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Voyage au bout de la nuit / Путешествие на край ночи. Книга для чтения на французском языке
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Voyage au bout de la nuit / Путешествие на край ночи. Книга для чтения на французском языке

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Voyage au bout de la nuit / Путешествие на край ночи. Книга для чтения на французском языке
Луи-Фердинанд Селин

Роман французского писателя Луи-Фердинанда Селина «Путешествие на край ночи», написанный в 1932 году, является одним из важнейших произведений французской литературы XX в. Исповедь интеллигентного человека, представителя «потерянного поколения» прошедших сквозь ужасы Первой мировой войны и разуверившихся в жизни, была с восторгом принята частью литераторов – достаточно упомянуть Генри Миллера и Чарльза Буковски – и категорически отрицалась другими. Книга адресована всем любителям современной французской литературы.

Louis-Ferdinand Celine

Voyage au Bout de la NuIt

? Elisabeth Craig

Notre vie est un voyage
Dans l’hiver et dans la Nuit,
Nous cherchons notre passage
Dans le Ciel o? rien ne luit.

    Chanson des Gardes Suisses, 1793

Voyager, c’est bien utile, ?a fait travailler l’imagination. Tout le reste n’est que dеceptions et fatigues. Notre voyage ? nous est enti?rement imaginaire. Voil? sa force.

Il va de la vie ? la mort. Hommes, b?tes, villes et choses, tout est imaginе. C’est un roman, rien qu’une histoire fictive. Littrе le dit, qui ne se trompe jamais.

Et puis d’abord tout le monde peut en faire autant. Il suffit de fermer les yeux.

C’est de l’autre c?tе de la vie.

?a a dеbutе comme ?a. Moi, j’avais jamais rien dit. Rien. C’est Arthur Ganate qui m’a fait parler. Arthur, un еtudiant, un carabin lui aussi, un camarade. On se rencontre donc place Clichy. C’еtait apr?s le dеjeuner. Il veut me parler. Je l’еcoute. « Restons pas dehors! qu’il me dit. Rentrons! » Je rentre avec lui. Voil?. « Cette terrasse, qu’il commence, c’est pour les Cufs ? la coque! Viens par ici! » Alors, on remarque encore qu’il n’y avait personne dans les rues, ? cause de la chaleur; pas de voitures, rien. Quand il fait tr?s froid, non plus, il n’y a personne dans les rues; c’est lui, m?me que je m’en souviens, qui m’avait dit ? ce propos: « Les gens de Paris ont l’air toujours d’?tre occupеs, mais en fait, ils se prom?nent du matin au soir; la preuve, c’est que lorsqu’il ne fait pas bon ? se promener, trop froid ou trop chaud, on ne les voit plus; ils sont tous dedans ? prendre des cafеs cr?me et des bocks. C’est ainsi! Si?cle de vitesse! qu’ils disent. O? ?a? Grands changements! qu’ils racontent. Comment ?a? Rien n’est changе en vеritе. Ils continuent ? s’admirer et c’est tout. Et ?a n’est pas nouveau non plus. Des mots, et encore pas beaucoup, m?me parmi les mots, qui sont changеs! Deux ou trois par-ci, par-l?, des petits… » Bien fiers alors d’avoir fait sonner ces vеritеs utiles, on est demeurеs l? assis, ravis, ? regarder les dames du cafе.

Apr?s, la conversation est revenue sur le Prеsident Poincarе qui s’en allait inaugurer, justement ce matin-l?, une exposition de petits chiens; et puis, de fil en aiguille, sur le Temps o? c’еtait еcrit. « Tiens, voil? un ma?tre journal, le Temps! » qu’il me ta-quine Arthur Ganate, ? ce propos. « Y en a pas deux comme lui pour dеfendre la race fran?aise! – Elle en a bien besoin la race fran?aise, vu qu’elle n’existe pas! » que j’ai rеpondu moi pour montrer que j’еtais documentе, et du tac au tac.

« Si donc! qu’il y en a une! Et une belle de race! qu’il insistait lui, et m?me que c’est la plus belle race du monde et bien cocu qui s’en dеdit! » Et puis, le voil? parti ? m’engueuler. J’ai tenu ferme bien entendu.

« C’est pas vrai! La race, ce que t’appelles comme ?a, c’est seulement ce grand ramassis de miteux dans mon genre, chassieux, puceux, transis, qui ont еchouе ici poursuivis par la faim, la peste, les tumeurs et le froid, venus vaincus des quatre coins du monde. Ils ne pouvaient pas aller plus loin ? cause de la mer. C’est ?a la France et puis c’est ?a les Fran?ais.

– Bardamu, qu’il me fait alors gravement et un peu triste, nos p?res nous valaient bien, n’en dis pas de mal!..

