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L'Épice
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L'Épice

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Un soldat amena plusieurs bouteilles de whisky du Mékong et ils burent.

Ravuth écouta le jeune Khmer rouge fanfaronner sur leurs atrocités quotidiennes, racontant qui ils avaient massacré et des détails sordides sur comment ils l’avaient fait. Ils parlèrent de leurs butins de guerre et des objets qu’ils avaient volés. L’un d’entre eux mentionna quelque chose qui intéressait Ravuth.

« Mon groupe s’est rendu directement à *Choeung Ek, mais nous avons sélectionné ceux qui feront de bons citoyens Khmer rouge et de bons camarades de combat », expliqua-t-il.

« Nous avons rassemblé quatre groupes aujourd’hui, ils sont partis dans la commune de la province de Koh Kong pour renforcer nos rangs », dit un autre.

« La plupart des autres étaient de vieilles gens indésirables, aussi nous les avons éliminés », a dit un troisième, ajoutant : « Mais nous nous sommes amusés à les éduquer ». Il eut un rictus et montra aux autres sa machette tachée de sang.

Les garçons échangèrent ces horribles détails pendant un moment ; Ravuth entendit ensuite des jurons et des ricanements puérils à mesure que le whisky faisait son effet sur les gamins.

Trente minutes plus tard, les Khmers rouges sortirent en titubant du café, remontèrent dans leur véhicule, qui s’éloigna dans un crissement.

Ravuth sortit de dessous la table. Le café était éclairé, aussi il chercha dans le café redevenu silencieux toute information sur les communes de Koh Kong et Choeung Ek. Il ne connaissait rien ni sur l’une ni sur l’autre. Ne sachant pas lire, il trouva des prospectus avec des images, qu’il plaça dans sa boîte.

Après une nuit passée dans le café, tôt le matin, Ravuth sortit à pied de Koh Kong-ville et se dirigea vers son village dans la jungle pour attendre sa famille. Il ne s’était pas aperçu qu’il était suivi, quand il entendit une voix hurler derrière lui alors qu’il longeait une route à l’extérieur de Koh Kong : « Toi… Arrête-toi ! ».

Il se retourna et vit une jeune fille khmère rouge qui pointait un pistolet automatique sur lui, tout en essayant de garder son équilibre sur la barre horizontale de sa bicyclette. « Viens ici ! », fusa-t-elle.

Ravuth s’approcha de la fille au visage noirci qui le fixait. Bien qu’elle ait l’air plus jeune et plus petite que Ravuth, il ressentit un frisson glacial le long de la colonne vertébrale lorsqu’il croisa son regard.

« Pourquoi n’es-tu pas avec les autres ? Où est ton village ? », cria-t-elle.

Ravuth trembla et, les mains jointes, il plaida : « Je m’excuse, ils m’ont laissé derrière quand je me suis arrêté pour me reposer ».

La fille lança un regard furieux à Ravuth. « Suis-moi », cria-t-elle, puis elle descendit de sa bicyclette et la retourna.

Ravuth fut terrifié en voyant quatre autres Khmers rouges qui s’approchaient à vélo. Il paniqua, prit sa machette de sa ceinture et donna un coup violent sur le bras de la jeune Khmère de toutes ses forces. La fille, occupée avec le guidon, fut incapable de se réagir pour se protéger, Elle émit un cri de douleur quand la lame entailla profondément sa chair jusqu’à l’os. Elle lâcha le pistolet et Ravuth la fit tomber de son vélo, replaça sa machette dans sa ceinture, enfourcha le vélo et pédala à travers à travers les champs de riz. Se dirigeant vers les Montagnes des Cardamomes et la sécurité de la jungle, les balles sifflèrent à ses oreilles comme il pédalait pour sauver sa vie.

Pédalant pendant ce qui lui sembla une éternité, et n’entendant plus de coups de feu, Ravuth s’arrêta à l’orée de la jungle, poussa la bicyclette dans les feuillages et se cacha derrière un bouquet d’arbres. Il jeta un coup d’œil pour voir s’il pouvait voir ses poursuivants. Ravuth aperçut quatre petits points noirs lointains qui se dirigeaient dans sa direction. Il avait réussi son début de fuite, mais savait qu’il devait se mettre en sécurité à l’abri du feuillage dense. Ravuth courut à travers la végétation épaisse, suivant des pistes étroites jusqu’à entrer dans un terrain épais, accidenté et impénétrable.

