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Le Lien Du Sang
Le Lien Du Sang
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Le Lien Du Sang

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Elle lâcha un hoquet de surprise et se retint rapidement au tableau de bord quand Kane braqua brusquement, faisant une embardée jusque de l'autre côté de la route, sur le bord du trottoir. Il pila et glissa sur le remblai, faisant faire à la voiture un 180 ° complet avant de s'arrêter.

Kane planait au-dessus d'elle avant que la voiture ne s'arrête. Tabatha ne put s'empêcher de lever les yeux sur son visage et d'admirer les lignes puissantes de sa mâchoire... ainsi que la couleur améthyste de ses yeux. Son regard glissa sur sa bouche parfaite, et elle se demanda si elle était froide comme la glace ou brûlante comme le feu.

Kane était plus qu'en colère et il avait envie d'étrangler la jeune femme pour avoir seulement pensé à une telle chose. En se mordant la langue, il attendit d'y sentir le rapide et petit flot de sang, avant d'emprisonner la bouche de Tabatha en un baiser brûlant. En temps normal, il aurait tué pour avoir le cran d'agir ainsi... et une fois encore, elle aurait dû être sobre, pour que ce baiser compte. En l'embrassant aussi passionnément à ce moment-là, il désirait seulement lui faire oublier ces idées dangereuses que l'alcool lui avait mises dans la tête.

Chaudes, ses lèvres étaient chaudes, et cette sensation créait un doux tourbillon de plaisir qui descendait jusqu'au cœur de son être, entre ses cuisses. Tabatha éprouva soudain la peur qui lui avait fait défaut un moment plus tôt. Elle la submergea de ses vagues vengeresses, au point de lui faire dresser les cheveux sur la tête, et à ce moment très précisément, la panique la prit au ventre. Son esprit se concentra sur cette terreur et elle la repoussa de toutes ses forces. Malheureusement, cela eut le même effet qu'une fourmi tentant de soulever une maison.

Kane sentit les mains de la jeune femme pousser contre son torse, mais si ce baiser devait être le dernier, alors il allait le savourer encore un moment. Il mêla son souffle à celui, chaud, de la jeune femme tandis qu'il rendait le baiser plus tendre, pour de nouveau l'approfondir.

Tabatha fut assaillie par la saveur douce et salée du sang de Kane, et le besoin tout-puissant de s'enfouir en lui prit le pas sur sa peur persistante. Ce besoin s'intensifia quand Kane passa une main sous ses hanches et la souleva de son siège, la pressant le plus possible contre lui, autant que le petit espace confiné de la voiture le permettait. Ses cuisses devinrent brûlantes et, avant qu'elle ne puisse s'en empêcher, une de ses mains vola de son torse à l'arrière de sa nuque, pour plonger les doigts dans ses cheveux de neige et les empoigner fermement.

Kane frissonna en la sentant passer ses ongles sur sa peau sensible, ce qui eut pour effet de lui faire tendre les hanches vers elle, et un grognement monta du fond de sa poitrine. Il la désirait... nom d'un chien, il la désirait tellement. Un klaxon de voiture beugla soudain dans leurs oreilles et Kane se rappela tout à coup où ils se trouvaient. Il dut rassembler plus de volonté qu'il ne l'imaginait pour libérer le corps de la jeune femme et se laisser presque retomber sur le siège côté conducteur.

— Déjà sobre ? demanda-t-il. Les muscles de sa mâchoire se crispèrent et ses jointures blanchirent quand il saisit le volant, luttant pour brider son désir.

Tabatha se couvrit la bouche de la main en réfléchissant à cette étrange question. Après quelques secondes de silence, elle hocha la tête, le visage sérieux.

— Ouais pourquoi, tu es quoi, du café instantané ?

— Et toi, tu es quoi ? se moqua Kane. Foutrement cinglée, voilà ce que tu es... à parler de cœurs de vache et de démons.