– T’as raison, Arthur, pour ?a t’as raison! Haineux et dociles, violеs, volеs, еtripеs et couillons toujours, ils nous valaient bien! Tu peux le dire! Nous ne changeons pas! Ni de chaussettes, ni de ma?tres, ni d’opinions, ou bien si tard, que ?a n’en vaut plus la peine. On est nеs fid?les, on en cr?ve nous autres! Soldats gratuits, hеros pour tout le monde et singes parlants, mots qui souffrent, on est nous les mignons du Roi Mis?re. C’est lui qui nous poss?de! Quand on est pas sages, il serre… On a ses doigts autour du cou, toujours, ?a g?ne pour parler, faut faire bien attention si on tient ? pouvoir manger… Pour des riens, il vous еtrangle… C’est pas une vie…

– Il y a l’amour, Bardamu!

– Arthur, l’amour c’est l’infini mis ? la portеe des caniches et j’ai ma dignitе moi! que je lui rеponds.

– Parlons-en de toi! T’es un anarchiste et puis voil? tout! » Un petit malin, dans tous les cas, vous voyez ?a d’ici, et tout ce qu’il y avait d’avancе dans les opinions.

« Tu l’as dit, bouffi, que je suis anarchiste! Et la preuve la meilleure, c’est que j’ai composе une mani?re de pri?re vengeresse et sociale dont tu vas me dire tout de suite des nouvelles: LES AILES EN OR! C’est le titre!.. » Et je lui rеcite alors:

Un Dieu qui compte les minutes et les sous, un Dieu dеsespеrе, sensuel et grognon comme un cochon. Un cochon avec des ailes en or qui retombe partout, le ventre en l’air, pr?t aux caresses, c’est lui, c’est notre ma?tre. Embrassons-nous!

« Ton petit morceau ne tient pas devant la vie, j’en suis, moi, pour l’ordre еtabli et je n’aime pas la politique. Et d’ailleurs le jour o? la patrie me demandera de verser mon sang pour elle, elle me trouvera moi bien s?r, et pas fainеant, pr?t ? le donner. » Voil? ce qu’il m’a rеpondu.

Justement la guerre approchait de nous deux sans qu’on s’en soye rendu compte et je n’avais plus la t?te tr?s solide. Cette br?ve mais vivace discussion m’avait fatiguе. Et puis, j’еtais еmu aussi parce que le gar?on m’avait un peu traitе de sordide ? cause du pourboire. Enfin, nous nous rеconcili?mes avec Arthur pour finir, tout ? fait. On еtait du m?me avis sur presque tout.

« C’est vrai, t’as raison en somme, que j’ai convenu, conciliant, mais enfin on est tous assis sur une grande gal?re, on rame tous ? tour de bras, tu peux pas venir me dire le contraire!.. Assis sur des clous m?me ? tirer tout nous autres! Et qu’est-ce qu’on en a? Rien! Des coups de trique seulement, des mis?res, des bobards et puis des vacheries encore. On travaille! qu’ils disent. C’est ?a encore qu’est plus infect que tout le reste, leur travail. On est en bas dans les cales ? souffler de la gueule, puants, suintants des rouspignolles, et puis voil?! En haut sur le pont, au frais, il y a les ma?tres et qui s’en font pas, avec des belles femmes roses et gonflеes de parfums sur les genoux. On nous fait monter sur le pont. Alors, ils mettent leurs chapeaux haut de forme et puis ils nous en mettent un bon coup de la gueule comme ?a: “Bandes de charognes, c’est la guerre! qu’ils font. On va les aborder, les saligauds qui sont sur la patrie n° 2 et on va leur faire sauter la caisse! Allez! Allez! Y a de tout ce qu’il faut ? bord! Tous en chCur! Gueulez voir d’abord un bon coup et que ?a tremble: Vive la Patrie n° I! Qu’on vous entende de loin! Celui qui gueulera le plus fort, il aura la mеdaille et la dragеe du bon Jеsus! Nom de Dieu! Et puis ceux qui ne voudront pas crever sur mer, ils pourront toujours aller crever sur terre o? c’est fait bien plus vite encore qu’ici!”

– C’est tout ? fait comme ?a! » que m’approuva Arthur, dеcidеment devenu facile ? convaincre.

Mais voil?-t-y pas que juste devant le cafе o? nous еtions attablеs un rеgiment se met ? passer, et avec le colonel par-devant sur son cheval, et m?me qu’il avait l’air bien gentil et richement gaillard, le colonel! Moi, je ne fis qu’un bond d’enthousiasme.

« J’ vais voir si c’est ainsi! que je crie ? Arthur, et me voici parti ? m’engager, et au pas de course encore.

– T’es rien c… Ferdinand! » qu’il me crie, lui Arthur en retour, vexе sans aucun doute par l’effet de mon hеro?sme sur tout le monde qui nous regardait.

?a m’a un peu froissе qu’il prenne la chose ainsi, mais ?a m’a pas arr?tе. J’еtais au pas. « J’y suis, j’y reste! » que je me dis.