« Ils ne pourront plus me trouver maintenant », pensa-t-il, et il se mit à courir dans le sous-bois dense.

Épuisé, Ravuth avait couru à travers cette section non familière de la jungle pendant plus de trois heures. Arrivant dans une clairière recouverte d’un toit végétal épais, qui laissait cependant passer un peu de lumière, il se cacha là. Se sachant en sécurité et en position de repérer tout poursuivant, il s’assit au pied d’un arbre diptérocarpe géant, sur le qui-vive.

Ravuth resta là pendant deux jours, se nourrissant de la végétation abondante qui l’entourait. Réalisant qu’il avait semé ses poursuivants, il se mit en quête de rejoindre son village.

Ravuth se sentait en sécurité dans la jungle et marcha toute la nuit, profitant de la clarté de la lune. Il se reposait pendant les journées torrides, piégeant et cueillant en fin d’après-midi jusqu’au crépuscule.

Sans direction précise à suivre, à la différence des environs du village, où il connaissait la plupart des pistes et la végétation familière, il était perdu. À l’aube du dixième jour, il déboucha sur un sol dégagé. Un remblai laissait place à une étroite vallée où il vit un grand corral, entouré d’une clôture métallique en grillage.

Ravuth pouvait distinguer plusieurs rangées de bivouacs en toile, ainsi que quelques tentes militaires de plusieurs tailles. Il voyait des gens qui déambulaient derrière le grillage. Certains groupes cuisinaient sur des feux de bois ouverts. Ravuth pouvait sentir les arômes de la nourriture cambodgienne, ce qui lui donna l’eau à la bouche. « Ceci doit être l’un des lieux dont avait parlé le Khmer rouge. Je me demande si ma famille est ici », pensa-t-il. Rampant autour du grillage, il observait les habitants du camp jusqu’à ce qu’il atteigne une porte. Ravuth se sentait exposé à découvert, aussi il se cacha dans un coin sombre et observa.

Ravuth vit des véhicules militaires et des soldats aller et venir toute la journée. Il remarqua que le personnel militaire n’était pas composé de Khmers rouges. Ils étaient plus âgés et habillés en uniformes de camouflage. Il se déplaça le long de la clôture, surveillant les activités à l’intérieur du camp. De temps en temps, il regrimpait sur le remblai pour obtenir une meilleure vue depuis la jungle, mais il ne pouvait reconnaître aucun des membres de sa famille ou du village. La nuit tomba, aussi il longea la clôture, trouva un coin dégagé, et à l’aide de ses mains, il creusa une petite tranchée en dessous du grillage métallique. Il traversa en se glissant et rampa vers la tente la plus proche. Ravuth s’accroupit, regarda devant, souleva un coin et…

« Qui es-tu ? », dit une voix masculine derrière lui dans une langue inconnue, « Lève-toi et tourne-toi ».

Ravuth, enveloppé par une forte lumière dans son dos et effrayé parce qu’il ne pouvait comprendre les instructions de l’homme, se leva instinctivement et se retourna, aveuglé par la lumière.

*En annexe

2

Le phénomène de la pâtisserie

Le maître de cérémonie s’éclaircit la gorge et annonça : « Le trophée du Pâtissier de l’année est décerné à.. », faisant une pause pour ménager son effet alors qu’il jetait un coup d’œil au nom écrit au dos d’une carte de couleur or. « Pour la troisième année d’affilée », il fit face au public en souriant. « Le pâtissier représentant l’Hôtel Avalon », nouvelle pause avant d’annoncer : « M. Ben Bakewell ! ». Il se mit à applaudir, invitant la salle à faire de même dans cette suite de conférence cossue de Park Lane Hilton. Des acclamations et des murmures fusèrent tandis qu’un homme portant un costume mal ajusté s’avança d’un pas traînant vers la scène.

« Bien joué Cake », dit le Maître de cérémonie tandis que le boulanger atteignait la plateforme et lui serrait la main.

