-elle dehors à une heure aussi tardive ? Il ouvrit sa fenêtre en priant pour qu'elle ne grince pas… le bruit risquait de réveiller son père. Il gémit un instant, parce qu’il réussit à la coincer et dut la pousser un peu plus fort pour qu'elle s'ouvre encore plus, ce qui causa un bruit sourd et fort.
Kyoko se tenait sur la petite terrasse en bois attenante à sa chambre, au deuxième étage. Elle venait respirer l'air frais de la nuit. Un vent léger faisait voleter sa chemise de nuit qui lui descendait jusqu’aux genoux et ses longs cheveux auburn semblaient flotter autour de son visage. Ses yeux d'émeraude fixaient les étoiles et ses lèvres formaient le genre de sourire que seule une jeune fille heureuse pouvait faire.
Il était presque minuit et elle ne pouvait pas dormir. Elle était trop excitée. C'était presque son anniversaire. Elle allait en effet bientôt avoir dix ans. Tous ses amis de l'école allaient venir à sa fête, même certains amis de son frère, Tama. Tama avait un an de moins qu’elle et pourtant, il était déjà beaucoup plus grand, mais cela ne la dérangeait pas, parce qu’elle l’aimait beaucoup.
Il avait pris sa défense, l'autre jour, lorsqu’ils rentraient à pied de l'école. Des garçons avaient commencé à l’embêter en prétendant qu'elle était élevée par un vieil homme fou qui disait à tout le monde que les démons existaient pour de bon. L'un d'eux était même allé jusqu'à dire qu'il avait entendu son père dire à sa mère qu'il ne faudrait pas longtemps avant que les gens de l'asile de fous viennent chercher son grand-père dans une camisole de force. Kyoko avait jeté son sac par terre pour le plaquer au sol en le traitant de menteur. Yohji avait vraiment été méchant ce jour-là !
Ces petites brutes n'eurent plus aucune chance quand Tama et Tasuki apparurent soudain. Tasuki l'avait écartée de la mêlée en la poussant derrière lui pendant que Tama s’était saisi d’un gros morceau de bois qu’il tenait comme une batte de baseball.
Yohji avait simplement ri pour ne pas avoir l’air d’une poule mouillée devant ses amis. Puis il accusa Tama d'être un monstre, tout comme sa sœur. Tama le frappa sur un bras, faisant en sorte que dans sa douleur, ce dernier tombe à genoux.
Quand le grand frère de Yohji s'avança pour riposter, Tasuki n'hésita pas : il écrasa le grand benêt en le faisant tomber en arrière sur son frère. Kyoko pensait que la bagarre était terminée et semblait satisfaite… mais Tama, lui, ne l'était pas.
Son frère s'était retourné face à Tasuki et lui avait crié :
– Je suis son protecteur… moi ! Pas toi !
Kyoko ricana en repensant au regard furieux de Tasuki. C'est ce regard qui avait vraiment fait fuir ces brutes. Elle avait dû intervenir pour mettre fin à la dispute entre son frère et Tasuki avant que tout soit fini. Ils étaient les meilleurs amis du monde, et elle n’avait pas du tout aimé les voir se battre comme ça.
Finalement, ils avaient tous les deux accepté d'être ses protecteurs à partir de ce moment-là. Ils étaient maintenant ses gardiens… ils avaient même fait un pacte de sang. Du moins, c'est ce que Tama lui avait dit.
Rien que de penser à ses gardiens suffisait à lui réchauffer le cœur. Elle pensait que rien ne pourrait jamais l'atteindre. Avec Tasuki vivant dans la maison juste à côté, ils faisaient tous les jours les allers et retours à pied ensemble jusqu’à l’école… et maintenant, on la laissait tranquille.
Son sourire s’étendit encore plus lorsqu'elle entendit le son du gros carillon de la vieille horloge du bas sonner douze fois : minuit passé. Ça voulait dire qu'elle avait officiellement dix ans.
Elle lança un regard du côté de la maison de Tasuki et sourit quand elle le vit l’observer depuis la fenêtre de sa chambre. Elle lui fit un signe pour le saluer, mais il regarda soudain derrière lui et la lumière de sa chambre s'éteignit une fois qu'il eut disparu de derrière les rideaux.
Kyoko se mordit la lèvre inférieure en se demandant s'il s'était fait prendre par son père parce qu’il était tard et qu’il n’était pas couché. Elle ne comprenait pas pourquoi Tasuki devait se coucher. Il avait douze ans et à ses yeux, il était grand, maintenant. Plus tard, ce serait lui, son petit ami… c’est même lui qui lui avait dit. Sa déclaration datait d’ailleurs d’aujourd'hui même.