« On verra bien, eh navet! » que j’ai m?me encore eu le temps de lui crier avant qu’on tourne la rue avec le rеgiment derri?re le colonel et sa musique. ?a s’est fait exactement ainsi.

Alors on a marchе longtemps. Y en avait plus qu’il y en avait encore des rues, et puis dedans des civils et leurs femmes qui nous poussaient des encouragements, et qui lan?aient des fleurs, des terrasses, devant les gares, des pleines еglises. Il y en avait des patriotes! Et puis il s’est mis ? y en avoir moins des patriotes… La pluie est tombеe, et puis encore de moins en moins et puis plus du tout d’encouragements, plus un seul, sur la route.

Nous n’еtions donc plus rien qu’entre nous? Les uns derri?re les autres? La musique s’est arr?tеe. « En rеsumе, que je me suis dit alors, quand j’ai vu comment ?a tournait, c’est plus dr?le! C’est tout ? recommencer! » J’allais m’en aller. Mais trop tard! Ils avaient refermе la porte en douce derri?re nous les civils. On еtait faits, comme des rats.

Une fois qu’on y est, on y est bien. Ils nous firent monter ? cheval et puis au bout de deux mois qu’on еtait l?-dessus, remis ? pied. Peut??tre ? cause que ?a co?tait trop cher. Enfin, un matin, le colonel cherchait sa monture, son ordonnance еtait parti avec, on ne savait o?, dans un petit endroit sans doute o? les balles passaient moins facilement qu’au milieu de la route. Car c’est l? prеcisеment qu’on avait fini par se mettre, le colonel et moi, au beau milieu de la route, moi tenant son registre o? il inscrivait des ordres.

Tout au loin sur la chaussеe, aussi loin qu’on pouvait voir, il y avait deux points noirs, au milieu, comme nous, mais c’еtait deux Allemands bien occupеs ? tirer depuis un bon quart d’heure.

Lui, notre colonel, savait peut-?tre pourquoi ces deux gens-l? tiraient, les Allemands aussi peut-?tre qu’ils savaient, mais moi, vraiment, je savais pas. Aussi loin que je cherchais dans ma mеmoire, je ne leur avais rien fait aux Allemands. J’avais toujours еtе bien aimable et bien poli avec eux. Je les connaissais un peu les Allemands, j’avais m?me еtе ? l’еcole chez eux, еtant petit, aux environs de Hanovre. J’avais parlе leur langue. C’еtait alors une masse de petits crеtins gueulards avec des yeux p?les et furtifs comme ceux des loups; on allait toucher ensemble les filles apr?s l’еcole dans les bois d’alentour, o? on tirait aussi ? l’arbal?te et au pistolet qu’on achetait m?me quatre marks. On buvait de la bi?re sucrеe. Mais de l? ? nous tirer maintenant dans le coffret, sans m?me venir nous parler d’abord et en plein milieu de la route, il y avait de la marge et m?me un ab?me. Trop de diffеrence.

La guerre en somme c’еtait tout ce qu’on ne comprenait pas. ?a ne pouvait pas continuer.

Il s’еtait donc passе dans ces gens-l? quelque chose d’extraordinaire? Que je ne ressentais, moi, pas du tout. J’avais pas d? m’en apercevoir…

Mes sentiments toujours n’avaient pas changе ? leur еgard. J’avais comme envie malgrе tout d’essayer de comprendre leur brutalitе, mais plus encore j’avais envie de m’en aller, еnormеment, absolument, tellement tout cela m’apparaissait soudain comme l’effet d’une formidable erreur.

« Dans une histoire pareille, il n’y a rien ? faire, il n’y a qu’? foutre le camp », que je me disais, apr?s tout…

Au-dessus de nos t?tes, ? deux millim?tres, ? un millim?tre peut-?tre des tempes, venaient vibrer l’un derri?re l’autre ces longs fils d’acier tentants que tracent les balles qui veulent vous tuer, dans l’air chaud d’еtе.

Jamais je ne m’еtais senti aussi inutile parmi toutes ces balles et les lumi?res de ce soleil. Une immense, universelle moquerie.

Je n’avais que vingt ans d’?ge ? ce moment?l?. Fermes dеsertes au loin, des еglises vides et ouvertes, comme si les paysans еtaient partis de ces hameaux pour la journеe, tous, pour une f?te ? l’autre bout du canton, et qu’ils nous eussent laissе en confiance tout ce qu’ils possеdaient, leur campagne, les charrettes, brancards en l’air, leurs champs, leurs enclos, la route, les arbres et m?me les vaches, un chien avec sa cha?ne, tout quoi. Pour qu’on se trouve bien tranquilles ? faire ce qu’on voudrait pendant leur absence. ?a avait l’air gentil de leur part. « Tout de m?me, s’ils n’еtaient pas ailleurs! – que je me disais – s’il y avait encore eu du monde par ici, on ne se serait s?rement pas conduits de cette ignoble fa?on! Aussi mal! On aurait pas osе devant eux! Mais, il n’y avait plus personne pour nous surveiller! Plus que nous, comme des mariеs qui font des cochonneries quand tout le monde est parti. »

Je me pensais aussi (derri?re un arbre) que j’aurais bien voulu le voir ici moi, le Dеroul?de dont on m’avait tant parlе, m’expliquer comment qu’il faisait, lui, quand il prenait une balle en plein bidon.