Tabatha écarquilla les yeux quand un flash de lumière aveuglante attira son attention en envahissant la rue. Elle lécha sa lèvre inférieure, pour goûter encore une fois sa saveur, puis baissa les yeux sur son corps afin de s'assurer que ses cuisses n'étaient pas vraiment en train de prendre feu. L'éclair de lumière zébra de nouveau le ciel, et elle se pencha en avant pour voir les nuages d’orage dans le ciel. N'en voyant aucun, elle reposa les yeux sur Kane et comprit qu'il était l'auteur de la tempête.

— Je pense que tu devrais te calmer. J'avais tort... tu n'es pas du café instantané, tu es un orage instantané..., dit-elle avant de se raidir sur son siège.

Elle ne l'avait pas remarqué tout à l'heure, mais quand Kane s'était penché sur elle, sa robe avait remonté pour dévoiler en partie la dentelle fleurie de sa culotte.

Kane se massa la tempe du bout des doigts et ferma les yeux... il le devait.

— Contente-toi simplement de ça… reste loin de Misery.

— Est-ce que c'est comme ça que tu m'as guérie, dans le bureau de Warren ? chuchota Tabatha, qui savait en quelque sorte que le sang du vampire venait d'annihiler la moindre goutte d'alcool qu'elle avait absorbée ce soir-là.

Son humeur désinhibée lui manquait déjà, mais elle n'allait pas le traiter de rabat-joie, étant donné comme il était mal luné. Mais, elle devait bien l'admettre, s'il n'avait pas interrompu le baiser, ce contact physique aurait débouché sur autre chose.

Dire qu'il était instable psychologiquement aurait été un doux euphémisme, étant donné la façon dont il agrippait le volant. Après ce qu'elle était sur le point de faire... peut-être que tous deux se seraient retrouvés sur une pente glissante.

Quand il ne répondit pas mais se contenta de regarder droit devant lui en haussant les épaules, Tabatha se sentit de nouveau envahie par la colère.

— Bon, ramène-moi à la maison... ou mieux encore, dégage. Je peux conduire maintenant.

Tabatha fut brutalement projetée au fond de son siège quand Kane passa une vitesse et enfonça la pédale d'accélérateur, rebondissant sur le bord du trottoir et réintégrant la circulation... aussi diffuse fût-elle à cette heure de la nuit.

— Peut-être que tu devrais chercher dans quel nid d'oiseau Kriss se planque en ce moment pour le rejoindre, puisque vous aimez tellement me cacher des choses, tous les deux ! lança-t-elle en guise de sarcasme.

— Personne ne t'a jamais dit que ce n'était pas une bonne idée de provoquer un vampire ? demanda Kane d'une voix au calme trompeur, en refusant de la regarder.

— Je suis encore vivante, observa Tabatha.

— Pour l'instant », mentit Kane, avec néanmoins un sentiment de satisfaction lorsque le reste du trajet se fit dans un silence contrarié.

Tabatha était assise sur le siège passager, les bras croisés. Elle refusait catégoriquement de repenser au baiser et ne pensait surtout pas à quel point elle l'avait trouvé sexy quand il s'était penché sur elle... fâchée ou non.

Dès que la voiture fut garée dans l'allée, Kane soupira en se passant une main dans les cheveux quand elle bondit du véhicule et s'écarta de lui comme si elle avait été mordue. Il trouva cette situation plutôt ironique, considérant le fait qu'il l'avait déjà mordue auparavant. En sortant de la voiture, il la suivit en silence, conscient que ce n'était pas la bonne chose à faire.

Tabatha claqua la portière derrière elle et se précipita vers l'entrée de son appartement. Une fois la porte refermée derrière elle, elle se retourna et passa les secondes suivantes à fermer les quatre verrous et le pêne dormant de sa porte, avant d'allumer la lumière du salon.

« Pour l’instant, mon cul ! lâcha-t-elle en fixant un regard furieux sur la porte, se sentant enfin dans son bon droit.… jusqu'à ce qu'elle se retourne.

Tabatha hurla quand elle vit Kane assis tranquillement sur le sofa comme s'il était chez lui, puis elle lui lança son petit sac à main.