Bien que Cake ait déjà remporté cette distinction trois ans de suite, il se sentait encore mal à l’aise en tenant la petite effigie. Son discours d’acceptation fit écho aux années précédentes. « Merci », marmonna-t-il dans le micro, rougissant. Il soupira, quitta la scène et se précipita vers la table pour rejoindre ses collègues.

La cérémonie des récompenses touchait à sa fin, au grand soulagement de Cake. Plusieurs critiques étaient sur la scène, en pleine discussion sur les différents plats qui avaient remporté des prix. Cake exécrait ce genre de manifestations et jugeait les critiques de la restauration aussi utiles que des pets dans une passoire, incapables de faire bouillir un œuf et étrangers à cette activité. Malgré cela, il recevait toujours des critiques élogieuses. L’un avait décrit son *Œuf dans un nid Avalon comme une explosion parfaite d’arômes créant un orgasme buccal et avait dit que chaque plat créé par Cake avait un goût parfait. Cependant, Cake avait toujours eu l’impression qu’ils étaient moyens et considéraient que ses plats manquaient de quelque chose sans pouvoir trouver ce que c’était.

Cake arriva chez lui à environ 23 heures, après un long trajet dans la capitale. Jade était déjà revenue de son escapade de cinq jours à Lincoln. Cake, enthousiaste, voulait savoir comment leur pâtisserie progressait. Il se laissa tomber dans une chaise de la salle de séjour tandis que Jade lui apportait un verre de vin, et ils se mirent à l’aise. Il lui montra le chèque de récompense pour la compétition, elle sourit et lui montra des images vidéo du travail en cours.

* * *

Benjamin Bakewell, surnommé Cake aussi longtemps qu’il pouvait se souvenir, avait une réputation impeccable dans le monde de la cuisine. Chaque grand chef et établissement de restauration haut de gamme connaissait Cake. Il occupait la position de chef pâtissier à Avalon depuis trois ans. Ses gâteaux et pâtisseries signés faisaient envie à tout chef pâtissier en raison de la préparation unique de Cake, que beaucoup échouaient à répliquer.

Cake était né dans la banlieue de Louth dans le Lincolnshire, une petite ville rurale, à quarante kilomètres de la ville de Lincoln. Sa famille possédait une ferme de cent hectares cultivables à la périphérie de la ville et cultivait du blé, de l’orge et du houblon. Son surnom, Cake, provenait de son nom de famille et de son amour de la pâtisserie. Il avait suivi sa scolarité à l’école primaire, mais tandis que les autres s’adonnaient au sport et au divertissement pendant leur récréation, lui se trouvait dans la cantine de l’école et aidait les cuisiniers.

Les parents de Cake avaient toujours su qu’il avait flair inhabituel. Il pouvait détecter tous les ingrédients d’un plat quelconque et ajoutait des composants lorsqu’il jugeait que cela pourrait relever son goût jusqu’à ce que son palais parfait le trouve acceptable. Cake ne mangeait pas ni ne manipulait la viande, car celle-ci ne dégageait pas d’arômes parfumés, sa texture procurait une sensation granuleuse et dure, et son goût le faisait vomir. Il tolérait certains aliments marins, mais seulement s’ils étaient frais et modérément parfumés, tels que la lotte ou les pétoncles, auxquels il pouvait ajouter des herbes et des épices pour masquer l’odeur et le goût du poisson. Personne ne pouvait comprendre le don inhabituel de ce garçon, et il fallut de nombreuses années avant que quiconque ne découvre la raison de son sens élevé du goût et de l’odorat. Seul Cake pouvait percevoir l’odeur et le goût du monde en détectant les senteurs et les parfums flottant dans l’air. Pendant ses jeunes années à l’école, il utilisa son talent unique pour gagner des bonbons et autres friandises de ses camarades d’école en devinant ce qu’ils avaient mangé au petit déjeuner ce matin-là en humant leurs pets. Ceci devint également un tour facile pour les fêtes et réunions à mesure qu’il grandissait.