Ces Allemands accroupis sur la route, t?tus et tirailleurs, tiraient mal, mais ils semblaient avoir des balles ? en revendre, des pleins magasins sans doute. La guerre dеcidеment, n’еtait pas terminеe! Notre colonel, il faut dire ce qui est, manifestait une bravoure stupеfiante! Il se promenait au beau milieu de la chaussеe et puis de long en large parmi les trajectoires aussi simplement que s’il avait attendu un ami sur le quai de la gare, un peu impatient seulement.

Moi d’abord la campagne, faut que je le dise tout de suite, j’ai jamais pu la sentir, je l’ai toujours trouvеe triste, avec ses bourbiers qui n’en finissent pas, ses maisons o? les gens n’y sont jamais et ses chemins qui ne vont nulle part. Mais quand on y ajoute la guerre en plus, c’est ? pas y tenir. Le vent s’еtait levе, brutal, de chaque c?tе des talus, les peupliers m?laient leurs rafales de feuilles aux petits bruits secs qui venaient de l?-bas sur nous. Ces soldats inconnus nous rataient sans cesse, mais tout en nous entourant de mille morts, on s’en trouvait comme habillеs. Je n’osais plus remuer.

Le colonel, c’еtait donc un monstre! ? prеsent, j’en еtais assurе, pire qu’un chien, il n’imaginait pas son trеpas! Je con?us en m?me temps qu’il devait y en avoir beaucoup des comme lui dans notre armеe, des braves, et puis tout autant sans doute dans l’armеe d’en face. Qui savait combien? Un, deux, plusieurs millions peut-?tre en tout? D?s lors ma frousse devint panique. Avec des ?tres semblables, cette imbеcillitе infernale pouvait continuer indеfiniment… Pourquoi s’arr?teraient?ils? Jamais je n’avais senti plus implacable la sentence des hommes et des choses.

Serais?je donc le seul l?che sur la terre? pensais?je. Et avec quel effroi!.. Perdu parmi deux millions de fous hеro?ques et dеcha?nеs et armеs jusqu’aux cheveux? Avec casques, sans casques, sans chevaux, sur motos, hurlants, en autos, sifflants, tirailleurs, comploteurs, volants, ? genoux, creusant, se dеfilant, caracolant dans les sentiers, pеtaradant, enfermеs sur la terre, comme dans un cabanon, pour y tout dеtruire, Allemagne, France et Continents, tout ce qui respire, dеtruire, plus enragеs que les chiens, adorant leur rage (ce que les chiens ne font pas), cent, mille fois plus enragеs que mille chiens et tellement plus vicieux! Nous еtions jolis! Dеcidеment, je le concevais, je m’еtais embarquе dans une croisade apocalyptique.

On est puceau de l’Horreur comme on l’est de la voluptе. Comment aurais-je pu me douter moi de cette horreur en quittant la place Clichy? Qui aurait pu prеvoir avant d’entrer vraiment dans la guerre, tout ce que contenait la sale ?me hеro?que et fainеante des hommes? ? prеsent, j’еtais pris dans cette fuite en masse, vers le meurtre en commun, vers le feu… ?a venait des profondeurs et c’еtait arrivе.

Le colonel ne bronchait toujours pas, je le regardais recevoir, sur le talus, des petites lettres du gеnеral qu’il dеchirait ensuite menu, les ayant lues sans h?te, entre les balles. Dans aucune d’elles, il n’y avait donc l’ordre d’arr?ter net cette abomination? On ne lui disait donc pas d’en haut qu’il y avait mеprise? Abominable erreur? Maldonne? Qu’on s’еtait trompе? Que c’еtait des manCuvres pour rire qu’on avait voulu faire, et pas des assassinats! Mais non! « Continuez, colonel, vous ?tes dans la bonne voie! » Voil? sans doute ce que lui еcrivait le gеnеral des Entrayes, de la division, notre chef ? tous, dont il recevait une enveloppe chaque cinq minutes, par un agent de la liaison, que la peur rendait chaque fois un peu plus vert et foireux. J’en aurais fait mon fr?re peureux de ce gar?on-l?! Mais on n’avait pas le temps de fraterniser non plus.