Elle regarda l'étang qui se trouvait dans le jardin, à quelques pas de la maison de son grand-père, Hogo. Elle soupira doucement quand elle vit le reflet de la lune sur sa surface calme et tranquille. Elle inclina un peu la tête quand quelque chose de la maison du sanctuaire attira son attention et elle se demanda si son grand-père était levé. Elle avait pourtant juré qu’il était bel et bien couché.
Regardant fixement la maison, elle pouvait voir une lueur bleue venant de l'intérieur. Elle se mordit la lèvre inférieure en se penchant sur la rampe pour essayer d'avoir une meilleure vue. La lumière qui traversait les fissures du bois était… comme une lumière noire, mais bleutée. Ses yeux d'émeraude rétrécirent quand elle crut voir une ombre se déplacer à travers cette lumière, ce qui lui donna envie de descendre pour mieux voir.
Faisant une grimace, elle se balaya la frange des yeux en se souvenant de ce qu’il s'était passé la dernière fois qu'elle avait osé s'approcher de cette maison, qui était le lieu sacré du sanctuaire. Son grand-père était entré à l'intérieur et avait laissé la porte entrebâillée. Tout ce qu'elle était venue faire, c'était jeter un coup d'œil à l'intérieur, mais il lui fit volte-face.
– Je ne vois pas où est le problème… ce n'est qu'une statue de princesse, chuchota-elle.
Son grand-père lui avait répondu après avoir claqué la porte. Puis il l’avait cadenassée. Il avait l'air terrifié lorsqu’il s'était retourné et lui dit de ne jamais, jamais aller là-bas. De son côté, elle pensait qu’elle avait plutôt intérêt à suivre son conseil, parce que si son grand-père avait l’air d’avoir aussi peur… eh bien, elle ne voulait même pas savoir de quoi il s’agissait. Pourtant, cela s'était produit quelques mois auparavant, et sa curiosité commençait lentement à la ronger.
Souriante et espiègle, elle regarda par-dessus son épaule une fois qu’ils arrivèrent dans sa chambre, pour s'assurer que la voie était toujours libre afin qu’elle puisse grimper sur la rampe de l’escalier et glisser dessus, les jambes pendantes. Si quelqu'un s’était réveillé et l’avait vue, elle aurait eu de gros ennuis. Mais s'asseoir comme ça et glisser le long des escaliers en valait vraiment la peine. Oubliées, les leçons de morale sur la sécurité ! Et puis, de toute manière, avec tout ce qu'elle laissait derrière elle et qu’elle ne pouvait pas voir, s'asseoir comme ça lui donnait l'impression de flotter dans la nuit alors qu'elle regardait l’eau paisible de l’étang.
Son attention se tourna vers la maison du sanctuaire quand cette lumière bleue s’éclaira soudain comme une étoile naissante. En un éclair aveuglant, la lumière explosa sans bruit vers l'extérieur. La porte de la maison du sanctuaire tomba de ses charnières avec un bruit sourd suivi d'une éclaboussure qui semblait sans fin.
– Une éclaboussure ? se demanda-t-elle.
Elle tourna le regard vers l'eau scintillante de l'étang, voyant des ondulations grandir en cercles plus grands à partir de l’endroit où quelque chose venait de tomber. Sans penser à la hauteur, elle se retourna sur la rampe.
Dès que ses petits pieds touchèrent l'herbe, elle se mit à courir en pensant que son grand-père avait été poussé dans l'eau. Passant par le petit pont, elle en enjamba la barrière pour arriver dans l'eau afin de pouvoir atteindre le centre des ondulations. Sans penser à l’eau glacée qui la piquait comme des centaines d'épines, elle se fraya un chemin dans la partie la plus profonde de l'étang.
Elle savait bien qu'il faisait trop sombre pour voir quoi que ce soit, mais elle ouvrit quand même les yeux sous l'eau trouble. Son grand-père était ici et elle devait l'aider. Malgré tout, elle fut surprise de voir quelque chose… quelque chose de brillant… elle en fut presque aveuglée. Et juste là, au centre de toute cette lumière, il y avait un ange qui s'enfonçait lentement au fond de l'étang.