Cake passa une enfance heureuse, avec de nombreux amis, quoique les filles l’évitaient à cause de sa propension à renifler l’air environnant, ce qui était rebutant. Ses camarades trouvaient cela très amusant, mais il arrêta de le faire quand sa mère lui dit que ce n’était pas un comportement poli et qu’un jour, s’il voulait fréquenter une fille, renifler son derrière n’était pas la meilleure manière de l’attirer. Cake aidait dans la ferme pour les moissons. Son moment favori de l’année était le printemps, quand la flore et la faune pollinisaient et fleurissaient, et que les odeurs faisaient exploser son univers dans un hypermonde extatique. Il aidait également sa mère et sa grand-mère à faire cuire du pain, des gâteaux, des tartes et des pâtes pour sa famille et les agriculteurs de la ferme. Cake concentrait son don sur la pâtisserie, car les arômes et goûts savoureux et sucré flattaient ses sens. Le jeune Cake se trouvait toujours dans la cuisine et gloussait de plaisir chaque fois qu’il retirait un plateau de sa nouvelle création du four. Les odeurs délicieuses sortant du four flottaient dans la cuisine de la ferme tandis que sa grand-mère arrêtait de papillonner et venait voir quelle délicieuse friandise Cake avait inventé.

Sa grand-mère voyait un éclair dans ses yeux quand il disait : « Mamy, un jour je serai le pâtissier le plus célèbre d’Angleterre… et peut-être du monde ».

Sa grand-mère soupirait et répondait avec un sourire narquois. « Oui, Cake, je sais ».

Il avait accumulé les livres et magazines de cuisine au fil des années et reproduisait toutes les recettes de gâteau trouvées, en ajoutant des herbes et des épices qu’il mélangeait pour rehausser les arômes, en les rendant uniques. Bien que Cake trouve toujours que quelque chose manquait, sa grand-mère, Pearl, l’assurait qu’un jour, il découvrirait SON épice parfaite.

À peine adolescent, Cake s’était mis au kickboxing. Il était grand et mince et les arts martiaux avaient rendu son corps plus musclé, mais ses jambes et ses bras restaient maigres, quelle que soit son ardeur à l’entraînement.

Cake était un garçon au physique agréable avec son visage fin, ses yeux noisette et ses cheveux châtain foncé. Il ressemblait à Kevin Costner jeune, bien que sa silhouette dégingandée et étrange lui donne une apparence de clown et, dans son adolescence, les filles commencèrent à le remarquer, maintenant qu’il avait arrêté de les renifler.

Sa famille supposait qu’en quittant l’école, Cake rejoindrait l’activité familiale et deviendrait un fermier. Cependant, ses rêves et ambitions étaient à mille lieues des leurs, car il voulait suivre une école culinaire. Ses parents lui interdirent et offrirent un compromis. Avec sa mère et sa grand-mère, il pourrait ouvrir une entreprise de pâtisserie et tous les trois mettraient la main à la pâte, tandis que ses sœurs vendraient leurs produits à des entreprises dans Louth et alentour. Cake avait accepté le compromis, sachant très bien que cela demanderait de travailler pendant de longues heures et de renoncer à son entraînement de kickboxing, mais la pâtisserie était sa passion. Son grand-père les laissa utiliser une vieille grange et acheta deux fours à gaz d’occasion, avec la grande cuisinière en fonte AGA dans la cuisine principale. La famille acheta une pétrisseuse et d’autres appareils de pâtisserie, y compris des étagères, des réfrigérateurs et des meubles de rangement, selon les instructions de Cake, le tout formant une fabrique de pâtisserie rurale pittoresque. Son père avait mis à leur disposition l’une des Land Rovers de la ferme, ce qui lui permettait de parcourir les environs de la petite ville afin de trouver des usines et des boutiques susceptibles de vendre leurs produits. Cake s’en était tenu à un fonctionnement simple. Bien qu’il adore expérimenter, la famille avait limité la production aux pains, petits pains, baguettes, gâteaux et tartes.

Après la période des moissons, l’entreprise de Cake prit son envol. Les fours démarraient tôt le matin et la première livraison quittait la boulangerie dès six heures. Les sœurs livraient les premières fournées avant d’aller à l’école et Cake s’occupait de la cuisson et de la livraison pour le reste de la journée. Cette organisation était efficace et ils furent rapidement inondés de commandes. L’activité pâtissière devenait un revenu lucratif pour la ferme. Malgré son bonheur, Cake ne se contentait pas de sa situation. Plus il lisait de magazines de cuisine sur les nouvelles techniques et recettes créées dans les grandes pâtisseries, restaurants, hôtels, ainsi que les compliments adressés aux grands chefs, plus Cake aspirait à la célébrité.