Donc pas d’erreur? Ce qu’on faisait ? se tirer dessus, comme ?a, sans m?me se voir, n’еtait pas dеfendu! Cela faisait partie des choses qu’on peut faire sans mеriter une bonne engueulade. C’еtait m?me reconnu, encouragе sans doute par les gens sеrieux, comme le tirage au sort, les fian?ailles, la chasse ? courre!.. Rien ? dire. Je venais de dеcouvrir d’un coup la guerre tout enti?re. J’еtais dеpucelе. Faut ?tre ? peu pr?s seul devant elle comme je l’еtais ? ce moment-l? pour bien la voir la vache, en face et de profil. On venait d’allumer la guerre entre nous et ceux d’en face, et ? prеsent ?a br?lait! Comme le courant entre les deux charbons, dans la lampe ? arc. Et il n’еtait pas pr?s de s’еteindre le charbon! On y passerait tous, le colonel comme les autres, tout mariole qu’il semblait ?tre et sa carne ne ferait pas plus de r?ti que la mienne quand le courant d’en face lui passerait entre les deux еpaules.

Il y a bien des fa?ons d’?tre condamnе ? mort. Ah! combien n’aurais-je pas donnе ? ce moment-l? pour ?tre en prison au lieu d’?tre ici, moi crеtin! Pour avoir, par exemple, quand c’еtait si facile, prеvoyant, volе quelque chose, quelque part, quand il en еtait temps encore. On ne pense ? rien! De la prison, on en sort vivant, pas de la guerre. Tout le reste, c’est des mots.

Si seulement j’avais encore eu le temps, mais je ne l’avais plus! Il n’y avait plus rien ? voler! Comme il ferait bon dans une petite prison pеp?re, que je me disais, o? les balles ne passent pas! Ne passent jamais! J’en connaissais une toute pr?te, au soleil, au chaud! Dans un r?ve, celle de Saint-Germain prеcisеment, si proche de la for?t, je la connaissais bien, je passais souvent par l?, autrefois. Comme on change! J’еtais un enfant alors, elle me faisait peur la prison. C’est que je ne connaissais pas encore les hommes. Je ne croirai plus jamais ? ce qu’ils disent, ? ce qu’ils pensent. C’est des hommes et d’eux seulement qu’il faut avoir peur, toujours.

Combien de temps faudrait-il qu’il dure leur dеlire, pour qu’ils s’arr?tent еpuisеs, enfin, ces monstres? Combien de temps un acc?s comme celui-ci peut-il bien durer? Des mois? Des annеes? Combien? Peut-?tre jusqu’? la mort de tout le monde, de tous les fous? Jusqu’au dernier? Et puisque les еvеnements prenaient ce tour dеsespеrе je me dеcidais ? risquer le tout pour le tout, ? tenter la derni?re dеmarche, la supr?me, essayer, moi, tout seul, d’arr?ter la guerre! Au moins dans ce coin-l? o? j’еtais.

Le colonel dеambulait ? deux pas. J’allais lui parler. Jamais je ne l’avais fait. C’еtait le moment d’oser. L? o? nous en еtions il n’y avait presque plus rien ? perdre. « Qu’est-ce que vous voulez? » me demanderait-il, j’imaginais, tr?s surpris bien s?r par mon audacieuse interruption. Je lui expliquerais alors les choses telles que je les concevais. On verrait ce qu’il en pensait, lui. Le tout c’est qu’on s’explique dans la vie. ? deux on y arrive mieux que tout seul.

J’allais faire cette dеmarche dеcisive quand, ? l’instant m?me, arriva vers nous au pas de gymnastique, fourbu, dеgingandе, un cavalier ? pied (comme on disait alors) avec son casque renversе ? la main, comme Bеlisaire, et puis tremblant et bien souillе de boue, le visage plus verd?tre encore que celui de l’autre agent de liaison. Il bredouillait et semblait еprouver comme un mal inou?, ce cavalier, ? sortir d’un tombeau et qu’il en avait tout mal au cCur. Il n’aimait donc pas les balles ce fant?me lui non plus? Les prеvoyait-il comme moi?

« Qu’est-ce que c’est? » l’arr?ta net le colonel, brutal, dеrangе, en jetant dessus ce revenant une esp?ce de regard en acier.

De le voir ainsi cet ignoble cavalier dans une tenue aussi peu rеglementaire, et tout foirant d’еmotion, ?a le courrou?ait fort notre colonel. Il n’aimait pas cela du tout la peur. C’еtait еvident. Et puis ce casque ? la main surtout, comme un chapeau melon, achevait de faire joliment mal dans notre rеgiment d’attaque, un rеgiment qui s’еlan?ait dans la guerre. Il avait l’air de la saluer lui, ce cavalier ? pied, la guerre, en entrant.

Sous ce regard d’opprobre, le messager vacillant se remit au « garde-?-vous », les petits doigts sur la couture du pantalon, comme il se doit dans ces cas-l?. Il oscillait ainsi, raidi, sur le talus, la transpiration lui coulant le long de la jugulaire, et ses m?choires tremblaient si fort qu’il en poussait des petits cris avortеs, tel un petit chien qui r?ve. On ne pouvait dеm?ler s’il voulait nous parler ou bien s’il pleurait.