Tentant désespérément d’attraper sa main qui rayonnait de lumière et qui se tendait vers elle, elle sentit l'eau glacée se précipiter dans ses poumons. Il était beau et avait l'air de dormir. Des ailes… il avait des ailes argentées. Saisissant sa main, elle tira aussi fort qu'elle put, mais cela ne fit que de la rapprocher de lui. Elle essaya de crier pour qu'il se réveille, mais elle s’étouffa encore plus. Ça ne lui faisait pas mal, mais elle avait si froid… et elle était tellement fatiguée !
Elle sentit ses doigts se serrer autour d'elle et sa dernière pensée fut celle d’un ange l'emmenant au ciel pour qu'elle puisse être à nouveau avec son papa et sa maman.
Toya se mit à trembler quand il reprit conscience et il ouvrit les yeux. De l'eau ? Pourquoi était-il sous l'eau ? Il sentit quelqu'un lui toucher la main et tourna la tête. Il vit une jeune fille dont les cheveux, qui lui flottaient autour du visage, avait l’air douce comme tout. Ses yeux étaient fermés et ses lèvres, en forme de cœur, se séparaient lentement.
Réalisant ce que cela signifiait, il la prit dans ses bras et sortit si vite hors de l'eau qu'il laissa un joli tourbillon marquant son passage.
En regardant le paquet mouillé qu’il avait dans les bras, sa respiration s'arrêta… elle était si belle, si fragile. Dépliant ses ailes en l’air, il descendit sur un bout d'herbe moelleuse et l’y allongea doucement.
Posant sa main sur son cœur, il pria pour qu’il puisse le sentir battre. Ses yeux dorés s’élargirent et ses battements de cœur accélérèrent alors qu'il sentait son pouvoir de gardien s'accumuler dans sa paume. De chaudes larmes jaillirent de ses yeux, faisant nager l’image de la jeune fille dans le flou. Puis, il ressentit ses pouvoirs de gardien l'atteindre.
– Kyoko ?
Il pouvait sentir son pouvoir se mêler au sien, se centrer entre sa paume et son cœur. Il savait qu'il avait raison. Il l'avait enfin retrouvée, mais dans ce monde, elle n'était qu'une enfant. Il leva les yeux au ciel et supplia :
– Tu m'as amené ici pour une raison… n'est-ce pas ? S'il te plaît, dis-moi que ce n'était pas pour la regarder mourir à nouveau. Je ne pourrai pas… je n’en peux plus.
Comme il ne se passait rien et qu’elle restait toujours inerte, il la tira dans ses bras et son gémissement désespéré fit écho dans les environs. Il pressa son visage dans le creux de son cou en serrant sa poitrine contre la sienne pour pouvoir percevoir ses battements de cœur.
– Allez Kyoko, je suis là… réveille-toi !
Les nerfs à vif, complètement à bout, il cria :
– S'il te plaît… laisse-moi la sauver, cette fois-ci !
Comme par instinct, il tourna ses yeux remplis de larmes vers le sanctuaire qui n’était qu’à quelques mètres de lui. Là… la statue de la jeune fille se trouvait juste à l'intérieur. Voyant le regard rayonnant du Cœur du Temps, il sentit sa colère refaire surface.
– Je me fiche de savoir si les démons arrivent et si tu vas l’avoir ou pas, ton putain d’cristal. Tout cela n'a pas d'importance à mes yeux… par contre, elle, elle en a ! Je l'aime. Je n'ai toujours aimé qu'elle. Ne t'avise pas à me la reprendre.
Les yeux luisants de la statue semblaient le regarder un instant puis ils libérèrent un éclat de lumière. Sans entendre de réponse, Toya réalisa quelle était la demande du Cœur du Temps. Il sentit un sentiment de calme dissiper sa colère et retira son regard de la statue pour contempler un instant l'enfant qui mourait dans ses bras.
– Très bien, dans ce cas. Si c'est comme ça que ça doit se passer, chuchota-t-il, prêt à tout sacrifier pour la garder en vie. Son petit corps commença à briller en même temps que le sien et la douce lumière bleue s'étendit autour d'eux. Abaissant ses lèvres au niveau des siennes, il lui donna une part de son souffle… scellant ainsi leurs destins alors que son cœur battait à nouveau en rythme.
Puis l'eau s'évapora de ses poumons lorsqu’elle inspira de l'air chaud. Elle lutta pour ouvrir les yeux en se rappelant de l'ange qu'elle avait essayé de sauver.
Tentant d’évacuer l'eau de ses yeux avec ses cils, elle attendit que la lumière bleue qui l’aveuglait s'éteigne. Quand celle-ci s'évanouit pour de bon, elle se retrouva dans les bras de l'ange qui la regardait. Sentant ses lèvres la picoter, elle les toucha avec émerveillement du bout des doigts.