Par un matin ensoleillé d’été, au moment où il sortait une fournée de « rouleaux du laboureur » croustillants, il reçut un coup de téléphone de Bill, le propriétaire du bar « Rising Sun ».

« Salut Cake, commença Bill, j’ai un client qui veut discuter avec toi. Peux-tu venir ? ».

« Qu’est-ce qu’il veut ? », demanda Cake.

« Je ne sais pas, viens le rencontrer et tu sauras ce qu’il en est », dit Bill, d’un ton vague.

Cake, intrigué, regarda sa montre et dit à Bill : « J’arrive, donne-moi environ vingt minutes ». Cake se changea et se rendit en ville.

* * *

Il arriva au Rising Sun et vit Bill, qui souriait et lui parla du client. « Il a mangé ton sandwich gourmet avec une tranche de gâteau le premier jour et aujourd’hui, il a commandé plusieurs de tes sandwiches et tranches de gâteau. Je l’ai vu manger une bouchée de chacun, les envelopper dans une serviette en papier, et les placer dans un fourre-tout ». Bill se gratta le menton et continua : « Aujourd’hui, il m’a demandé qui avait fourni ma pâtisserie et quand je lui ai dit que c’était un pâtissier local, il s’est présenté et a insisté pour te parler. Je n’aurais pas fait attention, mais il a prétendu être célèbre, bien que je n’ai jamais entendu parler de lui ».

« C’est étrange », répliqua Cake en fronçant les sourcils « quel est son nom ? ».

Bill réfléchit et dit « Jimmy quelque chose… j’ai oublié son nom, mais il est assis là-bas », en montrant l’homme assis dans la réception en train de lire un quotidien.

Cake s’approcha de l’homme, qui abaissa son journal en souriant. Il posa le journal sur la table et demanda à Cake de s’asseoir. Cake eut le souffle coupé lorsqu’il reconnut l’homme. Il avait lu des articles dans les magazines britanniques et savait tout le prestige qui entourait l’individu au petit visage rond, au front dégarni.

« Je suis Jimmy Constable, le chef pâtissier dans la pâtisserie Harrods ».

Cake serra la main de Jimmy, puis répondit avec un tremblement dans la voix : « Oui, je sais qui vous êtes, tout le monde m’appelle Cake ».

« Je suis enchanté de vous rencontrer, Cake », dit Jimmy. « Que puis-je faire pour vous, est-ce que quelque chose n’allait pas avec les plats ? », demanda Cake, l’air préoccupé.

Jimmy répondit avec un grand sourire : « Non, c’était parfait ». Il ajouta : « Il y a quelques jours, je voyageais vers Hull pour interroger un candidat pour un poste chez Harrods et je me suis arrêté ici pour prendre un en-cas. Je m’attendais à une cuisine fade, sèche de routier ». Il se pencha en avant et ajouta : « Au contraire, les arômes et textures du rouleau et des gâteaux m’ont enchanté ; j’avais du mal à croire en de telles sensations. Je suis revenu le lendemain pour goûter d’autres spécialités du menu et me régalais à nouveau avec les arômes uniques et distincts ». Il regarda Bill qui souriait et murmura : « Cela avait bien meilleur goût que la bière épouvantable ».

Cake, ravi d’entendre Jimmy chanter ses louanges, expliqua comment il avait reçu son surnom, lui parla de l’entreprise de sa famille et l’invita à la visiter. Jimmy fut d’accord, ils quittèrent le Rising Sun et se rendirent à la ferme Bakewell.

Jimmy explora la pâtisserie de la ferme et reprit des échantillons de quelques produits de Cake, avec un sourire de plaisir sur son visage à chaque bouchée.

« Avez-vous des diplômes en pâtisserie ? », demanda Jimmy.

« Non, répliqua Cake, désolé ».

Jimmy sourit. « Ce n’est pas grave, je n’avais pas goûté de mets aussi bons depuis longtemps, aussi nous pouvons nous passer des formalités administratives. J’aimerais que vous fassiez quelque chose pour moi ».

Cake, confus, demanda : « se passer des formalités administratives pour quoi ? ».

Jimmy ignora sa question et sortit un magazine de son sac. Il montra à Cake une photographie d’une tranche de crème anglaise recouverte de glaçage blanc et lui dit : « Pouvez-vous confectionner l’une de celles-ci ».