Nos Allemands accroupis au fin bout de la route venaient justement de changer d’instrument. C’est ? la mitrailleuse qu’ils poursuivaient ? prеsent leurs sottises; ils en craquaient comme de gros paquets d’allumettes et tout autour de nous venaient voler des essaims de balles rageuses, pointilleuses comme des gu?pes.

L’homme arriva tout de m?me ? sortir de sa bouche quelque chose d’articulе.

« Le marеchal des logis Barousse vient d’?tre tuе, mon colonel, qu’il dit tout d’un trait.

– Et alors?

– Il a еtе tuе en allant chercher le fourgon ? pain sur la route des Еtrapes, mon colonel!

– Et alors?

– Il a еtе еclatе par un obus!

– Et alors, nom de Dieu!

– Et voil?! Mon colonel…

– C’est tout?

– Oui, c’est tout, mon colonel.

– Et le pain? » demanda le colonel.

Ce fut la fin de ce dialogue parce que je me souviens bien qu’il a eu le temps de dire tout juste: « Et le pain? » Et puis ce fut tout. Apr?s ?a, rien que du feu et puis du bruit avec. Mais alors un de ces bruits comme on ne croirait jamais qu’il en existe. On en a eu tellement plein les yeux, les oreilles, le nez, la bouche, tout de suite, du bruit, que je croyais bien que c’еtait fini, que j’еtais devenu du feu et du bruit moi-m?me.

Et puis non, le feu est parti, le bruit est restе longtemps dans ma t?te, et puis les bras et les jambes qui tremblaient comme si quelqu’un vous les secouait de par-derri?re. Ils avaient l’air de me quitter et puis ils me sont restеs quand m?me mes membres. Dans la fumеe qui piqua les yeux encore pendant longtemps, l’odeur pointue de la poudre et du soufre nous restait comme pour tuer les punaises et les puces de la terre enti?re.

Tout de suite apr?s ?a, j’ai pensе au marеchal des logis Barousse qui venait d’еclater comme l’autre nous l’avait appris. C’еtait une bonne nouvelle. Tant mieux! que je pensais tout de suite ainsi: « C’est une bien grande charogne en moins dans le rеgiment! » Il avait voulu me faire passer au Conseil pour une bo?te de conserve. « Chacun sa guerre! » que je me dis. De ce c?tе-l?, faut en convenir, de temps en temps, elle avait l’air de servir ? quelque chose la guerre! J’en connaissais bien encore trois ou quatre dans le rеgiment, de sacrеs ordures que j’aurais aidеs bien volontiers ? trouver un obus comme Barousse.

Quant au colonel, lui, je ne lui voulais pas de mal. Lui pourtant aussi il еtait mort. Je ne le vis plus, tout d’abord. C’est qu’il avait еtе dеportе sur le talus, allongе sur le flanc par l’explosion et projetе jusque dans les bras du cavalier ? pied, le messager, fini lui aussi. Ils s’embrassaient tous les deux pour le moment et pour toujours mais le cavalier n’avait plus sa t?te, rien qu’une ouverture au-dessus du cou, avec du sang dedans qui mijotait en glouglous comme de la confiture dans la marmite. Le colonel avait son ventre ouvert, il en faisait une sale grimace. ?a avait d? lui faire du mal ce coup-l? au moment o? c’еtait arrivе. Tant pis pour lui! S’il еtait parti d?s les premi?res balles, ?a ne lui serait pas arrivе.

Toutes ces viandes saignaient еnormеment ensemble.

Des obus еclataient encore ? la droite et ? la gauche de la sc?ne.

J’ai quittе ces lieux sans insister, joliment heureux d’avoir un aussi beau prеtexte pour foutre le camp. J’en chantonnais m?me un brin, en titubant, comme quand on a fini une bonne partie de canotage et qu’on a les jambes un peu dr?les. « Un seul obus! C’est vite arrangе les affaires tout de m?me avec un seul obus », que je me disais. « Ah! dis donc! que je me rеpеtais tout le temps. Ah! dis donc!.. »

Il n’y avait plus personne au bout de la route. Les Allemands еtaient partis. Cependant, j’avais appris tr?s vite ce coup-l? ? ne plus marcher dеsormais que dans le profil des arbres. J’avais h?te d’arriver au campement pour savoir s’il y en avait d’autres au rеgiment qui avaient еtе tuеs en reconnaissance. Il doit y avoir des bons trucs aussi, que je me disais encore, pour se faire faire prisonnier!.. ?? et l? des morceaux de fumеe ?cre s’accrochaient aux mottes. « Ils sont peut-?tre tous morts ? l’heure actuelle? que je me demandais. Puisqu’ils ne veulent rien comprendre ? rien, c’est ?a qui serait avantageux et pratique qu’ils soient tous tuеs tr?s vite… Comme ?a on en finirait tout de suite… On rentrerait chez soi… On repasserait peut-?tre place Clichy en triomphe… Un ou deux seulement qui survivraient… Dans mon dеsir… Des gars gentils et bien balancеs, derri?re le gеnеral, tous les autres seraient morts comme le colon… Comme Barousse… comme Vanaille… (une autre vache)… etc. On nous couvrirait de dеcorations, de fleurs, on passerait sous l’Arc de Triomphe. On entrerait au restaurant, on vous servirait sans payer, on payerait plus rien, jamais plus de la vie! On est les hеros! qu’on dirait au moment de la note… Des dеfenseurs de la Patrie! Et ?a suffirait!.. On payerait avec des petits drapeaux fran?ais!.. La caissi?re refuserait m?me l’argent des hеros et m?me elle vous en donnerait, avec des baisers quand on passerait devant sa caisse. ?a vaudrait la peine de vivre. »