— Tu n'es pas invité ! Fulmina-t-elle, attendant de voir s'il allait disparaître.

C'était vraiment une bonne chose qu'il ne l'ait pas fait parce qu'elle aurait eu mal aux côtes à cause du rire hystérique qui se serait emparé d'elle.

— Putain, pourquoi es-tu encore là ? s'exclamat-elle en jetant ses hauts talons dans sa direction d'un mouvement du pied, enfin satisfaite quand il fut dans l'obligation de bouger sa jambe pour éviter une chaussure.

À son étonnement, Kane resta simplement assis là à la dévisager, avec cette expression exaspérante qui semblait un croisement entre l'amusement et la colère. Il se mit à étinceler et disparut un laps de seconde avant qu'elle ne se retrouve collée à la porte dans un grand fracas. Tabatha ne put bouger à cause de la façon dont il la clouait au bois derrière elle. Elle entendit l'orage gronder dehors et n'en fut que plus effrayée.

Kane se pencha légèrement vers elle, jusqu'à ce que sa joue frôle la sienne, puis huma l'odeur de peur et de colère mêlées que la jeune femme dégageait. C'était comme un aphrodisiaque, ce qui lui permit de se rappeler pourquoi il n'avait pas prise son âme sœur aussitôt retrouvée. Il luttait contre l'envie irrépressible de la prendre là, contre la porte... vite et violemment.

Les dieux les avaient peut-être liés, mais ils s'étaient trompés dans leur choix d’appairage. Pour son bien... ils devaient avoir tort. Quand il se recula suffisamment pour voir son visage, il fut satisfait de voir que sa colère et sa peur étaient toujours lisibles sur son visage.

Tabatha sentit les mèches de ses cheveux trembler sous chaque souffle qu'il exhalait alors qu'il la fixait de ces yeux pleins de feu. Elle fut fascinée à la contemplation de ses pupilles couleur améthyste qui se dilataient, et ressentit un frémissement de déception… elle ne voulait pas oublier.

— Avant que tu ne me la joues « Hocus Pocus »… dis-moi la vérité, murmura-t-elle. Jure-moi la pure et simple vérité.

— La vérité sur l'amour ? répondit Kane qui baissa le regard sur ses lèvres ainsi que la tête, pour effleurer sa bouche de la sienne... non pour un baiser mais quelque chose de bien plus intime. Je représente un bien plus grand danger pour toi qu'aucun démon ne le sera jamais. »

Tabatha cligna des yeux, gênée par la lumière du soleil qui filtrait par la fenêtre puis s'assit dans le lit. Elle ramena ses genoux sous son menton et les entoura de ses bras, jetant un regard irrité à la lumière du jour qui semblait presque la narguer. Grommelant entre ses dents, elle se mit à bouder et à dégager son visage de ses cheveux.

« Dangereux, mon œil, grogna-t-elle. Il est tellement dangereux qu'il m'a mise au lit avant de partir. »

*****

Zachary observait la carte affichée sur le mur, la tête penchée sur un côté. Ils avaient planté une punaise sur chaque endroit de la ville où était survenu un événement étrange ces derniers mois, pour essayer de voir si un motif prenait forme avec tous ces points. Ils avaient commencé avec quelques clous colorés mais, alors que leur parvenait de nouvelles informations, les punaises avaient commencé à faire apparaître un motif.

Angelica prit un marqueur noir et dessina un cercle autour des quartiers mal famés et leurs environs.

« Misery a opéré dans ce secteur, analysa-t-elle. Les autres occurrences que nous avons trouvées semblent être le fait d'autres démons qui prennent de l'assurance et sortent de leur cachette.

— Et au sujet de ce qui s'est passé au Love Bites ? demanda Trevor. Cela ne concorde pas vraiment avec son mode opératoire.