Cake regarda la photographie. « Pourquoi un chef pâtissier voudrait-il me faire préparer une simple tranche de crème anglaise ? », pensa-t-il perplexe, et répliqua : « Bien sûr ».

« Veuillez m’en préparer une », dit Jimmy en souriant.

« Une seule ? », demanda Cake.

« Oui, une seule », répondit Jimmy.

Jimmy s’assit, observant Cake tel un derviche tourneur, évoluant au milieu de ses pots et récipients d’ingrédients. Sans utiliser de balance de pesée, il fit valser ses cuillers et tamis, et mélangea les ingrédients, flairant et goûtant jusqu’à ce qu’il apparaisse satisfait et obtienne une réplique exacte de la page sur papier glacé. Il plaça celle-ci dans un four. Ils bavardèrent pendant un moment de Londres et de cuisine jusqu’à ce que Cake sache que la tranche de crème anglaise était prête. Il la sortit du four et étala le glaçage sur le dessus.

Jimmy respira l’arôme délicieux et sourit.

En attendant que le glaçage durcisse, Cake demanda à Jimmy : « Pourquoi vouliez-vous que je vous prépare une simple tranche de crème anglaise ? ».

Jimmy regarda Cake en souriant : « Elles ne sont pas si simples et peuvent être fades ». Je recherche toujours quelqu’un qui pourrait produire un arôme unique et transformer un mets fade en quelque chose de spécial », répliqua Jimmy.

« Vous recherchez quoi au juste ? », demanda Cake, ne pouvant cacher son trouble.

Jimmy regarda Cake et lui dit : « Un assistant ».

Cake fut abasourdi quand Jimmy poursuivit : « Un poste est libre chez Harrods pour un assistant-chef pâtissier, mais je n’ai pas encore pu trouver un candidat qui convienne ».

Confus, Cake tendit la tranche de crème anglaise chaude à Jimmy, qui goûta une bouchée de la pâtisserie sucrée et croustillante. Les arômes explosèrent dans sa bouche dans un mélange de goûts subtils qui relevaient la crème à la vanille et le glaçage.

« Le talent de ce garçon est phénoménal », pensa Jimmy avant d’annoncer : « Ce poste d’assistant est à vous, jeune Cake ».

Le cœur de Cake fit un bond, car il savait qu’il n’obtiendrait jamais une opportunité comme celle-ci. C’était son rêve, mais un obstacle se dressait sur son chemin. Il dit en soupirant : « J’adorerais venir à Londres et travailler pour vous, Jimmy, mais je dois m’occuper de la pâtisserie familiale ».

Jimmy, d’un ton déçu, regarda Cake, et dit avec un sourire en coin : « Si vous voulez le poste, je vais parler à votre famille, je peux être très persuasif ».

Cake sourit et, d’un air de petit chien excité, répondit : « Merci Jimmy ». Il jeta ensuite un coup d’œil à sa montre et ajouta : « La famille est à l’étage ».

* * *

Jimmy et Cake pénétraient dans l’immense section pâtisserie d’Harrods, une semaine après la discussion avec la famille de Cake qui, sachant que cela avait toujours été son rêve, avait accepté. Jimmy offrit à Cake une visite de la boutique prestigieuse. Cake ne pouvait détacher ses yeux des présentoirs en verre de la section pâtisserie d’Harrods, qui ressemblaient à des œuvres d’art. Jimmy l’amena à sa salle dans les locaux du personnel et lui remit plusieurs tenues de chef ornées du petit logo doré Harrods.

Cake se sentit richissime tandis qu’il revêtait sa tenue blanche et se rendait dans la pâtisserie efficace, bien organisée et impeccable, chaque employé connaissant bien sa routine. Cake était en admiration à mesure qu’il découvrait les fours et équipements modernes.

« OK, Cake, lui dit Jimmy, fais un tour et prends tes repères, puis je veux que tu me prépares deux douzaines d’éclairs au chocolat ».

« D’accord, chef ! », répondit joyeusement Cake, se mettant au travail.