Je m’aper?us en fuyant que je saignais du bras, mais un peu seulement, pas une blessure suffisante du tout, une еcorchure. C’еtait ? recommencer.

Il se remit ? pleuvoir, les champs des Flandres bavaient l’eau sale. Encore pendant longtemps je n’ai rencontrе personne, rien que le vent et puis peu apr?s le soleil. De temps en temps, je ne savais d’o?, une balle, comme ?a, ? travers le soleil et l’air me cherchait, guillerette, ent?tеe ? me tuer, dans cette solitude, moi. Pourquoi? Jamais plus, m?me si je vivais encore cent ans, je ne me prom?nerais ? la campagne. C’еtait jurе.

En allant devant moi, je me souvenais de la cеrеmonie de la veille. Dans un prе qu’elle avait eu lieu cette cеrеmonie, au revers d’une colline; le colonel avec sa grosse voix avait haranguе le rеgiment: « Haut les cCurs! qu’il avait dit… Haut les cCurs! et vive la France! » Quand on a pas d’imagination, mourir c’est peu de chose, quand on en a, mourir c’est trop. Voil? mon avis. Jamais je n’avais compris tant de choses ? la fois.

Le colonel n’avait jamais eu d’imagination lui. Tout son malheur ? cet homme еtait venu de l?, le n?tre surtout. Еtais-je donc le seul ? avoir l’imagination de la mort dans ce rеgiment? Je prеfеrais la mienne de mort, tardive… Dans vingt ans… Trente ans… Peut-?tre davantage, ? celle qu’on me voulait de suite, ? bouffer de la boue des Flandres, ? pleine bouche, plus que la bouche m?me, fendue jusqu’aux oreilles, par un еclat. On a bien le droit d’avoir une opinion sur sa propre mort. Mais alors o? aller? Droit devant moi? Le dos ? l’ennemi. Si les gendarmes ainsi, m’avaient pincе en vadrouille, je crois bien que mon compte e?t еtе bon. On m’aurait jugе le soir m?me, tr?s vite, ? la bonne franquette, dans une classe d’еcole licenciеe. Il y en avait beaucoup des vides des classes, partout o? nous passions. On aurait jouе avec moi ? la justice comme on joue quand le ma?tre est parti. Les gradеs sur l’estrade, assis, moi debout, menottes aux mains devant les petits pupitres. Au matin, on m’aurait fusillе: douze balles, plus une. Alors?

Et je repensais encore au colonel, brave comme il еtait cet homme-l?, avec sa cuirasse, son casque et ses moustaches, on l’aurait montrе se promenant comme je l’avais vu moi, sous les balles et les obus, dans un music-hall, c’еtait un spectacle ? remplir lA’lhambra d’alors, il aurait еclipsе Fragson, dans l’еpoque dont je vous parle une formidable vedette, cependant. Voil? ce que je pensais moi. Bas les cCurs! que je pensais moi.

Apr?s des heures et des heures de marche furtive et prudente, j’aper?us enfin nos soldats devant un hameau de fermes. C’еtait un avant-poste ? nous. Celui d’un escadron qui еtait logе par l?. Pas un tuе chez eux, qu’on m’annon?a. Tous vivants! Et moi qui possеdais la grande nouvelle: « Le colonel est mort! » que je leur criai, d?s que je fus assez pr?s du poste. « C’est pas les colonels qui manquent! » que me rеpondit le brigadier Pistil, du tac au tac, qu’еtait justement de garde lui aussi et m?me de corvеe.

« Et en attendant qu’on le remplace le colonel, va donc, eh carotte, toujours ? la distribution de bidoche avec Empouille et Kerdoncuff et puis, prenez deux sacs chacun, c’est derri?re l’еglise que ?a se passe… Qu’on voit l?-bas… Et puis vous faites pas refiler encore rien que les os comme hier, et puis t?chez de vous dеmerder pour ?tre de retour ? l’escouade avant la nuit, salopards! »

On a repris la route tous les trois donc.

« Je leur raconterai plus rien ? l’avenir! » que je me disais, vexе. Je voyais bien que c’еtait pas la peine de leur rien raconter ? ces gens-l?, qu’un drame comme j’en avais vu un, c’еtait perdu tout simplement pour des dеgueulasses pareils! qu’il еtait trop tard pour que ?a intеresse encore. Et dire que huit jours plus t?t on en aurait mis s?rement quatre colonnes dans les journaux et ma photographie pour la mort d’un colonel comme c’еtait arrivе. Des abrutis.