— Nous pourrions bien avoir besoin d'agrandir son périmètre sous peu, suggéra Chad. Et au sujet du cadavre que nous avons trouvé un peu plus tôt aujourd'hui ? »

Ils frissonnèrent tous en se remémorant la scène en question. Ils avaient reçu un appel de la police au sujet du corps d'un jeune homme qui avait été retrouvé, et la police avait pensé qu'ils devaient le voir. Un jeune homme d'environ vingt ans, qui portait les restes d'un tee-shirt avec le logo de l'université locale imprimé dessus.

Quand ils étaient arrivés sur place, la police avait clôturé le périmètre sur environ une centaine de mètres tout autour. Chad avait trouvé cela étrange et était allé parler à deux de ses potes de l'équipe de police. Quand il revint vers son équipe, son teint avait considérablement pâli.

« Qu'y a t-il ? l'interrogea Zachary.

— Ils ont dit que nous devons le voir par nous-même… ça s'annonce aussi grave que ce que vous m'avez décrit de la scène dans le bus, l'autre jour.

Alors que tous les quatre s'approchaient, Trevor dut respirer par la bouche afin d'empêcher l'odeur de lui donner envie de rendre. Le pire, c'était qu'il pouvait sentir l'odeur âcre sur sa langue et c'était tout aussi répugnant. Zach lui donna un masque chirurgical qu'il avait sorti de la poche de sa veste... il en gardait toujours quelques uns sous la main pour des situations similaires. Quand ils virent le corps, même Zachary dut se détourner et respirer plusieurs fois un peu d'air frais.

Le corps avait été littéralement déchiqueté et toutes ses entrailles avait été sorties. Le pire, c'était qu'ils pouvaient tous observer que quelque chose en avait dévoré certaines parties alors que d'autres manquaient dans leur intégralité. De longues griffures marquaient le peu de chair qui avait été épargnée et les os étaient visibles, dont certains étaient brisés et saillaient.

Les orbites offraient un spectacle encore plus affreux et semblaient fixer quelque chose droit devant elles... les yeux avaient été retirés. Une partie du cuir chevelu avait été déchirée et le crâne perforé, le cerveau suintant encore lentement par le trou. La bouche était restée ouverte et pendait mollement dans le vide, dévoilant la langue également dévorée.

De larges portions d'entrailles avaient été sorties et laissées sur tout le corps, et le ventre était grand ouvert. Angelica se détourna de la scène et se recouvrit la bouche d'une main pour retenir la nausée qui montait… ce qui ne l'aida pas.

— Pauvre con, chuchota Zachary en s'agenouillant à côté du garçon. Cette dernière semaine avait été en proie à une activité démoniaque frénétique et il semblait qu'elle ne se relâchait pas. Quel est le rapport officiel ? demanda-t-il.

— La police dit qu'il s'agit de l'attaque d'un animal, répondit Chad.

Angelica secoua la tête.

— Ce n'est pas un animal qui a fait ça, observat-elle d'une voix rauque, en revenant vers la voiture. C'était la tombe. »

Zachary secoua la tête pour chasser cette réminiscence et détourna le regard de la carte pour se tourner vers Angelica.

« Que voulais-tu dire par « c'était la tombe » ?

Angelica fronça les sourcils.

— C'est tout ce que le corps m'a raconté. Les blessures sont presque trop datées pour que je puisse ressentir quelque chose. Je ne sais pas comment mieux le décrire, si ce n'est que c'est la tombe qui l'a tué.

Zachary s'éloigna de la carte et s'approcha de la table à café où était posé son ordinateur portable. Se connectant au système de l'EEP, il envoya un message à Storm pour l'informer des derniers événements… sa réponse fut immédiate.

— On dirait que Storm fait intervenir un personnage important de l'EEP, annonça Zachary aux autres, avant de faire une pause puis de lever les yeux vers ses collègues. Il a ramené le légendaire Ren… il est déjà là. »

Trevor frissonna de façon visible à la mention du nom de Ren. Ren avait toujours été le fantôme du groupe d'intervention… plus une légende qu'une personne réelle, parce que Storm était le seul à l'avoir rencontré. Il avait un jour demandé à Storm qui était le membre le plus puissant de l'EEP, et Storm n'avait même pas pris le temps d'hésiter avant de lui donner sa réponse. Mais si Storm envoyait son second aux commandes, alors cela signifiait qu'il envoyait également une armée à sa suite.