Toya n'arrêtait pas de la regarder au moment où elle ouvrit ses yeux vert émeraude qui brillaient d’une curiosité et d’une intelligence chaleureuses. Il sentit sa poitrine se contracter douloureusement quand elle lui sourit. Il ressentit sa blessure toujours saignante alors qu'elle se tendait innocemment vers lui en pressant ses petits doigts contre ses lèvres comme si elle sentait qu'il l'avait embrassée.
– Qu'est-ce qui pourrait bien faire pleurer un ange ? demanda Kyoko en voyant des larmes couler sur ses joues.
Toya vit son sourire s'estomper et réalisa… qu'il pleurait.
– Je ne pleure pas, dit-il en clignant des yeux remplis de larmes tout en s’essuyant un bras sur la joue. Ne pouvant s’empêcher de pleurer, il dut cependant en essuyer encore plus. Promets-moi que tu ne retourneras plus jamais dans l'eau avant d'avoir appris à nager.
Il pouvait déjà sentir qu’il disparaissait de ce monde… mais si elle vivait, il s'en fichait.
Kyoko se dégagea de son emprise et se leva. Regardant l'étang, elle se retourna vers lui.
– J'avais oublié que je ne savais pas nager, chuchota-t-elle en se demandant comment elle avait pu oublier une chose pareille.
Toya pouvait voir la lueur de la statue au-dessus de son épaule et savait que le temps lui était compté. Les mains de la jeune fille se mirent à briller encore plus ; et de son côté, il pouvait entendre au loin les monstres de son monde qui essayaient de percer la brèche. La barrière entre les mondes a toujours été la plus faible à chaque endroit où elle se trouvait.
Puis, sans la prévenir, il lui prit la main et l'entraîna dans une longue étreinte. Frottant sa joue contre ses cheveux auburn, il chuchota avec des trémolos dans la voix :
– Il faut que je retourne de l'autre côté pour empêcher les démons de venir ici.
– Tu parles comme grand-père… il sait tout sur les démons, lui dit Kyoko en appuyant son oreille contre sa poitrine pour pouvoir écouter ses battements de cœur. Elle glissa un de ses bras autour de son dos et se demanda pourquoi elle ne pouvait pas sentir ses ailes alors qu'elle savait qu'elles étaient là.
La regardant en face pour contempler son air innocent, il lui prit le menton et tourna ses étonnants yeux d'émeraude vers les siens.
– Ne crains pas les démons, Kyoko… tu as le pouvoir de les envoyer hors de ce monde.
Après lui avoir fait cette confession, il jeta un coup d'œil sur la statue de la jeune fille. Il pouvait sentir les démons traverser le Cœur du Temps à un rythme dangereusement rapide.
Plaçant Kyoko sur l'herbe, il se leva et se dirigea vers la statue en jugeant bon de rajouter :
– Et je ne suis pas un ange… mais ton gardien. Je m'appelle Toya.
Toujours agenouillée dans l'herbe, elle se pencha en avant en le regardant entrer dans la maison du sanctuaire qui s'illumina d'une brume bleutée. Elle se mit à crier lorsqu'une paire de bras sortit soudainement de la lumière pour l’attraper, puis plusieurs démons apparurent autour d’elle. Alors que son cri et le rugissement de l'ange retentissaient dans la nuit, la lumière de la statue commença à imploser vers l'arrière, un peu comme si un aspirateur l’aspirait.
Kyoko entendit ensuite la porte arrière de la maison claquer, mais elle ne put quitter l'ange et les démons des yeux. Se levant, elle s'enfuit en courant vers la porte ouverte de la maison du sanctuaire. Elle entendit son grand-père et son frère l’appeler, mais c'était Tasuki qui se rapprochait d'elle.
Alors qu'elle tendait la main à l'ange, les bras de Tasuki l'entourèrent pour la porter en l'air… mais trop tard. Lorsque l'index de Kyoko frôla presque les mains tendues de la statue, de grands faisceaux de lumière se mirent à jaillir de ce même endroit. Pour Tasuki, c’était comme si un baril de poudre lui explosait en plein visage lors du feu d'artifice du 4 juillet.
Au même moment, un des faisceaux de lumière lui frappa le côté de la poitrine gauche, le faisant grimacer dans sa surprise. Stupéfait de constater que ce n’était pas cet impact qui lui faisait mal, il eut la sensation que quelque chose se précipitait sur lui pour l’envahir… un peu comme s'il avait raté quelque chose pendant toute sa vie et qu'il arrivait enfin chez lui.