C’еtait donc dans une prairie d’ao?t qu’on distribuait toute la viande pour le rеgiment, – ombrеe de cerisiers et br?lеe dеj? par la fin d’еtе. Sur des sacs et des toiles de tentes largement еtendues et sur l’herbe m?me, il y en avait pour des kilos et des kilos de tripes еtalеes, de gras en flocons jaunes et p?les, des moutons еventrеs avec leurs organes en paga?e, suintant en ruisselets ingеnieux dans la verdure d’alentour, un bCuf entier sectionnе en deux, pendu ? l’arbre, et sur lequel s’escrimaient encore en jurant les quatre bouchers du rеgiment pour lui tirer des morceaux d’abattis. On s’engueulait ferme entre escouades ? propos de graisses, et de rognons surtout, au milieu des mouches comme on en voit que dans ces moments-l?, importantes et musicales comme des petits oiseaux.

Et puis du sang encore et partout, ? travers l’herbe, en flaques molles et confluentes qui cherchaient la bonne pente. On tuait le dernier cochon quelques pas plus loin. Dеj? quatre hommes et un boucher se disputaient certaines tripes ? venir.

« C’est toi eh vendu! qui l’as еtouffе hier l’aloyau!.. »

J’ai eu le temps encore de jeter deux ou trois regards sur ce diffеrend alimentaire, tout en m’appuyant contre un arbre et j’ai d? cеder ? une immense envie de vomir, et pas qu’un peu, jusqu’? l’еvanouissement.

On m’a bien ramenе jusqu’au cantonnement sur une civi?re, mais non sans profiter de l’occasion pour me barboter mes deux sacs en toile cachou.

Je me suis rеveillе dans une autre engueulade du brigadier. La guerre ne passait pas.

Tout arrive et ce fut ? mon tour de devenir brigadier vers la fin de ce m?me mois d’ao?t. On m’envoyait souvent avec cinq hommes, en liaison, aux ordres du gеnеral des Entrayes. Ce chef еtait petit de taille, silencieux, et ne paraissait ? premi?re vue ni cruel, ni hеro?que. Mais il fallait se mеfier… Il semblait prеfеrer par-dessus tout ses bonnes aises. Il y pensait m?me sans arr?t ? ses aises et bien que nous fussions occupеs ? battre en retraite depuis plus d’un mois, il engueulait tout le monde quand m?me si son ordonnance ne lui trouvait pas d?s l’arrivеe ? l’еtape, dans chaque nouveau cantonnement, un lit bien propre et une cuisine amеnagеe ? la moderne.

Au chef d’Еtat-major, avec ses quatre galons, ce souci de confort donnait bien du boulot. Les exigences mеnag?res du gеnеral des Entrayes l’aga?aient. Surtout que lui, jaune, gastritique au possible et constipе, n’еtait nullement portе sur la nourriture. Il lui fallait quand m?me manger ses Cufs ? la coque ? la table du gеnеral et recevoir en cette occasion ses dolеances. On est militaire ou on ne l’est pas. Toutefois, je n’arrivais pas ? le plaindre parce que c’еtait un bien grand saligaud comme officier. Faut en juger. Quand nous avions donc tra?nе jusqu’au soir de chemins en collines et de luzernes en carottes, on finissait tout de m?me par s’arr?ter pour que notre gеnеral puisse coucher quelque part. On lui cherchait, et on lui trouvait un village calme, bien ? l’abri, o? les troupes ne campaient pas encore et s’il y en avait dеj? dans le village des troupes, elles dеcampaient en vitesse, on les foutait ? la porte, tout simplement; ? la belle еtoile, m?me si elles avaient dеj? formе les faisceaux.

Le village c’еtait rеservе rien que pour l’Еtat-major, ses chevaux, ses cantines, ses valises, et aussi pour ce saligaud de commandant. Il s’appelait Pin?on ce salaud-l?, le commandant Pin?on. J’esp?re qu’? l’heure actuelle il est bien crevе (et pas d’une mort pеp?re). Mais ? ce moment-l?, dont je parle, il еtait encore salement vivant le Pin?on. Il nous rеunissait chaque soir les hommes de la liaison et puis alors il nous engueulait un bon coup pour nous remettre dans la ligne et pour essayer de rеveiller nos ardeurs. Il nous envoyait ? tous les diables, nous qui avions tra?nе toute la journеe derri?re le gеnеral. Pied ? terre! ? cheval! Repied ? terre! Comme ?a ? lui porter ses ordres, de-ci, de?l?. On aurait aussi bien fait de nous noyer quand c’еtait fini. C’e?t еtе plus pratique pour tout le monde.

« Allez-vous-en tous! Allez rejoindre vos rеgiments! Et vivement! qu’il gueulait.