Zachary et Trevor comprenaient tous deux ce que cela signifiait… la guerre commençait.

Chapitre 3

Adolescent, Ren avait pris pour habitude de se connecter à la base de données de l’Équipe des Enquêtes Paranormales pour être à jour sur les derniers événements. Il était également assez intelligent pour détruire n'importe quel ordinateur utilisé par ses soins, afin que personne ne remonte jusqu'à lui. Cela avait été excitant de se faufiler derrière le pare-feu dressé autour des dossiers secrets d'une branche du gouvernement qui n'était pas censée exister.

L’Équipe des Enquêtes Paranormales, autrement connue sous le nom d'EEP, savait que Ren entrait dans leurs dossiers de missions et détournait leurs informations cryptées, mais jusqu'ici ils ne l'avaient jamais attrapé et n'avaient jamais réussi à trouver un pare-feu assez puissant pour l'empêcher de pénétrer dans leur système confidentiel. Ren ne volait pas seulement le contenu de leurs données, mais conservait aussi des données de ses propres enquêtes paranormales.

De nombreuses années plus tard, l'homme à la tête de l'EEP avait commencé à laisser à Ren des messages derrière le pare-feu le plus impénétrable et crypté que ce dernier ait jamais vu. C'était derrière ces défenses que Ren avait secrètement donné sa réponse à l'insaisissable groupe d'investigation, mais selon ses propres conditions uniquement... à savoir qu'ils le laissent travailler seul.

Quiconque se trouvait derrière ce mur connaissait non seulement son nom, mais aussi certains détails à son propos que personne d'autre ne savait… comme par exemple le fait qu'il n'était pas complètement humain. Ce fut seulement après avoir attrapé un démon de niveau sept ayant entamé un culte de cannibalisme au Congo, et une fois gravement blessé que l'homme à la tête de l'EEP le rattrapa enfin.

Ren était en plein combat contre le démon mangeur de chair, et très près de se retrouver perdant, quand une main lui avait serré l'épaule… tout ce dont il se rappelait ensuite, c'était de s'être retrouvé sur une petite île privée perdue au beau milieu de l'océan. Ren s'était retourné pour tomber nez à nez avec l'homme caché derrière les murs cryptés… Storm.

Ren secoua la tête en se rappelant ces tout premiers moments. Storm ressemblait à un chanteur de rock des années 80 plutôt qu'au cerveau caché derrière l'organisation la plus secrète au monde.

Storm lui avait seulement souri, puis avait retiré la main encore posée sur son épaule.

« On essaie de se retirer de l'EEP à la dure ? Pourquoi ne restes-tu pas un moment ? Je détesterai l'idée de perdre mon meilleur ami, avant que nous ayons eu la chance de devenir amis.

— Quoi ? avait dit Ren avec une grimace, une main sur la poitrine, là où le démon avait essayé de lui arracher le cœur.

— Désolé, soupira Storm en tendant de nouveau la main vers lui.

Ils se retrouvèrent soudain dans une installation située à demi sous terre et à demi sous l'eau, profondément cachée sous l'île.

— Personne ici n'a le don de guérison, mais je peux toujours te mener jusqu'à quelqu'un qui le possède, si tu préfères.

— Non, grogna presque Ren. Si tu peux me donner du fil et une aiguille, je pense que je peux rester au même endroit quelques fichues minutes encore. Il s'appuya contre un comptoir en essayant de s'éloigner de Storm. Et si tu me touches encore une fois, tu vas perdre ta main.

Storm éclata de rire et ouvrit l'un des placards au-dessus d'eux, avant d'indiquer tous les médicaments qu'il comportait. Son sourire s’effaça quand Ren déboutonna sa chemise et que Storm vit les profondes entailles que le démon mangeur de chair avait laissées sur son corps. Quelques secondes de plus et Ren aurait passé l'arme à gauche.