Ses yeux s’élargirent lorsqu'il vit un joli ruban de lumière bleue fluorescente relier les mains de la statue des doigts de Kyoko. Puis il cligna des yeux quand, le temps d’une fraction de seconde, il vit un magnifique cristal tourner autour de ce ruban. Voulant empêcher Kyoko de s'en approcher, il trébucha en reculant et en la tenant fermement dans ses bras.
Le cristal fila ensuite de plus en plus vite jusqu'à ce qu'il explose, envoyant d'autres éclats de lumière jusqu’aux travers de la ville… comme une belle étoile dans la nuit noire.
Tasuki se mit à respirer plus fort. Quand il s’était faufilé près de la fenêtre de sa chambre, il avait vu un homme étrange avec Kyoko dans les bras, qui semblait paniqué en voyant son corps inerte. Il ne savait pas ce que cet homme lui avait fait, mais il ressentit de la satisfaction quand cette lumière l'aspira en emportant avec lui les démons aux yeux rouges.
– L'ange a besoin de notre aide, cria Kyoko en essayant de se dégager de Tasuki, mais en vain. Voyant son grand-père s'interposer entre elle et la statue, elle s'écria sans comprendre :
– Il y a des démons dans cette statue et ils vont lui faire du mal. Tu dois aller te battre contre eux… tu dois l'aider… s'il te plaît !
S’appuyant contre Tasuki, elle sanglota en voyant l’expression effrayante que son grand-père affichait sur son visage :
– Tu ne peux pas l'aider ?
Hogo se retourna pour regarder à l'intérieur du sanctuaire. Les parchemins qu'il avait placés de partout à l'intérieur de la petite structure étaient encore fumants, mais la plupart d’entre eux avaient été réduits en cendres. Reculant de quelques pas, il contempla un instant le jeune garçon qui tenait sa petite-fille et ressentit des frissons ramper le long de sa colonne vertébrale. Les yeux de Tasuki, qui étaient normalement d'un brun tendre, avaient pris une couleur améthyste alors qu’il semblait fixer la statue, l’air en colère.
En effet, son sang était devenu bien plus froid que la glace lorsqu'il se rendit compte qu’un lien avait été établi entre Kyoko et la statue de la jeune fille. De son côté, son grand-père avait compris que son temps était écoulé. Et si l'apparence du cristal semblait empirer de plus en plus, le fait de le voir se briser le terrifiait. Il avait aussi bien remarqué qu'un morceau de cristal avait carrément explosé contre la poitrine du jeune Tasuki.
– Ce que les manuscrits disaient est donc vrai, chuchota-t-il d’une voix rauque, en regrettant que ce ne soit pas un mensonge.
Hogo leva les yeux au ciel et envoya une prière silencieuse à toute divinité qui serait là pour l’écouter et le guider. Il fallait qu’il emmène les enfants loin d'ici et, surtout… il devait emmener Kyoko loin de Tasuki. Parce que sans aucune raison, ce garçon conduirait les démons jusqu'à elle, et les gardiens du cristal arriveraient très vite.
Tasuki trembla quand Kyoko lui fut arrachée des bras. Il tourna son regard améthyste vers celui qui lui avait enlevée… c’est-à-dire son grand-père. Il n’aurait pas dû la prendre comme ça par les épaules.
– Tasuki, tu n’as rien à faire ici en pleine nuit. Si tu ne veux pas que je réveille ton père, je te conseille plutôt de rentrer chez toi. Et tout d’suite ! lui ordonna-t-il d'une voix dure.
Il poussa Kyoko dans les bras de Tama et attrapa les épaules des deux petits-enfants qui lui avaient été confiés.
Tasuki fixa Kyoko, qui avait caché son visage dans la poitrine de Tama et qui continuait de pleurer pour l'ange qu'elle était sûre que les démons avaient tué.
– Kyoko, je t'attendrai demain matin, pour t'accompagner à l'école, lui déclara-t-il en lançant un dernier regard au sanctuaire avant de retourner chez lui.
Le vieil homme attendit qu’il rentre en rampant par la fenêtre de sa chambre. Il prit une longue respiration en pensant à ce que ses petits-enfants lui feraient une fois qu’ils auraient compris ce qu'ils allaient faire.
– Allez, les enfants… préparez vos affaires. Nous allons bientôt partir, leur annonça-t-il.
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