Cela prit un moment pour que Cake s’établisse dans sa nouvelle vie. Au début, le personnel de la pâtisserie Harrods se comporta froidement avec lui. Ils étaient jaloux et ne comprenaient pas comment un jeune fermier sans qualifications avait atterri au poste enviable d’assistant du chef pâtissier. Cependant, une fois qu’ils eurent goûté ses gâteaux et pâtisseries, ils réalisèrent qu’il était spécial et méritait le poste. Cake travaillait dur et passait la majeure partie de son temps à la pâtisserie.

Sa réputation se répandit dans le monde culinaire de Londres. Les ventes de la pâtisserie Harrods augmentèrent et Cake fut rapidement demandé par les concurrents. Il gagnait beaucoup d’argent et faisait ce qu’il adorait, la cuisine.

Jimmy devint son mentor et apprit à Cake de précieuses astuces et techniques. Cependant, Cake se sentait limité dans ses expérimentations chez Harrods. Le menu fixe changeait rarement et il n’y avait pas place pour l’innovation. Cake manquait de défis et le travail devint rapidement banal. Il reprit le kickboxing pour rompre la monotonie.

Bien qu’il décline les postes dans d’autres pâtisseries et restaurants de prestige, Jimmy l’encourageait à faire progresser sa carrière, lui conseillant d’accepter un autre poste si l’occasion se présentait. Cette ouverture arriva alors que Cake avait vingt-quatre ans. L’hôtel Savoy l’approcha pour devenir son chef pâtissier, ce que Cake considéra.

On lui offrait une augmentation de salaire généreuse et il contrôlerait le menu des gâteaux et pâtisseries, il pourrait expérimenter ses recettes, sachant que la responsabilité de la réussite du département lui incombait.

Cake discuta de l’offre avec Jimmy, qui lui conseilla d’accepter le poste.

* * *

Le Savoy, avait été construit à la fin du dix-huitième siècle. C’était un hôtel 5 étoiles dont l’opulence et la grandeur impressionnaient Cake, cependant le premier jour dans la pâtisserie fut un choc, car il avait l’habitude de travailler dans une pâtisserie tranquille et efficace. Les chefs tournaient dans la cuisine comme des poulets sans tête, tandis qu’un chef petit et gros braillait et leur criait dessus. Cake se rendit dans la section pâtisserie, où un pâtissier criait sur un personnel aux airs persécuté. Il se présenta comme chef pâtissier à l’assistant du chef pâtissier, qui sembla peu impressionné par son nouveau patron et, tout en aboyant des ordres à ses subordonnés, fit faire le tour de la maison à Cake.

Sans attendre, Cake mit de l’ordre dans la pâtisserie et réorganisa la section, forma les pâtissiers à ses techniques et recettes. Il vérifiait chaque produit qui quittait la zone. Il renvoya l’assistant-pâtissier et le lieu de travail devint serein et bien organisé, à la différence de la cuisine principale, avec son chaos désorganisé et ses chefs mégalomanes criant sur leurs larbins. Cela ne les empêchait pas de s’adresser avec respect à Cake, car ils savaient que, contrairement à Cake, ils n’étaient pas irremplaçables.

Cake aimait flâner le long de la Tamise et se posait souvent des questions sur ses sens extraordinaires. Il voulait en savoir davantage à ce sujet, aussi il prit rendez-vous avec le docteur Arnold Sagger, un éminent médecin spécialiste en génétique de la clinique Harley Street, qui préleva des échantillons d’ADN.

Le docteur fut abasourdi par les résultats. Cake possédait au moins un tiers de gènes récepteurs olfactifs en plus que les autres êtres humains, et davantage que la plupart des autres mammifères.

Le docteur avait mené des recherches sur des individus et c’est chez un sommelier italien qu’il en avait trouvé le plus, avec 980 gènes récepteurs, légèrement plus que la moyenne chez les êtres humains moyens, qui était inférieure à 900. Cake en possédait plus de 1400, légèrement moins que la souris, qui détient un record de 1500 gènes olfactifs.

Le médecin avait l’air excité lorsqu’il demanda à étudier Cake et faire des recherches sur sa mutation, mais parut déçu lorsque Cake déclina, au motif que le médecin lui donnait l’impression d’être X-Man. Il était simplement un gars normal doté de perceptions élevées et maintenant qu’il en avait trouvé la raison, c’était tout ce qu’il avait besoin de savoir.