— Je crois qu'étant donné ton penchant pour les démons, tu vas peut-être devoir apprendre quelques détails sur eux avant d'en affronter un autre.

Storm détacha son regard des griffures, en sachant déjà à quoi les cicatrices ressembleraient plus tard. Il avait rencontré Ren depuis longtemps… cette amitié n'était pas encore née à l'instant où il lui parlait.

Ren tendit la main vers le placard ouvert et attrapa ce qui ressemblait à une trousse de soins, avant de s'avancer vers le miroir accroché au mur.

— Si tu as rencontré un démon, alors tu les as tous rencontrés… pas vrai ?

Il ne put déguiser le sarcasme dans sa voix alors qu'il tentait d'ignorer la douleur… mais ça ne fonctionnait pas.

— Faux, rectifia Storm. Tu sais seulement ce que je t'ai permis de télécharger dans la base de données.

Il s'assit sur le lit d'hôpital au milieu de la pièce.

Ren observa dans le miroir l'homme qui se tenait dans son dos. Les informations cachées dans cette base de données suffiraient à mettre au monde entier en feu... assez pour que l'existence même de cette base de données soit considérée comme dangereuse. Il était difficile de croire qu'il y avait plus encore... mais il savait certaines choses qui ne se trouvaient même pas dans la base.

— J'écoute.

Et pour écouter, il écouta… pendant des semaines.

Storm avait raison de garder les informations partagées avec Ren exclues des archives, et ce pour les mêmes raisons que le Vatican cachait les leurs dans des chambres fortes secrètes. Si certaines de ses informations venaient à être divulguées auprès de la population, ce serait la fin du monde tel que nous le connaissons.

Ren savait sans aucun doute que l'homme maintenait toujours sous silence d'autres informations, parce que, bien que les dieux lui avaient donné le pouvoir de voyager à travers le temps et l'espace, ils avaient aussi conféré à ce don un aspect dangereux pour lui, s'il en parlait à quiconque au-delà du moment présent. Il pourrait incarner le meilleur professeur d'histoire de tous les temps... mais si Storm tentait de parler à quiconque du futur, cela briserait le lien de l'espace-temps... et ce lien n'était autre que Storm lui-même.

Il avait aussi raison au sujet de leur amitié. Ils avaient été amis depuis le premier jour, et cela en disait long étant donné qu'aucun des deux hommes n'était du genre à accorder sa confiance. En vérité... ils se ressemblaient sur bien des points.

La petite île refuge de Storm se situait en fait quelque part dans le passé, mais Storm l'avait pourvue de tout le confort moderne d'un hôtel particulier, ainsi que d'une base futuriste. Un côté de l'immeuble donnait l'impression à Ren de se trouver à l'intérieur d'un énorme aquarium, tandis que l'autre côté était taillé dans la pierre robuste qui encerclait l'île. Ce qu'il y avait d'encore meilleur avec cet endroit, c'était sa parfaite solitude. C'était le seul endroit où Ren pouvait se rendre et où rien de surnaturel ne pouvait le toucher, si ce n'était l'aptitude de Storm à voyager dans le temps.

Au début, il avait pensé que Storm n'était qu'un jeune homme à la vingtaine fringante, mais après l'avoir côtoyé pendant dix ans, il dût constater que ce dernier n'avait pas pris une seule ride, et il finit par se demander depuis combien de temps Storm était là. Même le processus de vieillissement de Ren avait ralenti, parce qu'il passait beaucoup de temps près de Storm et de son pouvoir.

Ren sursauta lorsqu'une voix le tira brusquement de ses songeries.

— Je viens de faire de toi l'heureux et fier propriétaire de l'une des plus anciennes maisons de Los Angeles, annonça Storm en apparaissant au bout de la longue jetée qui s'étendait loin de son île. Il esquissa un petit sourire malicieux en voyant Ren faire un bond au son de sa voix.